Découvrez le court métrage "Aglaée" de Rudi Rosenberg

Découvrez le court métrage "Aglaée" de Rudi Rosenberg

04 septembre 2020
Cinéma
Aglaee de Rudi Rosenberg
"Aglaée" de Rudi Rosenberg
Après un pari perdu, Benoît, un collégien, a pour gage d’inviter à sortir avec lui Aglaée, une élève handicapée. Rudi Rosenberg, réalisateur d’Aglaée, revient pour le CNC sur la naissance de ce court métrage qui aborde une thématique présente dans plusieurs de ses réalisations, l’adolescence.

L’adolescence est au cœur d’Aglaée mais également de 13 ans, votre court métrage de fin d’étude à l’EICAR (École internationale de création audiovisuelle et de réalisation) et de votre long métrage Le Nouveau. Qu’est-ce qui vous plaît tant dans cette période ?

C’est une question que l’on me pose souvent. Mais ce n’est pas la période qui m’intéresse. J’ai commencé ma carrière comme comédien et j’ai ensuite voulu être réalisateur car j’avais cette envie de diriger des acteurs. J’ai compris assez rapidement que les adolescents et préadolescents avaient quelque chose de très naturel. Ils peuvent être très faux quand on les enferme dans des contextes un peu formatés, mais lorsqu’ils sont laissés libres, ils peuvent offrir des choses extraordinaires comme des éclats de naturel. C’est ce que je cherche à obtenir. Et comme tout le monde, je suis aussi un peu nostalgique de mon adolescence.

Travailler avec de tels acteurs demande-t-il un travail particulier ?

J’ai beaucoup dirigé des enfants et des adolescents et je trouve presque plus facile de tourner avec eux qu’avec des adultes car ils sont décomplexés dès qu’ils sont à l’aise. Mais il faut les mettre dans un contexte « cool » dans lequel on peut tirer le meilleur d’eux. J’ai l’impression que j’aurais davantage de mal à diriger des comédiens connus et célèbres car je pourrais être impressionné par leur parcours. Et en termes de « kiffe », rien n’égale ce moment où tout d’un coup ça sonne juste avec des adolescents. Où arrive un moment unique et magique comme un éclat de rire ou une erreur de diction.

Comment arriver à mettre en confiance ces jeunes comédiens ?

J’ai surtout l’impression qu’il faut créer une confiance entre eux et faire en sorte qu’ils s’entendent bien eux-mêmes afin qu’ils prennent du plaisir à s’échanger des blagues et du dialogue. C’est là que la mayonnaise prend. Ensuite, il faut juste rester discret, filmer silencieusement et laisser tourner la caméra. Et comme n’importe quel acteur, ils ont aussi besoin d’être encouragés lorsqu’ils font des choses bien.

Le plus important, dans ce genre de films avec des adolescents, est donc de trouver le bon casting pour qu’une alchimie se crée ?

C’est exactement ça. Une fois que le casting est bien fait, ça va tout seul. Il n’y a plus qu’à filmer.

Comment avez-vous trouvé les acteurs d’Aglaée, et notamment Géraldine Martineau (Aglaée) qui est plus âgée (elle avait la vingtaine lors du tournage du court métrage, ndlr) que les autres interprètes ?

Avec ma directrice de casting, nous avons fait un casting sauvage, notamment à la sortie des collèges. J’avais par contre repéré Géraldine dans un court métrage à Clermont-Ferrand. Son âge a été un peu problématique sur Le Nouveau (elle reprend le rôle d’Aglaée dans le long métrage, ndlr) car il y avait des problèmes de connexion avec les adolescents. Ce n’était pas toujours facile car ils se moquaient d’elle en vrai dans le film et la considéraient vraiment comme une handicapée car elle jouait tellement bien son rôle. Mais elle avait du répondant, une solidité, beaucoup d’humour et a su garder le cap pendant le tournage. Le rapport n’était pas le même entre elle et les comédiens sur le tournage d’Aglaée. Ils étaient plus matures. D’un autre côté, le court métrage ne parle pas d’une histoire d’amitié mais d’une confrontation un peu brutale. Une mauvaise entente entre eux n’aurait pas été un problème.

Dans Aglaée, vous traitez le handicap avec réalisme, sans pathos. Comment avez-vous trouvé ce ton ?

Lorsque j’ai commencé à écrire Aglaée, j’avais en tête une comédie pure. Le film a pris un tournant plus sévère et dur sur le tournage. Je pense que l’interprète du rôle principal a donné cette profondeur. Benoît (incarné par Marc Faria Chaulet, ndlr) devait être au départ plus petit et avoir les dents en avant. J’avais vraiment imaginé un personnage plus grotesque mais il a finalement quelque chose de plus profond en lui, comme une frustration ou une colère intérieure. Je crois que Marc Faria Chaulet porte cette couleur en lui. J’aime laisser mes comédiens donner une part d’eux à leur personnage. Leur personnalité prend beaucoup de place et transcende vraiment les héros qu’ils incarnent. Je n’essaie jamais de faire rentrer au forceps un acteur dans un personnage, je préfère faire évoluer ce dernier pour qu’il ressemble davantage à son interprète. Mes films racontent des tranches de vie, que les personnages évoluent après le casting n’est pas un problème.

Comment traiter ces tranches de vie adolescentes – les premiers émois amoureux, les amis, le rejet par certains camarades – sans stéréotypes ?

Je puise beaucoup dans mes souvenirs personnels et ceux de mes amis. J’ai longtemps noté dans un carnet des souvenirs d’enfance. Ces idées ont été rassemblées pour donner une histoire dans Le Nouveau. Aglaée est né car je trouvais intéressant de mettre en scène ce pari entre trois copains. J’imaginais déjà cette scène. Le film Storytelling de Todd Solondz m’a enfin donné envie d’explorer le handicap.

Il n’y a pas de marqueurs temporels dans Aglaée. Qu’apporte cette intemporalité au film ?

Raconter les travers d’une époque et avoir ce regard sur la société ne m’intéresse pas. Certaines personnes font ça très bien. Mais je préfère raconter le parcours de personnages. L’intemporalité permet aussi d’avoir cette nostalgie pour que chacun puisse se projeter dans son adolescence. Avoir trop de références aux codes de l’époque est un obstacle pour se rappeler ses propres souvenirs. Je ne sais pas si c’est réussi, mais je voulais vraiment faire un film qui tienne la route même des dizaines d’années plus tard. Un peu comme A Swedish Love Story (de Roy Andersson), un film que j’adore et qui a été tourné dans les années 1970. Pour moi, il n’a pas pris une ride !

Vous remerciez Céline Sciamma dans le générique de fin. Pourquoi ?
Vous avez l’œil (rires) ! Lorsque j’ai commencé l’écriture d’Aglaée, Antoine Gandaubert et Antoine Rein (producteurs de Karé Productions) m’ont mis en relation avec Céline Sciamma. Elle était déjà reconnue dans le milieu du cinéma même si elle n’avait pas sa notoriété actuelle. Nous avons fait ensemble quelques séquences d’écriture sur le script. Mais je n’étais pas, à l’époque, assez mature pour absorber les conseils. Je voulais faire mon film et je n’ai pas assez profité de son talent. Je n’ai pas su saisir cette opportunité.

Le Nouveau  de Rudi rosenberg

Rudi Rosenberg a repris le personnage d’Aglaée dans son long métrage Le Nouveau sorti en décembre 2015. Mais ce film sur un jeune collégien qui tente de s’intégrer dans son nouvel établissement scolaire n’est ni une suite ni un vrai spin-off du court métrage Aglaée. « J’ai commencé à écrire Le Nouveau sans les personnages d’Aglaée. Je me suis finalement rendu compte que j’écrivais un peu sur le même thème. Le film parle de différences et il me semblait intéressant qu’un des personnages soit différent non pas par sa maturité mais par son physique. J’ai cherché une actrice de l’âge du personnage pour l’incarner avant de revenir à Géraldine car j’étais très attaché à elle. »