Disparition de Marc Ferro

Marc Ferro s’est éteint dans la nuit du 22 avril, emporté à 96 ans par une complication du Covid-19. Historien et grand spécialiste de l’URSS, de la Russie, de la colonisation et des guerres du XXe siècle, il « aura été jusqu’au bout habité par sa passion pour l’Histoire et l’évolution du monde », assure sa famille dans un communiqué. Ancienne figure de la chaîne Arte sur laquelle il a présenté durant douze ans - jusqu’en 2002 - l’émission Histoire parallèle (qui proposait aux téléspectateurs de visionner des images d’archives avec 50 ans d’écart), Marc Ferro était un passeur, au sens le plus noble du terme. Un intellectuel qui aimait réfléchir aux liens entre le cinéma et l’Histoire, considérant le 7e art comme un instrument de connaissance historique.

Enseignant dans un lycée d’Oran puis à Paris, il rejoint l’École Polytechnique avant de bifurquer vers l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Eminent représentant de l’école historique française, rassemblée autour de la revue des Annales, sa curiosité insatiable lui faisait arpenter des territoires nouveaux et il dirigera le groupe de recherches « Cinéma et Histoire ». À la fin des années 80, il mettra ainsi à la portée du grand public les archives cinématographiques des grands moments de l’Histoire contemporaine, notamment celles sur la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide. Il est l’auteur de livres comme Analyse de film, analyse de sociétés : une source nouvelle pour l’Histoire (1974), Cinéma et Histoire (1977), Film et histoire (1984), Le Cinéma, une vision de l’histoire (2003). Marc Ferro y démontre que le cinéma, et pas seulement les films dits « historiques », permettent d’éclairer nos sociétés.

Interviewé par Olivier Barrot dans l’émission Un livre, un jour en 2003, il expliquait ainsi que le film Et Dieu créa la femme faisait apparaître « la femme nouvelle, la femme émancipée, libre, qui rompt avec les comédiennes d'avant. Et qui en même temps montre l'irruption de la jeunesse dans la vie sociale et politique en France. Un peu comme aux Etats-Unis les films avec Brando, James Dean, ou subitement la jeunesse est apparue comme un groupe social qui avait ses idées, ses opinions, qui n'étaient pas celle de "papa maman", qui avait sa vision de l'histoire, de la politique. Brigitte Bardot collabore avec l'esprit de la Nouvelle Vague. »

Son livre Pétain (1987), qui retrace la vie du maréchal à partir de 1940, a été adapté en long métrage par Jean Marboeuf en 1993.