Entretien avec Ron Dyens

Entretien avec Ron Dyens

18 juin 2018
Ron Dyens, Producteur – Sacrebleu Productions
Ron Dyens, Producteur – Sacrebleu Productions DR

En 1999, Ron Dyens crée Sacrebleu Productions. En 2010, Sacrebleu a produit le long métrage documentaire Free Radicals, une histoire du cinéma expérimental, sorti en France et aux Etats-Unis. En 2016, Tout en haut du monde, réalisé par Rémi Chayé, est sorti dans une trentaine de pays. Prix du Public à Annecy 2015, le film totalise plus de 300 000 spectateurs à ce jour. La société prépare actuellement la coproduction du nouveau film de l'auteur et produit le nouveau film de Anca Damian L'Extraordinaire Voyage de Marona.


Sacrebleu a également reçu les prix suivants : - Palme d'Or à Cannes pour Chienne d'Histoire (2010) - César du meilleur court d'animation pour Le Repas Dominical (2016) - Lion d'Or pour Gros Chagrin (2017) - Ours d'Argent pour The Great Rabbit (2012) - Deux Cristal à Annecy pour Tram (2012) et Man on the Chair (2014) - Prix Procirep du Meilleur Producteur court métrage (2010) - Prix Procirep du Meilleur Producteur TV animation (2013) - Nomination aux Oscars pour Madagascar, Carnet de Voyage (2010).

Ron Dyens a réalisé quant à lui cinq courts métrages sélectionnés dans plus de 300 festivals (Cannes, Clermont-Ferrand, Brest…).

Pourquoi vous êtes-vous spécialisé dans la production de projets d'animation ?

RD : En fait je ne me suis pas spécialisé dans l'animation mais il se trouve que, au moment où je me suis intéressé à l'animation (2002), les nouvelles technologies commençaient vraiment à faire des miracles, tout paraissait alors possible, mais je me rendais bien compte que l'aspect narratif était souvent mis de côté, tant par les décideurs que par les réalisateurs ou bien même les producteurs. L'image était au centre du process et l'histoire était souvent la portion congrue du film. Je pense que, venant du cinéma de fiction (ce mot est évidemment à utiliser avec des pincettes), j'ai davantage travaillé sur l'histoire vu que l'image à mes yeux était déjà maîtrisée par le réalisateur. L'autre raison est que j'ai une formation d'arts plastiques, et j'ai toujours aimé le rapport à l'objet dessiné et son rapport au temps. Contrairement à la fiction (où tout se concentre sur quelques semaines), un film animé est dans une autre temporalité, plus calme, et laisse souvent le temps de développer des relations au long cours.

Citation
Si je pense qu'une histoire mérite d'être racontée et qu'un auteur a le talent pour, j'essaie de ne pas me priver

Après de nombreux courts métrages, vous passez à la production d'un long métrage d'animation Tout en haut du monde, le passage par le court est-il un préalable ?

RD : Produire un film à six millions lorsque vous n'êtes pas connu est une gageure. Nous avions 21 partenaires financiers à des stades différents, et la plupart souhaitent avoir leur mot à dire sur l'histoire, sur le style graphique etc. Pour arriver à fédérer tout cela, pour avoir une légitimité, surtout quand il s'agit d'un premier long également pour les auteurs, vous devez un peu avoir fait vos preuves. Car finalement le court recommande souvent le long (dans les équipes des télés, dans les régions etc.). Perdre son temps et son argent est désagréable pour tout le monde, et si une production n'a pas montré avant qu'elle est capable de gérer un budget, une équipe, une histoire, alors il est évidemment plus difficile de convaincre.

Plus récemment, vous vous lancez dans la production d'un court métrage de fiction, Limbo, est-ce un nouveau virage ?

RD : J'ai commencé par la fiction.

Il se trouve que j'ai la chance d'avoir eu de nombreux succès en animation, mais j'ai également eu quelques succès en fiction (sélections à Cannes, pré-sélection aux Oscar, prix à Clermont etc.). J'essaie de ne pas être cantonné à un genre, un format ou quoi que ce soit, et à ce titre le premier long que j'ai produit est un film documentaire sur l'histoire du cinéma expérimental et qui a été distribué aux États-Unis.Si je pense qu'une histoire mérite d'être racontée et qu'un auteur a le talent pour, j'essaie de ne pas me priver. Après, le plus dur est de trouver les bons interlocuteurs financiers qui participeraient au tour de table. Et là, souvent, il manque un désir de curiosité et c'est aussi l'instinct grégaire qui prédomine : aller voir par exemple le service documentaire d'une chaîne quand vous êtes davantage cantonnée au cinéma, ça c'est dur !

Quels sont les nouveaux défis que vous souhaitez maintenant relever avec Sacrebleu ?

RD : Je ne m'interdis rien mais je reste circonspect sur les films à très gros budgets car les concessions à faire sont énormes. Je garderai toujours un pied dans le court car non seulement il m'a accueilli et fait grandir, mais aussi parce que les enjeux humains ne sont pas les mêmes et que l'espace de liberté y est plus grand. Maintenant, chaque histoire doit avoir son style propre et sa durée idéale. Dont acte.