Jean-Pierre Rehm : « Au FID, les films doivent témoigner du monde dans lequel nous vivons »

Jean-Pierre Rehm : « Au FID, les films doivent témoigner du monde dans lequel nous vivons »

21 juillet 2020
Cinéma
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Ich war zuhause aber d'Angela Schanelec
Ich war zuhause aber d'Angela Schanelec Nachmittagfilm
Le délégué général du FID, le Festival International du cinéma de Marseille, dont la 31e édition se tient du 22 au 26 juillet dans plusieurs salles de la cité phocéenne, explique les contours de la programmation de ce rendez-vous cinéphile qui entend mêler tous les formats.

Historiquement le FID était exclusivement dédié à la forme documentaire. Depuis dix ans, la fiction est également présente. Pourquoi cette évolution ?

Le documentaire a depuis de nombreuses années - que ce soit à la télévision ou au cinéma - une plus grande visibilité. En France, de nombreux festivals dédiés lui sont d’ailleurs consacrés. Il nous a toutefois semblé que cette montée en puissance du documentaire ravivait un vieux débat qui voudrait que le documentaire soit le gage d’une authenticité supposée contre la fabrication d’une imagerie frauduleuse et mensongère de la fiction. Or, la fiction peut évidemment raconter le monde avec véracité. Le FID entend, via les films présentés, témoigner du monde dans toute sa diversité. Du monde ou plutôt des mondes (géographiques, sociaux, historiques…). Ce que nous aimons dans le cinéma, c’est son aspect bariolé, chahuté, mélangé, impur. Tout cela rend compte de ce qui se fabrique aujourd’hui. Les frontières entre le documentaire et la fiction sont de plus en plus poreuses.

Comment choisissez-vous les films présentés au FID ?

Il n’y a pas de règles, de secrets ou de méthodes particulières. On nous envoie un peu plus de trois mille films. Nous sélectionnons ceux qui nous sautent aux yeux, ceux qui, par leur nature, leurs sujets, font évènement. Un évènement ça peut être beaucoup de choses. Ça peut être un tsunami, une pandémie, un conflit.... Il y a aussi des événements plus modestes et fragiles, indiscernables. Un oiseau va se poser sur une branche, le cinéaste l’attend fébrilement pour saisir ce moment qui sera peut-être furtif et unique. Ce genre d’émotion ne peut pas s’expliquer. Elle nous touche et nous avons envie de la partager. C’est aussi simple que ça...   

Il y a toutefois des critères spécifiques pour qu’un film soit éligible ?

En effet. Pour être en compétition, il faut que le film n’ait jamais été distribué ailleurs que dans son pays d’origine. Si nous aimons un film et qu’il ne répond pas à ce critère, nous l’inscrivons hors compétition.

L’une des particularités du FID est de mélanger les formats : courts, longs, documentaire, fiction...

Oui, d’ailleurs, une section baptisée « Flash » a été créée cette année. Elle est dédiée aux films brefs, c’est-à-dire de moins de soixante minutes. Ce cloisonnement supposé en section ne veut pas dire qu’un film appartenant à cette catégorie ne peut pas se retrouver en compétition avec un long métrage issu d’une autre section. Tout est basé sur un principe de transversalité. Pas de ghetto chez nous ! Ce n’est pas son format, sa nature et encore moins sa nationalité qui détermine l’importance supposée d’une œuvre. Toutefois, les sections permettent au festivalier de s’y retrouver : Flash, donc, mais aussi une section dédiée aux premiers films, aux films français, aux internationaux. Il y aussi la section « CNAP », en partenariat avec le Centre National des Arts Plastiques.

Il y aura aussi des hommages et des rétrospectives...

Cinq longs métrages avec Michel Piccoli seront présentés en ouverture pour célébrer la carrière de cet immense acteur récemment décédé. Il y aura aussi une rétrospective du travail de la cinéaste allemande Angela Schanelec avec notamment la présentation de son dernier long métrage, Ich war zuhause, aber… récompensé en 2019 d’un Ours d’Argent à la Berlinale. Par ailleurs, ce sera le cinéaste japonais Nobuhiro Suwa qui présidera le jury de la compétition internationale et l’actrice française Zita Hanrot, celui de la compétition française.  

Est-ce que la crise sanitaire que nous vivons actuellement est déjà présente dans certains films projetés cette année ?

Oui de manière parfois indirecte mais bien réelle, et ce même si la sélection a débuté au mois de décembre et que la programmation a été finalisée en mai. Au sein du FIDLab, atelier de travail où des artistes peuvent défendre leur projet auprès de professionnels, l’un des films, Ollin Blood de la Française Elise Florenty et de l’Allemand Marcel Türkowsky, dont l’action se déroule au Mexique, a été, - confinement oblige – réalisé en partie à distance. Dans les premières images que nous avons pu découvrir, on aperçoit sur les marchés mexicains des objets artisanaux sculptés ayant la forme du virus telle qu’on a pu la voir dans les médias. C’est assez étrange. Au sein de la compétition française, La cellule de Samir Ramdani, est un film de science-fiction, inspiré du Village des damnés. Le réalisateur a pu tourner des séquences dans un Paris désert durant le confinement. En temps normal, une telle chose aurait été impossible à moins de bénéficier de moyens conséquents. Enfin, un très beau court métrage chinois, A Peaceful Divorce de Sidi Wang, montre les relations d’un père et sa fille cloîtrés chez eux, obligés de communiquer à distance via des ordinateurs.

Et de façon plus directe, en quoi la crise sanitaire a-t-elle bouleversé l’organisation du festival ?

L’annonce gouvernementale de la réouverture des salles de cinéma à partir du 22 juin nous a permis d’envisager la tenue de l’évènement dans sa forme quasi habituelle. Il n’était, en effet, plus question de l’organiser en ligne, comme nous l’avions prévu au départ. Seul le FIDLab s’est tenu numériquement du 6 au 10 Juillet. La réouverture des salles a donc tout chamboulé. Il a fallu s’adapter. Résultat, nous avons réduit la durée du festival à quatre jours au lieu de six normalement. Conséquence directe, moins de films seront présentés - 91 films contre près de 130 l’année dernière. Idem pour le nombre de salles, qui est passé de sept contre dix habituellement. Les mesures sanitaires seront évidemment scrupuleusement respectées. Enfin, beaucoup d’invités venant de certaines parties du monde, comme l’Amérique et l’Asie, ne pourront être présents. Le FID reste le premier rendez-vous international de cinéma à se tenir « physiquement » en France depuis la fin du confinement.