Just Philippot, des pluies acides aux sauterelles charnues

Just Philippot, des pluies acides aux sauterelles charnues

31 janvier 2019
Cinéma
Acide de Just Philippot
Acide de Just Philippot Production : La Petite Prod et Capricci

Après le court métrage Acide (découvert au festival de Clermont-Ferrand en 2018 et à voir en intégralité sur le site du CNC jusqu’au 7 février), le réalisateur tourangeau de 36 ans prépare son premier long métrage, La Nuée, un nouveau projet soutenu par l'appel à projets pour les films de genre du CNC.



Certains se lancent dans la réalisation de films d’épouvante ou fantastiques par passion, d’autres par nécessité… Le déclic qui a fait basculer Just Philippot vers le cinéma de genre ? Un simple « concours de circonstances, parce qu’on m’a proposé, en 2017, de participer à la résidence d’écriture So Film de genre [en partenariat, entre autres, avec le CNC, ndlr]. J’étais intéressé par ce type de cinéma, mais je n’en suis pas du tout spécialiste  », précise le jeune réalisateur, qui cite Pialat, les frères Dardenne, le film Requiem pour un massacre d’Elem Klimov aussi bien que Tod Browning parmi ses références.

Après des études de cinéma à l’Université Paris 8, Just Philippot s’est en effet illustré avec des courts métrages de styles très différents, bien que marqués par des thématiques communes (la famille, la fuite en avant, le sentiment de culpabilité). En 2015, il réalise ainsi un drame familial sur une petite fille et sa mère vivant dans une voiture, Ses Souffles. Puis un documentaire intimiste sur son frère polyhandicapé, Gildas a quelque chose à nous dire (2016). De la résidence So Film de genre est né Acide (2018), court métrage fantastico-catastrophe ultra-rythmé, remarqué, pré-acheté par Canal+ et ayant bénéficié d’une sortie en salles dans le cadre du programme 4 histoires fantastiques, dans lequel un jeune couple et son enfant doivent sans cesse fuir et s’abriter pour survivre à des pluies pour le moins… toxiques.

Premier long métrage

Just Philippot poursuit aujourd’hui son incursion dans le genre en préparant la réalisation de La Nuée, son premier long métrage, écrit par Jérôme Genevray et Franck Victor. Le film, qui devrait être tourné cet été, racontera l’histoire d’une agricultrice ayant monté un élevage de sauterelles pour en faire le commerce. L’usage alimentaire d’insectes étant encore regardé avec méfiance par la population, ses comptes n’affichent pas un état de santé florissant et cette mère de famille peine à subvenir aux besoins de ses enfants. Par hasard, elle s’aperçoit un jour qu’en nourrissant les sauterelles avec son sang, celles-ci deviennent plus charnues, agiles, vigoureuses et se reproduisent beaucoup plus vite. Ses affaires décollent enfin, mais risquent d’aboutir à une situation catastrophique… « C’est une chronique sur une femme qui va prendre le mauvais chemin. Je l’imagine comme une synthèse entre cinéma de genre et d’auteur, puisque le film va développer un thème, un message, à travers le genre fantastique », indique Just Philippot.

« Ce sont les producteurs, Thierry Lounas (Capricci) et Manuel Chiche (The Jokers), qui ont pensé à moi pour mettre cette histoire en images. C’est le premier projet sur lequel je travaille sans en être l’initiateur ni le scénariste. Ce n’est pas forcément quelque chose de simple, puisque nous ne nous connaissions pas du tout avec Jérôme et Franck, et que le processus d’écriture était déjà très avancé. Mais nous nous sommes rapidement mis au boulot en réfléchissant ensemble à l’évolution du scénario », poursuit le réalisateur.

Un travail de réflexion collaborative d’autant plus essentiel que les deux auteurs et Just Philippot ne partageaient pas exactement la même vision du projet. « J’ai lu leur scénario, puis fait part de mes « intuitions » : mon but n’est pas de me poser en juge mais de questionner, d’essayer de mettre le doigt sur les faiblesses, les choses qui me semblaient incohérentes, ou du moins sur ce qui pourrait être amélioré. Et de proposer mes « envies ». Jérôme et Franck étaient dans une approche beaucoup plus « genre », un peu à la Alien, qui développait un rapport quasi-maternel et télépathique entre l’agricultrice et les sauterelles. Moi, je souhaitais tirer le film vers un cinéma davantage réaliste, presque plus proche de Petit Paysan par exemple, et en faire une métaphore de la façon dont l’humain détruit l’environnement et crée des monstres ». Petit à petit, réalisateur et scénaristes se sont « trouvés ».

S’avouant autant « enthousiaste » qu’ « inexpérimenté » et « sans certitudes », Just Philippot cherche avant tout, à travers ce premier film et selon ses propres dires, à se faire plaisir. « Je ne veux pas faire de cinéma dans la souffrance, je n’aime pas les postures, quand les réalisateurs se prennent trop au sérieux ». Un message essentiel pour le réalisateur : « C’est ce que je répète aux jeunes lorsque j’anime des ateliers pour Ciclic [l’Agence régionale du Centre-Val-de-Loire pour le livre, l’image et la culture numérique, ndlr] : il ne faut pas qu’ils fassent de complexes parce qu’ils sont dans un lycée viticole et n’ont pas tout vu et tout lu – ça n’en fait pas des gens qui auraient moins de choses à dire que des étudiants en cinéma, bien au contraire ! Le cinéma français ne doit pas évoluer en cercle fermé dans un microcosme parisien se regardant le nombril, car il n’est alors qu’un miroir de lui-même et oublie le rapport à l’Autre ».

Projets en cours

Just Philippot travaille actuellement sur quatre projets. Son premier long métrage, La Nuée, soutenu par l'appel à projets pour les films de genre du CNC, devrait entrer en tournage cet été.
Deux autres films sont en cours d’écriture : la version long métrage d’Acide, et Vivant, un road trip. Il écrit également une série radiophonique pour France Culture.

« La Collection » Canal+

Après « La Collection fantastique », dont faisait partie Acide, « La Collection » de Canal+ propose cette année cinq courts métrages autour du polar. De talentueux jeunes réalisateurs se frottent à ce genre balisé et identifié, en offrant des récits inédits et contemporains, des intrigues courtes, de vingt minutes chacune, inspirées de la réalité, et qui nous embarquent sur les routes de la reconstitution, de l’enquête par une détective privée, de l’usurpation d’identité, du fait divers et des petits trafics.
Ces 5 courts métrages ont été développés dans le cadre des résidences So Film de genre. En partenariat avec le CNC, la Sacem, Ciclic, la Région Nouvelle-Aquitaine et le département du Lot-et-Garonne, ces résidences ont pour objectif de renouveler le cinéma de genre en France en proposant des modes d’écriture innovants en laissant notamment davantage de place aux expériences d’écriture collective, à la littérature et à la musique.
La collection Polar sera projetée au festival de Clermont Ferrand le mercredi 6 février. Et sur Canal + Cinéma le dimanche  3 février à 16h  et le mercredi 6 février à 23h. Elle sera diffusée sur Canal + samedi 9 février à 23h et disponible sur MYcanal.