La Fémis : la promotion Carpenter présente ses courts métrages

La Fémis : la promotion Carpenter présente ses courts métrages

04 octobre 2022
Cinéma
La promotion Carpenter de La Fémis
Une partie des étudiants de la promotion Carpenter de La Fémis avant le début des projections. Une soirée placée sous le signe de l’humour et de l’émotion David Quesemand

Chaque année, les diplômés de l’école nationale supérieure des métiers de l’image et du son (La Fémis) dévoilent leurs travaux de fin d’études dans l’enceinte de la Cinémathèque française. Un moment particulier qui donne un aperçu de la création de demain.


Paris 12e arrondissement, 20h. Il y a foule ce mercredi 28 septembre aux abords de la Cinémathèque française. Le temple parisien du 7e art accueille sur invitation une cérémonie particulière, celle qui restera gravée dans les mémoires des jeunes cinéastes de La Fémis : la projection publique de leurs travaux de fin d’études – TFE dans le jargon de l’école. Des courts métrages personnels et pluriels qui clôturent quatre ans passés entre les murs de l’école française des métiers du cinéma. Dans la salle Henri Langlois qui accueille l’événement, c’est l’effervescence. Des étudiants s’affairent pour placer les invités quand d’autres attendent patiemment l’ouverture de la séance dans un mélange de stress et d’excitation. Le cinéaste Costa-Gavras, président de la Cinémathèque, souhaite la bienvenue à la jeune création. « Ravi de vous avoir cette année encore », glisse le réalisateur qui a fait du lieu un écrin de choix pour le cinéma d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Au programme : quatre courts métrages qui font chacun à leur manière la part belle aux histoires intimes, à l’enfance ou encore à la famille : Radiadio d’Ondine Novarese, East Meets West de Raphaël Goldszal, Carabine de Léo Noël, produit par Nathan Jactel et Pas l’cœur assez grand de Hélène Rosselet-Ruiz.

« Utopie et solidarité »

Sur scène, Nathalie Coste-Cerdan, directrice générale de La Fémis, rassure les récents diplômés : « Votre promotion est prête à affronter le monde grâce à deux vertus : l’utopie et la solidarité ». Surprise de taille : le maître de l’horreur, le cinéaste américain John Carpenter, a tenu à adresser un mot aux jeunes pousses du cinéma français. « Un conseil pour le futur : continuez à travailler », leur intime-t-il avec le sourire dans un message vidéo. La promotion Carpenter a passé avec succès ses épreuves de fin de cursus devant un jury de professionnels présidé par la cinéaste Catherine Corsini. Retenue sur un tournage en Corse, la réalisatrice s’est prêtée, elle aussi, au jeu du vidéogramme avec humour et autodérision.

Mélange de théorie et d’enseignements pratiques, les cursus de La Fémis forment à l’ensemble des métiers du cinéma, de la réalisation à la production, de la distribution à l’exploitation de salles, en passant par le son, le montage ou le scénario. « L’école forme des individus, mais surtout des équipes. Notre pédagogie mise énormément sur le collectif, sur la manière de faire des films ensemble année après année et ainsi de se connaître intimement, explique Nathalie Coste-Cerdan. Les jeunes continueront à collaborer à la sortie de l’école ». Preuve en est, Léo Noël, en section scénario, présente Carabine, un court métrage, produit par son camarade de promotion, Nathan Jactel, qui réalise ici son TFE en production. Ils ont mis sur pied une histoire d’amour contrariée dans l’univers des forains du nord de la France. Originaire de Dunkerque, Léo Noël a noué une relation particulière avec le milieu de la fête foraine, « un lieu bercé d’imaginaire ». « J’y ai connu mes premiers émois et mes premières bagarres », raconte celui qui est arrivé au cinéma par la littérature. « Tout jeune, je voulais écrire des romans, puis au lycée j’ai découvert les films de Lubitsch et de James Gray. J’ai compris que je pouvais raconter les histoires autrement, en images et en sons ».

Le cinéaste américain a tenu à enregistrer un message depuis Los Angeles à destination de la promotion qui porte son nom
Le cinéaste américain a tenu à enregistrer un message depuis Los Angeles à destination de la promotion qui porte son nom David Quesemand

« Apprendre en faisant »

Ce soir de septembre, Ondine Novarese, en section son, présente Radiadio. Dans ce film, elle raconte l’histoire d’une famille juive, la sienne, qui tente de faire perdurer ses traditions dans le monde moderne. Pour elle, La Fémis c’est avant tout l’école de la réalisation de soi. « J’ai toujours cultivé un rapport compliqué avec la scolarité. La Fémis c’est la première école où je me suis sentie bien. On nous encourage à être soudés, et c’est quelque chose que nous avons, la promotion Carpenter, particulièrement réussi ». Tout en archives vidéo, son film interroge le lien entre la nostalgie et le son. « J’ai filmé un Seder [Ndlr : un rituel propre à Pessah, la Pâques juive] que nous avons été obligés de faire en ligne, sur Zoom, durant le confinement, sans vraiment avoir une idée en tête. Je ressentais le besoin de figer ce moment. Puis, j’ai découvert la vidéo du Seder familial tournée en 1959 par mon grand-père. Je me suis dit qu’il fallait faire communiquer ces deux matières ». Comme sa camarade, Raphaël Goldszal, du département montage de La Fémis, a également fait de l’image la matière principale de son film de fin d’études. Composé exclusivement d’archives, il y raconte en musique l’histoire puis la rencontre de ses grands-parents, qu’un océan et un rideau de fer ont longtemps séparé. « Je ne suis pas à l’aise pour parler, j’ai donc décidé d’adresser mes remerciements en chantant », s’amuse le jeune cinéaste, tel un clin d’œil à sa comédie musicale East Meets West. À La Fémis, on « apprend en faisant », résume Léo Noël. « La marque de fabrique de l’école ? Je dirais la confiance. On nous laisse nous autogérer, tenter des choses et se tromper. La Fémis c’est la pédagogie par la fabrication de films ».

La Cinémathèque française accueille chaque année la présentation des créations des jeunes diplômés de La Fémis
La Cinémathèque française accueille chaque année la présentation des créations des jeunes diplômés de La Fémis David Quesemand

Cérémonie de clôture d’années passées à appréhender la matière filmique, cette soirée de présentation des TFE sonne aussi pour la promotion Carpenter comme un moment d’introduction dans la « grande famille » du cinéma français. Et quoi de mieux que de rendre désormais hommage à l’un des leurs. Un jeune diplômé s’y attelle et cite cette phrase de Jean-Luc Godard il y a plus de soixante ans dans une lettre envoyée à Henri Langlois : « Il y a toujours dis-je, un petit bruit monotone mais intransigeant dans sa monotonie, et ce bruit, c’est celui d’un projecteur en train de projeter un film. Notre devoir est que ce bruit ne s’arrête jamais. ». Il durera ici presque deux heures. Deux heures de projection durant lesquelles le public passe du rire aux larmes, de la joie à l’émotion.

Faire des films, une nécessité

Réaliser des films relève d’un besoin viscéral pour ces apprentis cinéastes. « Mes films naissent d’un besoin d’exprimer une émotion et de la communiquer », témoigne Ondine Novarese. Prendre le pouls de la société ou à l’inverse soupoudrer la réalité d’onirisme et d’imaginaire, la jeune génération ne veut rien s’interdire. Dans son court métrage de fiction, Pas l’cœur assez grand, qu’elle présente, Hélène Rosselet-Ruiz, diplômée du cursus réalisation, raconte l’histoire de Tom, 10 ans, dont le chien Django, seul repère d’affection dans son quotidien de fils de divorcés, disparaît brutalement… Native de Clichy-sous-Bois, lauréate des Talents en court au Comedy club en 2016 avec sa sœur Marie, Hélène Rosselet-Ruiz a été admise dans le département réalisation après avoir intégré le programme Égalité des chances de l’école qui permet aux jeunes boursiers de l’enseignement supérieur et/ou issus de quartiers prioritaires d’intégrer La Fémis. « Sans ces dispositifs, je n’aurais jamais pu entrer dans cette école », estime la jeune femme.

La Fémis propose également une Résidence de deux ans, accessible sans condition de diplômes aux jeunes talents autodidactes issus de milieux modestes ou éloignés du secteur cinématographique. « Il s’agit d’une autre manière de rentrer à La Fémis pour des jeunes qui n’ont pas nécessairement un bagage académique, mais qui ont néanmoins beaucoup de choses à apporter au cinéma. Ils sont recrutés à travers des courts métrages qu’ils ont déjà réalisés. Pendant deux ans, ils bénéficient des mêmes moyens et enseignements que les autres élèves de l’école, souligne Nathalie Coste-Cerdan. Leur donner une chance est important. Il s’agit de voix un peu différentes qui enrichissent la grande fabrique du cinéma et pour qui faire des films est aussi une nécessité ».

Depuis 1986, La Fémis a formé plus de 1500 professionnels, dont de nombreux grands noms à l’image d’Emmanuel Mouret ou Céline Sciamma. La relève est assurée. « Ce qui nous fait avancer malgré nos doutes et nos préoccupations, c’est notre amour du cinéma, notre foi en notre métier, au fait qu’il serve à quelque chose, confie Léo Noël. Et bien sûr l’envie tout simplement de faire encore et encore des images ».