L’Agence du court métrage : 40 ans d'Histoire(s)

L’Agence du court métrage : 40 ans d'Histoire(s)

13 décembre 2023
Cinéma
L'Agence du court métrage fête ses 40 ans pendant toute l'année 2023
L'Agence du court métrage fête ses 40 ans pendant toute l'année 2023 Agence du court métrage

Ce 18 décembre, la Cinémathèque française accueille une séance spéciale en hommage aux quatre décennies d’existence de l’association qui œuvre à faire vivre le film court à destination de tous les publics, sur tous les écrans et tous les territoires. Retour avec la déléguée générale de l’Agence du court métrage, Amélie Chatellier, sur la genèse de l’association et les défis qui attendent la structure.


Quelle est la genèse de l’Agence du court métrage ?

Amélie Chatellier : Notre association est née dans une période éminemment foisonnante pour le secteur culturel et associatif (libéralisation des bandes FM, promulgation de la loi sur le prix unique du livre, naissance de la fête de la musique…), mais aussi pour le format court avec l’émergence entre autres de festivals comme celui de Clermont-Ferrand porté par l’association Sauve qui peut le court métrage. Jusqu’alors, le format souffrait d’un déficit de visibilité avec une diffusion quasi-inexistante sur les écrans. Il faut d’ailleurs rappeler le discours de Jacques Tati sur l’importance du court métrage à la tribune des César en 1977. À l’orée des années 1980, un groupe de cinéastes de la SRF (Société des Réalisateurs de Film) travaille donc à créer une structure ad hoc dédiée à la diffusion de leurs films courts. Parmi eux, François Ode, qui deviendra le premier délégué général de l’agence, et Philippe Pilard son président pendant trente ans. Ils obtiennent rapidement le soutien des pouvoirs publics. Quand elle naît le 31 mars 1983, l’agence émerge telle qu’elle demeure aujourd’hui, signe d’une extrême clairvoyance des membres fondateurs : une structure regroupant ayants droit, producteurs, cinéastes, exploitants ou encore directeurs de festivals, rassemblés autour d’une ambition : « promouvoir les œuvres de court métrage et en favoriser la diffusion en tous secteurs, sur tous supports et en tous moyens ».

L'association s'est définie rapidement comme "le trait d'union entre ceux qui font des films et ceux qui les montrent".

Concrètement, comment une telle structure se met-elle en place ?

L’association s’est définie très rapidement comme « le trait d’union entre ceux qui font les films et ceux qui les montrent ». Dès le départ, elle est pensée dans une démarche pragmatique : il faut d’abord constituer un stock de films – dont les premières copies sont conservées dans la baignoire des locaux de la SRF ! – avant de réfléchir à sa diffusion et au déploiement d’un modèle économique viable. L’Agence du court métrage a toujours défendu l’idée que les films courts étaient des œuvres de cinéma à part entière. En 1984, la structure réinvente le principe de l’avant-séance en lançant le programme « À nouveau de vraies séances », en partenariat avec l’ACRIF (l’Association des cinémas de recherche en Île-de-France), qui permet donc de diffuser du court en salles. Il devient ensuite le RADi (Réseau alternatif de diffusion) puis l’Extra Court en janvier 2018. Ce dispositif permet, moyennant abonnement, à 250 salles de cinémas de diffuser 11 000 programmations de courts métrages par an. Parallèlement, notre association poursuit ses autres missions : la conservation des films et l’accompagnement des œuvres vers tous les publics et tous les écrans. Nous détenons un catalogue de 15 000 films et en accueillons 500 nouveaux chaque année. En quarante ans, nous avons résisté aux mutations du secteur (presse, télévision, édition vidéo, digital…) en nous adaptant : à titre d’exemple, la revue Bref que nous éditons depuis 1989 se décline désormais en une publication annuelle et en plateforme VOD, le site Brefcinema.com. Mais l’ambition reste la même indépendamment des évolutions des supports : celle de trouver à chaque fois une place pour le court métrage.

Cet accompagnement du format court vers tous les publics s’incarne aussi dans vos projets d’éducation à l’image. Quelles actions menez-vous à destination des jeunes ?

Dans les années 1990, au moment de l’émergence des premiers projets d’éducation à l’image, nous avons commencé à développer des programmes à destination du public scolaire sous forme d’ateliers de programmation. Progressivement, nous avons intégré des dispositifs pédagogiques nationaux comme le programme Ma classe au cinéma et noué des collaborations avec des réseaux tels que L’Archipel des Lucioles ou des agences régionales comme Ciclic. En tant que structure nationale, l’Agence du court métrage a vocation à contribuer à la construction de la cinéphilie de demain. Nous avons donc aussi développé nos propres outils comme la plateforme pédagogique en ligne LeKinéstoscope ou le dispositif « Fais ta séance ! » destiné aux 15-25 ans, le dernier-né de nos programmes. Le court métrage est un objet qui parle particulièrement aux jeunes. Au-delà de sa durée, qui fonctionne très bien en animation auprès des tout-petits (3-6 ans), il leur permet de se retrouver davantage dans les aspirations et les récits des créateurs, qui sont souvent de jeunes cinéastes.

Le court métrage n'est pas soumis aux mêmes contraintes que le long. Il peut exister pendant très longtemps à travers des programmations événementielles sur l'ensemble du territoire.  

Qu’est-ce qui fait la force et la richesse du format court selon vous ?

Son éclectisme : par principe, le court métrage se définit seulement par sa durée, ce qui offre une large possibilité d’action en termes de sujets et de genres (documentaire, animation, prises de vues réelles, cinéma expérimental, captation de spectacles vivants…). Le court métrage est présenté le plus souvent comme une carte de visite pour les jeunes cinéastes en leur permettant de se tester sur des premières œuvres avant le passage au long. C’est bien sûr le cas, et c’est positif puisque cela permet à des équipes artistiques de se trouver et à des duos producteurs-réalisateurs de perfectionner leur collaboration. Pour autant, il ne faut pas réduire le court métrage à une simple porte d’entrée dans le cinéma. Les films courts existent d’abord par eux-mêmes, il s’agit d’œuvres en soi. D'ailleurs, de plus en plus de réalisateurs font des allers-retours entre le court et le long. Je pense à Jean-Gabriel Périot, Danielle Arbid ou Clément Cogitore. Cette démarche peut traduire une fragilité économique du long métrage avec des parcours d’auteurs moins linéaires qu’auparavant, mais je pense qu’elle résulte aussi de la réflexion suivante : chaque film a sa durée nécessaire. Pour en revenir à la distinction avec le long, nous constatons par ailleurs des carrières plus longues pour certains films de notre catalogue en termes de nombre de programmations par rapport à des longs métrages à la durée plus éphémère en salles.

Justement, quel est l’état actuel de la diffusion du court métrage en France ?

Il s’agit d’une diffusion douce. C’est la particularité du court métrage. Il n’est pas soumis aux sorties nationales, et donc aux mêmes contraintes économiques que le long. Il peut exister pendant très longtemps à travers des programmations événementielles dans des lieux éclectiques sur l’ensemble du territoire (festivals, cafés-associatifs, médiathèques, MJC, foyers ruraux…). Il représente un îlot de liberté pour les exploitants et plus largement les programmateurs. C’est également l’une des raisons pour lesquelles le court métrage a mieux résisté à la crise sanitaire que le long. Il s’agit d’un objet cinématographique extrêmement résilient. J’en profite pour souligner l’incroyable ténacité du secteur, puisque nous avons retrouvé notre niveau d’activité d’avant la pandémie. Nous constatons un fort dynamisme de tous les lieux « non commerciaux » dans la diffusion du court. En 2022, les films de notre catalogue ont été diffusés dans 700 lieux différents, en France et à l'international. D’autre part, le court métrage se défend bien sur le marché audiovisuel, notamment sur les plateformes de niche (Tënk, la Cinetek, Benshi…). Aujourd’hui, nous collaborons avec 45 plateformes. Le bilan global est positif puisque nous avons reversé 650 000 euros de recettes à nos ayants droit pour l'ensemble de notre activité de diffusion (avant-séance, projections ponctuelles et ventes audiovisuelles) à la fin de l’année 2022.

Nous sommes confrontés à un défi important autour de la conservation de nos films à l'ère numérique [...] C'est le grand projet structurant de ces prochaines années. 

Quel(s) chantier(s) attendent l’Agence du court métrage ces prochaines années ?

Nous sommes confrontés à un défi important autour de la conservation de nos films à l’ère numérique. Nous travaillons à inventer un espace de conservation mutualisé pour l’ensemble de nos courts métrages qui prendra en compte la nouvelle donne de l’écoresponsabilité. C’est le grand projet structurant de ces prochaines années. Et puis bien sûr, il s’agit de continuer de développer le travail de l’agence selon les principes fondateurs qui ont présidé à sa création : être le trait d’union entre les créateurs et les diffuseurs pour faire vivre le court métrage à destination de tous les publics, sur tous les supports et tous les territoires.

LEs 40 ans de l'agence du court mÉtrage

Cette édition anniversaire est marquée par de nombreux temps forts toute l’année 2023 sur l’ensemble du territoire dont le 18 décembre prochain à la Cinémathèque française. Pour l'occasion, neuf courts métrages en 35 mm seront mis à l'honneur, tous réalisés par des cinéastes réputés.