Les Arcs Film Festival 2020 : une douzième édition plus engagée que jamais

Les Arcs Film Festival 2020 : une douzième édition plus engagée que jamais

11 décembre 2020
Cinéma
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I am Greta de Nathan Grossman
I am Greta de Nathan Grossman 2020 - B-reel Films.- KMBO
Du 12 au 19 décembre, le Festival des Arcs, consacré au cinéma européen indépendant – qui se déroulera en ligne cette année –, se réinvente avec, dans la centaine de films proposés, le programme « Déplacer les montagnes » qui entend réfléchir aux mutations actuelles et futures de la société. En charge de ce focus, son délégué général Guillaume Calop nous en détaille la genèse et les contours.

Quand est née l’idée du programme « Déplacer les montagnes » qui ambitionne de réfléchir aux bouleversements actuels, notamment écologiques, de notre monde à travers la notion d’engagement ?

Tout a commencé l’an dernier, dans la foulée des élections européennes. Au vu des résultats, on s’est dit que quelque chose était vraiment en train de se passer en France autour de l’écologie. Nous étions déjà nombreux à être conscients de l’urgence d’agir, on y est d’ailleurs sensibles depuis la création du festival. Mais la percée d’EELV [Europe Écologie Les Verts, NDLR] montrait un changement d’échelle et symbolisait le fait qu’un public plus large comprenait la situation et se montrait prêt à s’engager. Il était donc logique que Les Arcs Film Festival organise quelque chose autour de cette nouvelle donne. Mais, pour commencer, on s’est d’abord posé des questions. Car en tant que manifestation culturelle, même si on trie nos déchets, même si on fait appel à de l’électricité verte, on ne peut nier qu’on génère de la pollution en faisant venir des gens de toute l’Europe par avion, en allant les chercher en voiture à l’aéroport de Genève, etc. On a même été jusqu’à se demander si, pour mettre nos actions en accord avec nos principes, il ne fallait pas arrêter le festival ! Et puis on a poussé plus avant la réflexion. On a convenu qu’on participe malgré tout à un brassage multiculturel européen essentiel et… qui fait partie de l’écologie ! Sans compter que le cinéma est un médium intéressant pour faire passer des messages.

De quelle manière, concrètement, en ce qui vous concerne ?

On a un rôle auprès des productions pour les encourager à être plus vertueuses. On a d’ailleurs mis en place une charte à cet effet. On a aussi créé en 2019 le prix Cinéma et engagement environnemental dont Édouard Bergeon a été le premier lauréat pour Au nom de la terre et qui récompensera cette année le documentaire I am Greta de Nathan Grossman sur Greta Thunberg. Le programme « Déplacer les montagnes » découle directement de ces actions. Au départ, on devait faire un focus sur les Alpes. Mais avec la situation sanitaire et l’incertitude de la venue des réalisateurs des différents pays concernés, on a décidé de changer notre fusil d’épaule. Et de partir sur un focus thématique sur l’écologie. Comme nous l’avions fait il y a quelques années avec la place des femmes dans le cinéma qui nous avait permis par la suite, à partir de ce socle, de développer nos actions sur ce sujet.

Comment avez-vous développé cette idée de focus sur l’écologie ?

En mêlant à l’écologie, le vivre-ensemble, deux thématiques qui prennent encore plus de sens en temps de pandémie. En insistant aussi sur le côté enthousiasmant des gens qui font avancer les choses et en dépassant l’aspect plombant du simple constat. À l’image de ce que j’avais pu ressentir en découvrant Demain de Mélanie Laurent et Cyril Dion. C’est dans cette logique qu’on a établi notre sélection d’une dizaine de films. Je pense notamment à deux documentaires, Qu’est-ce qu’on attend ? de Marie-Monique Robin sur un petit village d’Alsace, Ungersheim, qui s’est lancé dans la démarche de transition vers l’après-pétrole en décidant de réduire son empreinte écologique et Douce France de Geoffrey Couanon sur l’éveil à la conscience écologique de trois lycéens de Seine-Saint-Denis autour de la construction d’un méga complexe de loisirs menaçant des terres agricoles. Mais on y retrouvera aussi des fictions comme La Belle Verte pour se rendre compte que tout ce que Coline Serreau racontait dans son film fait partie de notre quotidien trente-cinq ans après, alors qu’à l’époque, on la traitait de folle et que le film a subi un cuisant échec. Avec le temps, il est devenu culte. En fait, cette sélection s’est construite sur un équilibre. Entre œuvres séduisantes et films plus durs mais très puissants comme Sème le vent de Danilo Caputo autour d’un désastre écologique qui condamne une oliveraie dans les Pouilles. Ou encore des longs métrages qui traitent plus directement du vivre-ensemble comme Petite Fille de Sébastien Lifshitz ou Hors normes d’Olivier Nakache et Éric Toledano. « Déplacer les montagnes » réunit des documentaires et des fictions, des films inédits et d’autres plus anciens.

Outre les films, ce programme propose aussi des rencontres. Comment les avez-vous imaginées ?

En deux temps. D’abord des échanges autour des films sélectionnés. Lilian Thuram discutera ainsi avec Geoffrey Couanon, le réalisateur de Douce France. Mais aussi deux tables rondes intitulées « S’engager » et « Imaginer le pouvoir des récits ». Celles-ci mêleront divers experts dans différents domaines. Le programme n’est pas tout à fait définitif, mais on espère Cédric Klapisch, Yann Arthus-Bertrand, Riad Sattouf, Alice Zeniter, Cyril Dion, Xabi Molia ou encore la jeune militante écologiste belge Adélaïde Charlier. Le tout modéré par Camille Étienne, la porte-parole du collectif On est prêt.

Pourquoi avez-vous souhaité vous associer au collectif On est prêt ?

Nous sommes tous les deux soutenus par la Fondation Hippocrène et on a commencé à échanger grâce à l’écosystème que cette fondation a su mettre en place entre ses différentes structures. Mais tout s’est accéléré quand on a rencontré Camille lors du Festival de Cannes 2019, où elle était venue chercher des signatures pour la pétition l’Affaire du siècle. Elle nous a expliqué qu’elle était originaire de la petite station qui se situe juste à côté des Arcs, mais aussi qu’elle était venue au festival avec son collège et que c’est ce qui lui avait donné envie de s’engager. Petit à petit, elle est devenue une amie de notre manifestation. En plus de leur expertise, On est prêt va nous aider à devenir une chambre d’écho. On va monter ensemble un challenge TikTok sur le thème « un film, un déclic » où on va demander aux « TikTokers » de raconter le film qui a pu changer leur état d’esprit. Avec la même idée centrale du pouvoir de l’imaginaire.

Vous ne regrettez donc pas de ne pas avoir mis fin au festival ?

Toutes ces réflexions nous ont au contraire confortés dans l’idée que ça valait le coup d’organiser ce festival. On consomme certes du CO2 mais on a l’ambition que les gens repartent des Arcs un peu plus riches qu’en y arrivant. Comme des petites graines qu’on sème. On essaie de faire des choses dans des domaines où on a un rôle à jouer : l’Europe, la jeunesse, la place des femmes dans le cinéma et désormais l’écologie. Ce sont nos chevaux de bataille.