L'indomptable liberté de Pierre Clémenti à l'honneur dans un coffret

L'indomptable liberté de Pierre Clémenti à l'honneur dans un coffret

Les superpositions colorées de « Visa de censure n°X » de Pierre Clémenti.
Les superpositions colorées de « Visa de censure n°X » de Pierre Clémenti. Potemkine Films

Connu principalement pour ses performances d'acteur chez Bertolucci, Costa Gavras ou Buñuel, Pierre Clémenti s'est aussi illustré derrière la caméra. Il laisse derrière lui une œuvre inclassable, étourdissante de liberté formelle, éditée en version restaurée chez Potemkine Films.


Pierre Clémenti a toujours eu le cinéma dans le sang. Souvent mentionné pour ses talents d'acteur, en jeune aristocrate dans Le Guépard (1963) de Visconti ou en rebelle aux tendances masochistes dans Belle de Jour (1967) de Luis Buñuel, le comédien emblématique du cinéma underground des sixties est aussi passé derrière la caméra. En 1967, alors que sa beauté singulière crève l'écran dans Benjamin ou les mémoires d'un puceau (1968) de Michel Deville, Pierre Clémenti s'offre sa première caméra avec laquelle il documentera sa vie personnelle et ses tournages. 

Ce cinéma avant-gardiste, à la croisée du journal filmé et de l'expérimentation psychédélique, est mis à l'honneur en version restaurée dans un coffret Blu-Ray/DVD sorti le 17 mai dernier chez Potemkine Films. On y retrouve, bien évidemment, son premier moyen métrage, Visa de censure n°X (1976), que Pierre Clémenti décrivait ainsi : « Rencontre de l’image et des pulsions psychédéliques colorées de cette époque acidulée… Désir de retrouver le chant des origines, images qui s’inscrivent jusqu’à nous comme un double et qui nous font signe. » Dans cette juxtaposition de deux courts métrages, Livret de famille (1968) et Cartes de vœux (1968), Clémenti capture des tranches de vie d’une beauté et d’une simplicité désarmantes. 

Tourné en 1967, Visa de censure n°X n'a finalement été finalisé qu'en 1975 pour une sortie l'année suivante Potemkine Films

Existence tourbillonnante

L'année suivante, il filme ses allers-retours entre Rome, la ville où il tourne Partner (1970) pour Bernardo Bertolucci, et les barricades parisiennes dans La Révolution n'est qu'un début. Continuons le combat (1969). L'intime et l'universel s'y côtoient dans une esthétique bariolée, faite de surimpressions abstraites et poétiques. Pierre Clémenti nous fait aussi pénétrer dans le secret de sa « clique » avec Positano (1969), un film qui emprunte son nom à la station balnéaire italienne où il se ressourçait aux côtés de Philippe Garrel, Jean-Pierre Kalfon et de sa première épouse, Margareth Clémenti. 

Outre les vestiges d'une existence tourbillonnante, « d’une vie tellement vécue qu’elle n’a plus le temps d’être consciente ou digérée », selon le cinéaste Antoine Barraud, Pierre Clémenti s'essaie aussi à la fiction dans À l'ombre de la canaille bleue (1986). Ce détour paranoïaque dans un Paris totalitaire, renommé Necrocity pour l'occasion, se distingue comme un carnaval de personnages loufoques et marginaux en tout genre. On y retrouve la prostituée héroïnomane Seringue (Nadine Arnoult) et le « bougnoule sexuel » Hassan (Hechmi Ghachem) aux prises avec la politique dictatoriale du général Korzacouille, joué par Clémenti lui-même. Ce tournant sombre et schizophrène dans son cinéma s'explique en partie par ses 17 mois de prison dans les geôles italiennes pour détention et consommation de drogue en 1971. Il écrit le livre Quelques messages personnels (1973) en réponse à cette expérience aussi traumatisante que charnière. Il aborde également ses conditions d'enfermement dans son dernier film Soleil en 1988. 

Le coffret Pierre Clémenti a bénéficié de l'aide au programme éditorial vidéo du CNC.