Maxime Gruman : « L’offre proposée sur la plateforme Gaumont Classique est le prolongement de nos collections »

Maxime Gruman : « L’offre proposée sur la plateforme Gaumont Classique est le prolongement de nos collections »

14 octobre 2022
Cinéma
« Ascenseur pour l'échafaud » de Louis Malle.
« Ascenseur pour l'échafaud » de Louis Malle. Nouvelles Editions de Films

Directeur de la vidéo et de la VOD chez Gaumont, Maxime Gruman a œuvré à la création et l’éditorialisation de la plateforme SVOD Gaumont Classique qui met en valeur le catalogue de l’une des plus importantes sociétés de distribution et de production du cinéma français. Entretien.


Quand est née l’idée de la création de la plateforme SVOD, Gaumont Classique ?

La réflexion a débuté pendant le premier confinement de 2020. Nous avons réellement posé les bases du projet à la fin de l’année 2021 pour un lancement en mai de l’année suivante, soit à peine six mois. Tout s’est donc fait très vite. Notre but n’était pas de supplanter d’autres canaux mais d’apporter une offre de complément. Toutes les œuvres présentes sur Gaumont Classique ne sont pas exclusives à notre plateforme. 

Quelle a été la réflexion principale pour son éditorialisation ?

Les films en noir et blanc de notre catalogue sont sous-représentés sur les canaux traditionnels, à commencer par la télévision gratuite où le cinéma de patrimoine reste très peu exposé. Jusqu’à présent, le cinéphile avait à sa disposition nos collections DVD et Blu-ray pour découvrir nos films. Je pense notamment à la collection Gaumont Découverte DVD, initiée en 2010, et dont l’objectif était de proposer des œuvres rares ou inédites sur support vidéo. Les films en question n’étaient d’ailleurs pas systématiquement restaurés. L’idée était d’offrir le meilleur matériel en notre possession. Cette collection que Bertrand Tavernier avait affectueusement baptisée La petite collection rouge de Gaumont a d’abord remplacé la VHS, car tout un pan de notre catalogue n’était alors plus disponible. Nous sortons encore entre vingt et trente films par an sous ce format et venons de fêter le 500e titre. Nous voulions que le lancement de la plateforme soit concomitant avec ce chiffre « anniversaire »...

Les films en noir et blanc de notre catalogue sont sous-représentés sur les canaux traditionnels...

L’idée est donc que le support digital et physique soit complémentaire...

Nous voulons, en effet, rendre accessible nos œuvres à un public qui n’est pas ou plus équipé de lecteur DVD/Blu-ray. L’offre proposée sur la plateforme Gaumont Classique est le prolongement de nos collections et doit nous permettre de toucher une autre cible. Cette cible, c’est le cinéphile dont le terminal personnel (ordinateur, téléphone, tablette…) est devenu le moyen privilégier de découvrir des films. Nous proposons donc un service aux normes de ces supports. À noter que tous les films présents sur la plateforme existent aussi en support physique et ne sont pas exclusivement issus de La petite collection rouge. Je pense, par exemple, aux coffrets des œuvres de Louis Feuillade ou de Nico Papatakis, aux prix très élevés et donc pas forcément accessibles à tout le monde. Nous avons mis à disposition une partie de ces œuvres accompagnées de suppléments. 


Gaumont entreprend depuis plusieurs années un grand travail de restauration des films. Quels sont les critères pour qu’une œuvre apparaisse sur la plateforme Gaumont Classique ?

Deux tiers des œuvres présentes sur la plateforme sont restaurées. Un tiers ne l’est donc pas, mais, comme je l’évoquais plus haut, nous jugeons que les films en question sont de suffisamment bonne qualité en termes d’image et de son pour être visionnables. La restauration pour notre cible prioritaire n’est pas un frein et ne détermine pas son choix. La plupart des œuvres dont nous parlons ici n’ont aucune chance d’être visibles autrement, car elles ne vont pas intéresser d’autres plateformes ou diffuseurs. Un des critères principaux est que les films soient en noir et blanc, partant du principe que ce sont eux qui ont le plus gros déficit d’exposition. 

Le choix des films proposés est purement éditorial, il y a de l’humain derrière la sélection n'est pas un algorithme robotisé !

Outre les films, Gaumont Classique propose aussi des suppléments...

63 % des œuvres présentes sur la plateforme sont accompagnés de suppléments. Cela correspond à plus de 75 heures de bonus visionnables pour 230 films que compte, pour l’heure, le catalogue. Nous avions 200 films au lancement et nous ajoutons de façon incrémentale des films toutes les quatre à six semaines. Le choix des films proposés est purement éditorial, il y a de l’humain derrière la sélection pas un algorithme robotisé ! Cette sélection se fait au gré de nos coups de cœur et de l’actualité.

Par exemple ?

Pour l’ouverture de la nouvelle édition du Festival Lyon Lumière, nous allons intégrer des œuvres de Louis Malle qui sera à l’honneur via une grande restauration. L’été dernier s’est tenue une exposition Jean Gabin à Boulogne-Billancourt, nous avons mis en avant nos titres avec cet acteur. Gaumont Classique a été lancée une semaine avant l’ouverture du 75e Festival de Cannes, avec à l’honneur des films de notre catalogue qui ont été exposés sur la Croisette. Idem, au moment des César, nous préparerons une sélection dédiée. Parfois, nous proposons des thématiques en fonction de nos envies, ainsi, récemment celle autour de Paris, ville lumière. 


Le marché de la plateforme est très concurrentiel, vous êtes-vous fixé des objectifs ?

Nous sommes sur un modèle sans engagement avec le risque de voir des abonnés partir et revenir de façon imprévisible. Cet été, ce taux de désabonnement a été très faible, ce qui est très encourageant. Nous nous sommes aussi aperçus que 90 % des films ont été visionnés jusqu’à la fin par les abonnés. Preuve que nous touchons des gens curieux qui veulent approfondir leur connaissance et regardent avec le même intérêt les suppléments. Nous proposons deux formes d’abonnements : 5 euros par mois ou 50 euros à l’année. Nous publions tous les quinze jours un top des films les plus vus. Il est intéressant de voir que les films que nous mettons en avant sur la page d’accueil occupent une bonne place. Une confiance s’est créée. 

Pouvez-vous nous citer des films qui ont eu le plus de succès récemment ?

Notre objectif était de proposer des films invisibles, parfois inconnus, bref, des œuvres auxquelles notre abonné n’aurait pas pensé en se connectant. Résultat, les trois films les plus visionnés durant le mois d’août ont été : Le Septième Ciel de Raymond Bernard avec Danielle Darrieux, La 1000ème fenêtre de Robert Ménégoz avec Jean-Louis Trintignant et Pierre Fresnay et Le Repas des fauves de Christian-Jaque avec Claude Rich et Francis Blanche. Pas franchement des classiques ! Autre bonne surprise, notre documentaire sur Michel Audiard, Le Terminus des prétentieux de Sylvain Perret, qui jusqu’ici n’était visible qu’au sein d’un coffret vidéo, fait partie des films les plus regardés sur Gaumont Classique. Nous venons de mettre en avant le documentaire de Bertrand Tavernier, Voyage à travers le cinéma français, qui marche aussi très fort. L’avantage est que ce film parle de films visibles sur la plateforme. Dix-neuf d’entre eux figurent, en effet, dans notre catalogue.