Pedro Almodóvar en 5 films

Pedro Almodóvar en 5 films

14 juin 2019
Cinéma
Tout sur ma mère
Tout sur ma mère Renn Productions-DR

A l’occasion de la rétrospective estivale qui permet de revoir sur grand écran l’intégralité de sa filmographie, coup de projecteur sur cinq œuvres essentielles du réalisateur de Douleur et gloire.


Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier (1980) : Les premiers pas

Cinq ans après la mort de Franco, la Movida fait souffler un vent de liberté artistique sur une Espagne en pleine transition démocratique. L’un de ses fers de lance, Pedro Almodóvar a tourné ses premiers courts à 25 ans sous Franco puis un premier long, Folle… folle… fólleme Tim !, resté inédit. Ses « vrais » débuts remontent donc à ce Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier qui pose les fondations de son œuvre à venir, primauté des personnages féminins et sexualité débridée en tête : l’histoire d’une cultivatrice de marijuana se vengeant du policier qui l’a violée en séduisant sa femme. Tourné sur un an et demi au fil de l’argent collecté par le réalisateur auprès de ses proches, il reste 3 ans à l’affiche et récolte 40 millions de pesetas (l’équivalent de 850 000 euros) en Espagne. La carrière d’Almodóvar est lancée.

 

Femmes au bord de la crise de nerfs (1988) : La reconnaissance internationale

Grâce à ce vaudeville poussant les curseurs de l’hystérie à l’excès dans les pas d’une actrice de doublage menant l’enquête sur la double vie de son compagnon, Pedro Almodóvar se réconcilie avec son pays jusque-là pas toujours bienveillant envers ses œuvres (le film décroche 5 Goyas) tout en obtenant ses premiers trophées et accessits hors de ses frontières : prix du scénario à Venise, nomination à l’Oscar du film étranger… Librement inspiré de La Voix humaine de Cocteau, ce film a aussi connu un tournage… au bord de la crise de nerfs. Carmen Maura s’y fâche violemment avec le cinéaste dont elle était la muse: il faudra attendre 18 ans pour les revoir collaborer dans Volver.  

 

 

Talons aiguilles (1991) : Le tournant vers le mélo

Alors qu’il vient d’avoir 40 ans, Pedro Almodóvar évolue. Le kitsch et l’outrance de sa première décennie de création va laisser place à une maîtrise grandissante du mélo. On l’y trouve ici mêlé à la comédie musicale et au polar. On y suit une célèbre chanteuse pop des années 60 qui rentre à Madrid retrouver sa fille mariée à un de ses anciens amants toujours aussi coureur, qu’on va découvrir assassiné. Ce Whodunit - accompagné par le « Piensa en mí » de Luz Casal - remporte le César du film étranger. Il confirme surtout l’institutionnalisation grandissante d’Almodóvar qui, en 92, est invité à faire partie du Jury de Cannes présidé par Gérard Depardieu.

 

 

Tout sur ma mère (1999) : La Palme du cœur

Almodóvar fête son cinquantième anniversaire en beauté en étant pour la première fois invité à concourir dans la compétition cannoise. Ce parcours d’une femme reconstruisant le puzzle de sa vie après la mort accidentelle de son fils conquiert le cœur des festivaliers. Dédié à sa propre mère et aux actrices qui lui ont valu ses plus grosses émotions de spectateur (Bette Davis, Gena Rowlands et Romy Schneider), ce mélo flamboyant fait office de favori pour la Palme d’Or. Avant que le jury de David Cronenberg ne lui préfère Rosetta de Jean-Pierre et Luc Dardenne. Almodóvar repart cependant avec le prix de la mise en scène avant de remporter le premier Oscar de sa carrière. Mais Tout sur ma mère marque surtout, après une première collaboration dans En chair et en os, sa vraie rencontre artistique avec Penélope Cruz qui deviendra dès lors la muse majeure de son cinéma.

 


Parle avec elle (2002) : L’œuvre de la maturité

Pedro Almodóvar reste fidèle au mélo. Mais le style change. Epuré et éloigné de l’atmosphère ultra-colorée de son cinéma depuis toujours. Parle avec elle raconte une singulière histoire d’amitié entre deux hommes, chacun au chevet d’une femme – l’une torera, l’autre danseuse – plongée dans un profond coma. Un film aussi bouleversant que charnel à l’image de l’extrait du film muet en noir en blanc, L’Amant qui rétrécissait, mis en scène par ses soins qu’il y a inséré. Vexé de ne pas avoir eu la Palme avec Tout sur ma mère, Almodóvar refuse de présenter son film à Cannes. Mais cela ne l’empêche pas de collectionner les prix : César du film européen, Golden Globe du film étranger et Oscar du scénario original (face notamment à Gangs of New- York).