Pourquoi le Méliès de Pau organise-t-il Les Bobines du jeudi ?

Pourquoi le Méliès de Pau organise-t-il Les Bobines du jeudi ?

Cinéma le Méliès de Pau
Cinéma le Méliès de Pau Le Méliès/DR

Deux jeudis par mois, le cinéma d’art et essai de Pau organise une séance mettant à l’honneur un « chef d’œuvre oublié ou une perle rare ». Une programmation pensée pour favoriser « la découverte ».


Voyage à Tokyo de Yasujirô Ozu, Adua et ses compagnes d’Antonio Pietrangeli, La Dénonciation de Jacques Doniol-Valcroze ou encore Opéra de Dario Argento et Django de Sergio Corbucci… Voici une partie des films à (re)découvrir lors de cette saison 2018/2019 des Bobines du jeudi du Méliès de Pau. Depuis plus de six ans, le cinéma donne ainsi rendez-vous deux jeudis par mois pour une séance consacrée aux « perles rares et chefs d’œuvre oubliés » projetés en version restaurée. Né en 2012, ce rendez-vous est « dans la suite logique de la programmation et de l’intérêt que l’établissement porte aux films, qu’ils soient récents ou de patrimoine, souligne Vicentia Aholoukpé. Nous accompagnons des dispositifs d’éducation à l’image, il nous semble évident et normal que l’on continue à montrer ces films ».

A travers Les Bobines du jeudi, le Méliès de Pau souhaite « favoriser la découverte ». « Quand les films de Jean Rouch sont ressortis, j’en ai montré un par an. C’était assez étonnant car la plupart des spectateurs ne les connaissaient pas », se souvient la programmatrice du cinéma. « L’idée du départ est : comment faire pour remettre devant les yeux du public des films qu’ils ont vus une fois – ou jamais – et qu’ils aimeraient voir ou revoir ». « Il fallait aller chercher des choses. Je voulais travailler dans le sens de la rareté », précise-t-elle en soulignant qu’elle refuse de faire, dans ce cadre, « des cycles consacrés à un seul réalisateur » pour ne pas « lasser le public ». Pour réaliser la programmation de ces Bobines du jeudi, Vicentia Aholoukpé ne suit pas forcément l’agenda des ressorties au cinéma. Elle mise avant tout sur « des films qu’elle a revus et qui l’ont marquée ». « Je vais au Festival International du Film de La Rochelle depuis une trentaine d’années et deux journées sont consacrées aux films de répertoire, ce qui constitue également une base pour mes choix, explique-t-elle. J’étoffe la programmation avec les propositions que font les différents distributeurs ».

Des intervenants pour aller plus loin

Pour chaque séance, le cinéma accueille un intervenant qu’il soit journaliste, critique ou spécialiste du septième art. Une manière d’accompagner la séance avec une analyse du film, une discussion pour aller plus loin ou une activité plus insolite. Lors de la projection du Goût du riz au thé vert de Yasujirô Ozu, un « restaurant japonais est venu faire une cérémonie du thé avant de proposer au public, à la fin de la séance, une dégustation du fameux riz au thé vert ». « Parfois les films sont juste présentés, mais ce qui intéresse une partie du public, c’est ce petit plus qui peut être l’analyse d’une image ou le fait de resituer le film dans la carrière du cinéaste et dans son époque ».  

La présence d’un intervenant n’est pas la seule animation prévue lors de ces Bobines du jeudi. « On sait que les conditions sont remplies pour que les gens se sentent dans un cocon, mais c’est bien aussi de ne pas se quitter comme ça. Il y a donc un pot proposé par un caviste qui participe à sa façon à la vie des Bobines en nous offrant du vin », raconte Vicentia Aholoukpé. Ce moment de convivialité est l’occasion, pour le public, « de se rencontrer, de s’exprimer en petits groupes ou de discuter avec l’intervenant du jour ».

Enfin, le Méliès propose également, au moins une fois par saison, certains films sur pellicule. « Nous avons gardé les projecteurs, donc il m’arrive de passer un film en pellicule. Tout le monde se plaît à avoir ce bruit, l’aspérité, la profondeur qu’on voit à l’écran. Nous sommes là pour montrer des films. C’est bien de le faire avec ce qui se fait aujourd’hui mais c’est encore mieux avec ce qui se faisait avant », conclut-elle.

Un public fidèle

La programmation des Bobines du jeudi attire des spectateurs de tous les âges. « Depuis quelque temps, nous accueillons par exemple des jeunes en école d’art qui, motivés par leurs enseignants, se mettent à regarder des films, précise la programmatrice du Méliès de Pau. En fonction des goûts, le public s’élargit ou pas. Il est en général porté par un groupe de cinéphiles qui suivent Les Bobines du jeudi. Ils se donnent même gentiment le nom des Embobinés ». Proposées aux tarifs habituels, ces séances sont-elles rentables pour le Méliès ? « Il faudrait poser la question : est-ce qu’un établissement art et essai doit être rentable ? C’est un cinéma loi 1901 : il y a des bénévoles, quelques salariés. L’idée est d’équilibrer. Il n’y a pas de budget propre aux Bobines du jeudi. L’intervenant est nourri, logé, véhiculé. Ça a un coût, mais ça fait partie de la politique d’animation d’une salle », explique Vicentia Aholoukpé.

Les Bobines du jeudi sont organisées en partenariat avec la Caisse d’Action Sociale des électriciens et gaziers ainsi qu’avec l’Agence de Développement Régional du Cinéma qui « édite ses propres copies de films ». Un avantage non négligeable pour Le Méliès, qui évite ainsi le « minimum garanti des distributeurs ». « C’est la somme que le distributeur va quand même encaisser peu importe la recette. Sauf si celle-ci, divisée par 2, est supérieure à ce montant. Prenons comme exemple un minimum garanti de 150 euros et 250 euros de recettes. La moitié est donc 125 euros, mais le distributeur prendra malgré tout 150 euros. Si la recette est de 500 euros, il récupérera 50% de cette somme, soit 250 euros », explique la programmatrice. « En passant par l’ADRC, je n’ai pas ce minimum garanti. Les copies sont négociées à 50% de la recette. L’idée n’est pas non plus de faire 250 euros et tout donner », conclut-elle.