Poursuivre l’aventure Kaamelott sur grand écran

Poursuivre l’aventure Kaamelott sur grand écran

22 juillet 2021
Cinéma
Alexandre Astier dans
Kaamelott – Premier volet d'Alexandre Astier Regular - SND
Entretien avec Alexandre Astier (4/5). Compositeur, auteur, réalisateur, monteur, acteur, dialoguiste… Alexandre Astier est sur tous les fronts en termes de création artistique. Alors que Kaamelott - Premier volet sort en salles, nous avons interrogé Alexandre Astier sur son rapport à l’écriture. Entre autres… Un entretien fleuve en cinq épisodes, que nous vous proposons de découvrir tout au long de la semaine.

Au sujet de Kaamelott, la saga a déjà toute une histoire : l’aventure a commencé par un court métrage (Dies Irae) avant de donner lieu à une mini-série, avec des épisodes de différents formats. Et à présent, la sortie d’un long métrage, premier volet d’une trilogie. De quelle façon le format influe-t-il sur l’écriture scénaristique ?

Alexandre Astier : Le format très court peut être intéressant à différents égards. Vous pouvez tester tout un tas de situations dont le niveau d’importance en termes de péril est quasi nul. Par exemple, consacrer un épisode de 3mn 30 à quelqu’un qui cherche à dormir sans y parvenir. Si ça ne fonctionne pas, ce n’est pas très grave car au bout de 3mn 30, vous êtes déjà passé à autre chose. C’est très agréable de pouvoir écrire pour n’importe quelle situation, de nuit, de jour, domestique, épique, martiale, quotidienne, faire se croiser A et B, B et C… Il y a une galerie de plus de 200 personnages dans Kaamelott, donc, toutes les mayonnaises sont bonnes ! Ce côté expérience sans fin est particulièrement stimulant.
J’ai commencé le feuilletonnant vers la saison IV (le Livre IV est le premier livre à présenter un changement de format de la série, le dernier épisode utilisant un format plus long de 7 minutes – ndlr). C’est un format assez facile à écrire en termes de chroniques : les petites idées suffisent, à la fois pour présenter des personnages et pour les tester dans des situations diverses. Mais ce format implique d’avoir la complicité de la chaîne télévisée pour qu’elle diffuse les épisodes de façon chronologique et que les spectateurs soient au rendez-vous quotidiennement pour suivre l’intrigue. 

« Le drama de près d’une heure est pour moi le format le plus agréable »

Le drama - 8 ou 9 épisodes de près d’une heure pour les saisons VI et de Kaamelott -, c’est pour moi le format le plus agréable. Vous avez des arches de 6h-6h30 qui vont mener votre saga d’un point A à un point B avec un bouleversement majeur. Et vous avez un sous-découpage en 7, 8, 9 séquences, chacune d’elles étant de vrais petits films qui vont constituer une jolie structure avec un début, un milieu et une fin. Avec le drama, je me suis pris au jeu des cliffhangers, très agréable à écrire. Vous finissez votre épisode bien proprement et tout à coup, vous essayez de retenir les spectateurs, de les inciter à aller voir l’épisode suivant alors qu’ils avaient dit qu’ils iraient se coucher ! J’ai également découvert le plaisir d’écrire un préquel avec le Livre VI, en fabriquant le passé de ce qui avait été raconté dans les autres livres. Je me suis rendu compte qu’il était possible d’écrire un passé supposé mais aussi un passé tout à fait inattendu. C’est très plaisant !  
Et cette saga aura goûté à tout puisque je suis en train d’écrire le 10e album de la bande dessinée. Une autre forme de découpage puisque nous sommes dans un format franco-belge de 46 planches. C’est une manière de structurer un scénario très intéressant. Vous n’imposez pas le rythme au lecteur. C’est lui qui décide de lire en 10 fois, ou tout d’un seul coup ou encore d’aller piocher selon ses envies… L’auteur n’a pas de décision là-dessus, et c’est super ! 

« Le long métrage se justifie également par la hauteur du péril de l’événement »

Pourquoi avoir voulu poursuivre l’aventure Kaamelott sur grand écran ?

Cette saga est un formidable terrain de jeu. Le fait d’avoir voulu faire un film – où on retrouve les personnages 10 ans après la dernière saison de la série – ndlr - est justifié par l’envie d’un virage franc, soudain et condensé dans la ligne du destin du héros. Cela suppose une écriture plus violente, une structure plus complexe car sur Kaamelott, il faut pouvoir laisser la place aux choses qui durent, aux discussions qui s’éternisent, aux situations qui ne marchent pas. Le film ne peut pas rendre tout efficace, ce serait catastrophique ! Le long métrage se justifie également par la hauteur du péril de l’événement. J’aimerais raconter cela en trois chapitres, dont le premier s’apprête à sortir. Mais je le considère tout de même comme un film de 6h découpé en trois chapitres de 2h. Chacun de ces chapitres représente un événement majeur, qui couvre toute une période, construit autour d’une super arche qui monte haut dans les enjeux – on peut parler d’enjeux divins par exemple. Les enjeux moyens ne suffisent pas à justifier un film. Aujourd’hui, alors que tout le monde a le choix en termes de support de diffusion, aller au cinéma est un acte qui n’est pas anodin. Va se poser de plus en plus la question de savoir ce qui mérite un long métrage, de sortir de chez soi, de dépenser le prix d’une place de cinéma, de la salle noire, de l’écran immense, de la collectivité…

« C’est la grammaire filmée qui compte »

Quelle liberté ou au contraire quelle contrainte le format cinématographique représente-t-il à vos yeux par rapport au format audiovisuel ?

Selon moi, ce qui fait un film, si on veut le différencier de ses collègues télévisés ou autres, c’est le nombre de minutes que vous avez à tirer chaque jour de votre plateau, c’est-à-dire la richesse du nombre de plans, de valeurs, des changements de décor… C’est le nerf de la guerre. Il faut qu’il y ait un minimum de budget car cela exige d’avoir un peu de temps. C’est aussi ce qui justifie un film : on ne brade pas la qualité. On fait attention au placement par exemple, de la caméra, des acteurs... On teste, on change l’optique. Finalement, c’est la grammaire filmée qui compte. Un long métrage, aujourd’hui, c’est l’endroit où tout est léché. Parce qu’il existe plein d’autres façons d’aller parler aux gens, avec les plateformes, la télévision…. 

« Passer au long métrage après une série exige d’être à la hauteur de tout ce que vous avez suggéré précédemment »

Par ailleurs, passer au long métrage après une série a ce côté dangereux où il faut être à la hauteur de tout ce que vous avez suggéré précédemment. Il faut pouvoir tout montrer à l’écran. Chaque jour de tournage, il y a un challenge à relever : ramener une scène de comédie qui vaut le coup, un décor, des couleurs, des sons, des ambiances, de la matière à monter… bref, quelque chose de spectaculaire. C’est très stimulant ! Mais je ne pense pas que j’aimerais ne faire que ça à présent. J’aimerais refaire de la longue série car cette manière de se retrouver sur la longueur avec une équipe, autour d’un scénario qui va fouiller les personnages en profondeur me plaît beaucoup. J’aime bien être entre les deux, avec ces volets 2 et 3 qui me restent à faire au cinéma – si les spectateurs sont au rendez-vous ! C’est  un équilibre que j’ai trouvé, avec le théâtre aussi que je mets en scène de plus en plus.

 

KAAMELOTT - PREMIER VOLET

Affiche Kaamelott - Léodagan (Lionnel Astier)

Date de sortie en salles : 21 juillet 2021
Durée : 2h00
Réalisateur : Alexandre Astier 
Scénariste : Alexandre Astier 
Producteur : Regular Production
Distributeur :  SND 
Avec : Alexandre Astier, Lionnel Astier, Alain Chabat, Géraldine Nakache, Christian Clavier, Clovis Cornillac, Guillaume Galienne, Antoine de Caunes, Franck Pitiot, Jean-Christophe Hembert, Joëlle Sévilla, Jacques Chambon, Thomas Cousseau, Serge Papagalli, Alain Chapuis, François Morel, Caroline Ferrus, Gilles Graveleau, Nicolas Gabion, Audrey Fleurot, François Rollin, Jean-Robert Lombard, Alexis Henon, Alban Lenoir, Damien Roux, Jehnny Beth, Bruno Fontaine, Stéphane Margot, Marie-Christine Orry, Mark Eacersall, Pascal Vincent, Tony Saba, Anthony Martin, Jean-Charles Simon, Brice Fournier, Dominique Bastien, Anne Girouard 
Nationalité : France

Aide obtenue auprès du CNC : Aides à la création visuelle ou sonore (CVS)

Bande annonce