« Proxima », dans les coulisses de la conquête spatiale

« Proxima », dans les coulisses de la conquête spatiale

27 novembre 2019
Cinéma
Tags :
Proxima
Proxima Pathé Distribution
Proxima, qui sort au cinéma le 27 novembre, suit le parcours d’une femme (et mère) astronaute qui s’apprête à partir en mission pour un an. Isabelle Madelaine, coproductrice du film et Alice Winocour, sa réalisatrice, reviennent sur les conditions particulières de tournage de ce film dans le milieu très fermé des conquérants de l’espace.

Comment avez-vous été amenée à travailler sur Proxima ?

Isabelle Madelaine : Avec ma collaboratrice, Emilie Tisné, nous accompagnons Alice Winocour depuis son premier court métrage. Nous avons produit ses trois courts et ses deux longs. Donc, quand elle est venue avec ce sujet-là, très tôt, avec juste un synopsis d’une vingtaine de pages, nous avons pris contact avec l’agence spatiale européenne (ESA). La viabilité financière du projet dépendait d’avoir accès aux véritables décors : nous aurions été incapables de reconstruire tout cela en studio, le coût aurait été trop important.

Nous avons donc fait un travail d’approche très en amont et en parallèle de l’écriture. Alice a donc pu rencontrer très vite non seulement des astronautes, mais aussi tout le staff qui les entoure et ça a nourri toute l’écriture du scénario, d’où l’aspect un peu documentaire du film, même si Alice n’aime pas trop cet adjectif.

 

Alice Winocour : J’essaye juste d’être proche de la réalité : d’une certaine réalité qui sert le film. Oui, pendant trois ans, nous avons eu des échanges constants et réguliers avec l’ESA qui ont nourri mon écriture, avec tout un processus de validations. C’était très important à mes yeux qu’ils comprennent le sens du film. Je leur ai, par exemple, fait remarquer que la Nasa avait déjà été beaucoup racontée au cinéma et qu’il était temps qu’ils aient aussi eux leur film. Ça les a peut-être convaincus.

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On a du mal à croire que l’ESA ait du temps à consacrer à un tournage (et sa préparation) et tout ce que ça implique.

Alice Winocour : En fait, nous étions considérés, dans ces centres spatiaux, presque comme une équipe de spationautes européens. Ce qui impliquait qu’on devait suivre un calendrier précis : le leur. C’était donc un peu contraignant pour les temps de tournages, car nous avions les temps impartis aux entraînements, les mêmes qu’aurait eus une équipe en vue d’une mission spatiale…

Isabelle Madelaine : Après, c’est de l’organisation et de l’anticipation. Mais c’est le propre des tournages, comme celui du monde spatial d’ailleurs. Le tournage de Proxima, c’était la rencontre de deux mondes qui avaient des points communs. Par exemple, quand nous avons tourné à l’agence spatiale européenne de Cologne, cela a duré 7 jours. Nous avions défini, par rapport à l’entraînement des astronautes, une plage qui convenait aussi bien à eux qu’à nous, un temps où nous aurions accès à leur fameuse piscine d’entraînement. D’autant qu’une équipe de tournage, même réduite, c’est presque 50 personnes et que l’ESA, c’est assez sécurisé. Il faut vérifier l’identité du personnel, faire des badges d’accès. Au final, ça s’est bien passé…

Alice Winocour : Ce qui était passionnant, c’est que nous avons fonctionné avec des équipes nationales propres aux divers lieux de tournage, mis à part un petit noyau. Donc nous expérimentions ce que les astronautes expérimentent eux-mêmes au quotidien : une forme de solidarité et de collaboration entre des gens de nationalités et de cultures diverses. Mais je ne vous cache pas qu’il y avait aussi des contraintes liées à leur activité et à la sécurité. Quand on va tourner au Kazakhstan une séquence de décollage de fusée, il faut donner des mois à l’avance des places précises de caméra, pour lesquelles il faut au préalable demander des autorisations. Après au moment du tournage, il y a quelqu’un de l’agence spatiale russe chargé de vérifier au millimètre cet emplacement.

Et financièrement ? Est-ce que cela coûte cher de louer la piscine d’entraînement des astronautes européens ?

Isabelle Madelaine : Honnêtement non. Il faut plus voir ça comme un partenariat. Vous voyez bien dans le film : il y a le logo de l’ESA partout. En fait, nous avons pris à notre charge tous les prestataires extérieurs à l’ESA. Par exemple, pour la séquence de la piscine, les plongeurs ne sont pas de l’ESA. Car l’ESA fait appel à des plongeurs qui ne sont pas des salariés. On ne le sait pas, mais il y a en fait plein de choses comme ça. La production prenait en charge tous les coûts extérieurs à l’ESA et bien évidemment, il y eut un budget de location, que je ne peux révéler mais qui est ridicule au vu des lieux que nous avons filmés. Et c’était la même chose quand nous avons tourné à Cologne, à Star City ou à Baïkonour au Kazakhstan…

Ce partenariat impliquait-il des contreparties ?

Alice Winocour : Pas vraiment, mais parfois effectivement, il y avait un petit aspect « propagande ». Ainsi, l’agence spatiale russe ne souhaitait pas que l’on filme certains lieux pour ne pas donner une image trop délabrée alors que moi au contraire, je trouvais cela assez beau ce côté « vestiges de la conquête spatiale ». C’est très poétique en fait. Cela questionne aussi notre rapport à l’espace. Toute cette fragilité-là est très belle et il ne faut pas oublier qu’à l’heure actuelle, Le Soyouz est le moyen le plus sûr de quitter la Terre.

Isabelle Madelaine : Il n’y a eu aucun droit de regard. La liberté de création d’Alice était totalement garantie, sachant qu’ils avaient lu le scénario et que le film en est très proche. Un des enjeux du film, c’était aussi d’avoir une vision de ce qu’est réellement la conquête spatiale, loin de l’iconographie mythique américaine. Aujourd’hui, n’importe quel astronaute même américain décolle toujours de Baïkonour. C’est vieillot, c’est comme ça, mais c’est ça qui fonctionne encore. 

Eva Green, Matt Dillon… le casting hollywoodien était-il une nécessité de production ?

Isabelle Madelaine : Non, pas du tout. Tout est parti de l’artistique et d’un désir de coller à la réalité. Pour l’Astronaute américain, Alice voulait un acteur américain. Pareil pour le russe. Et donc elle voulait une actrice française pour interpréter une astronaute française. Mais il fallait aussi une actrice qui n’ait pas de souci avec les langues et qui ait une image internationale comme peut l’avoir l’Agence spatiale européenne. Au final, Proxima est un film foncièrement européen. 

Proxima, en salles le 27 novembre, a bénéficié de l’avance sur recettes avant réalisation, l’aide au développement de projets de long métrage, de l’aide à la création de musique de film et de l’aide à la création visuelle ou sonore.