L’association Sceni Qua Non coordonne plusieurs dispositifs d’éducation à l’image. Pouvez-vous nous parler notamment de ceux menés en milieu scolaire comme École et Cinéma ou Collège au cinéma ?
Solenn Abjean : Nous coordonnons en effet les dispositifs École et Cinéma et Collège au cinéma sur le département de la Nièvre. Nous proposons trois séances à l’année, qui sont accompagnées par des documents pédagogiques nationaux, ainsi que par des documents réalisés par la Direction des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN). Pour Collège au cinéma, nous accompagnons ces séances sont accompagnées de rencontres avec les artistes et d’ateliers de pratiques artistiques, qui peuvent porter sur le scénario, le son, l’animation, le documentaire, etc. Ces ateliers permettent aux élèves d’approfondir leur découverte du cinéma, le tout sur une journée maximum par classe. L’année dernière, par exemple, nous avons accueilli une artiste décoratrice et accessoiriste qui a expliqué aux élèves comment collaborer avec un réalisateur et créer des planches d’inspiration ; les élèves ont ensuite travaillé eux-mêmes sur les ordinateurs du collège pour expérimenter sa démarche. Et à la rentrée prochaine, nous lancerons « Maternelle au cinéma », en proposant également trois séances par an. Sur le département, 34 % des élèves participent à École et Cinéma et 25 % à Collège au cinéma.
Vous vous occupez également du programme Ambassadeurs jeunes du cinéma…
C’est un dispositif qui a été proposé par le CNC. Ce que nous proposons sur le département du Morvan, c’est un partenariat avec deux lycées situés à Château-Chinon, un lycée agricole et un lycée des métiers. La particularité de ces lycées, c’est qu’ils ont l’internat le plus important de la région Bourgogne–Franche-Comté, qui accueille entre 500 et 600 élèves. Nous avons la gestion du cinéma municipal, L’Étoile, ce qui nous permet de proposer aux lycéens des séances régulières, tous les mardis soir. Le pass Culture a largement facilité leur venue au cinéma.
Les élèves participent activement à la programmation en visionnant les bandes-annonces avec leurs enseignants et en choisissant les films. Nous organisons aussi des séances événementielles autour de films art et essai qu’ils n’auraient peut-être pas découverts d’eux-mêmes, accompagnées d’ateliers comme des tournages de critiques filmées ou l’enregistrement de podcasts. Nous recevons parfois aussi le réalisateur ou la réalisatrice. Chaque projection s’accompagne systématiquement d’une action spécifique pour capter l’attention des lycéens, encourager leur engagement et les inciter à en parler autour d’eux, que ce soit avec leurs camarades ou leur famille. Par exemple, nous avons tourné des critiques filmées du film Vingt Dieux dans une ferme de la commune, un choix pertinent car ce film traite de jeunesse et de ruralité, un thème qui parle aux élèves issus du monde agricole. Nous avons aussi enregistré un podcast autour du film La Pampa, diffusé ensuite sur Bac FM et Radio Morvan. Ces projets développent l’expression orale et la confiance des élèves. En complément, nous travaillons avec des structures locales et proposons des documentaires liés à l’agriculture, réunissant lycéens et agriculteurs. Ce dispositif porte ses fruits : en 2024, nous avons enregistré 1 000 entrées supplémentaires grâce à la participation des lycéens.
Qu’en est-il du dispositif Passeurs d’images, proposé hors-temps scolaire ?
C’est en partenariat avec les centres sociaux de Nevers et les quartiers de la politique de la ville. Nous avons notamment eu un beau projet autour du film C’est assez bien d’être fou, qui montre un réalisateur et un graffeur de la région Bourgogne–Franche-Comté, Antoine Page et Zoo Project, parcourir l’Europe jusqu’aux confins de la Sibérie. Nous avons constitué un groupe de dix adolescents du quartier des Bords de Loire à Nevers. Le projet s’est fait sur deux ans. La première année, les adolescents avaient rencontré un réalisateur et un graffeur, fait des ateliers de pratique artistique où ils avaient notamment découvert le graffiti, la réalisation. Puis, la deuxième année, ils avaient tourné un documentaire itinérant, sur dix jours, entre Nevers et Marseille, avec des étapes à Clermont-Ferrand et en Ardèche. Le résultat : un film d’une heure et demie, réalisé par Fabien Guillermont, intitulé Trace ta route ! La vie…
L’année prochaine, si nous obtenons les financements, nous aimerions repartir sur ce principe de documentaire itinérant sur deux ans, avec une première année de pratique artistique et une deuxième de voyage.
Pour les plus jeunes, il y a Cin’espiègle…
C’est une initiative régionale qui propose au jeune public des séances accompagnées, sous forme de ciné-concerts ou d’ateliers artistiques, notamment autour des arts plastiques. Elles sont ouvertes à tous les cinémas volontaires de la région.
Vous menez également une action pour spectateurs souffrant des troubles du spectre autistique. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Ce projet a démarré cette année, à l’initiative de la DSDEN de la Nièvre et en partenariat avec Sceni Qua Non. Il concerne plusieurs unités accueillant des enfants autistes, dans un cadre scolaire. L’objectif est de créer un lien entre les élèves et le cinéma, mais aussi avec la salle de projection. Nous avons mis en place une progression sur l’année : d’abord, une séance dans la classe, pour que les élèves découvrent un film dans un environnement familier. Ensuite, une sortie au cinéma pour voir deux courts métrages, d’une durée totale de quinze minutes maximum. Avant la sortie, nous avons présenté des photos du cinéma afin de préparer leur venue. Enfin, toutes les unités se sont retrouvées pour une projection commune, suivie d’un goûter collectif. Ce projet se poursuivra l’année prochaine au cinéma Le Mazarin à Nevers, avec l’objectif de créer un lien durable et d’encourager les familles à revenir lors de séances adaptées. Pour le moment, cela concerne les primaires, mais nous espérons l’étendre aux collèges et lycées du département.