6 films marquants de Jean-Claude Brisseau

6 films marquants de Jean-Claude Brisseau

13 mai 2019
Cinéma
Noce blanche
Noce blanche Les Films du Losange - DR
Le cinéaste révélé avec De bruit et de fureur et célébré avec Noce blanche est décédé à l’âge de 74 ans. Ses films auront bouleversé les codes du naturalisme en y injectant onirisme, mysticisme et érotisme. Morceaux choisis.

La croisée des chemins (1976)

Si jusqu’ici le cinéma était un art inabordable pour ce jeune homme de 32 ans issu d’un milieu modeste, l’arrivée des « petites » caméras Super 8 sonores change la donne. Jean-Claude Brisseau finance lui-même ce premier long métrage dont il n’imagine pas une seconde qu’il puisse être un jour projeté quelque part. Il s’agit du portrait d’une jeune fille révoltée et passionnée. Ce film artisanal où le cinéaste n’hésite pas à faire l’acteur, contient déjà toute la fougue et les préoccupations à venir, mais affirme déjà un style qui aime mettre à l’épreuve le naturalisme pour le confronter à l’onirisme voire au fantastique. Le film est remarqué par Eric Rohmer.


De bruit et de fureur (1988)

Sept ans avant La Haine de Mathieu Kassovitz, Jean-Claude Brisseau filme la banlieue et prophétise son futur embrasement. De bruit et de fureur raconte l’itinéraire de Bruno, un ado de Bagnolet, en échec scolaire qui va intégrer un établissement spécialisé où il fera l’apprentissage de la violence notamment au contact du fougueux Jean-Roger. Le film dépasse les 100 000 entrées en France et sort son auteur de la confidentialité. Ce relatif succès est toutefois entaché d’une incompréhension pour Brisseau qui affirme dans une interview donnée au site Objectif Cinéma en 2001 : « Presque tout le monde voit De Bruit et de fureur comme un film social réaliste, ce que je refuse absolument. Ce n’est pas un film sur la banlieue, cela n’a rien à voir avec La Haine ! Un des sujets de la plupart de mes films est le contact avec la réalité. » Le film révèle le jeune acteur François Négret et marque la deuxième collaboration du cinéaste avec Bruno Crémer, cinq ans après Un jeu brutal et un an avant Noce blanche.

 

Noce blanche (1989)

Et Brisseau révéla Vanessa Paradis sur grand écran. A 16 ans, la jeune chanteuse de « Joe le taxi » fait ses premiers pas au cinéma dans la peau d’une lycéenne qui va nouer une relation dévorante avec son professeur de philosophie (Bruno Cremer). Paradis obtient le César du Meilleur espoir féminin et le Prix Romy-Schneider. Le film avoisinera les 2 millions d’entrées et connaîtra une belle carrière à l’étranger. Jean-Claude Brisseau est au faîte de sa popularité d’artiste. Noce blanche sonde les vertiges du désir physique, la brutalité du rapport amoureux et fidèle au style « Brisseau » refuse toute compromission du réel au profit de la subjectivité des personnages où les fantasmes investissent le cadre. Au tout départ Jean-Claude Brisseau avait imaginé Alain Delon pour camper le professeur de philosophie à la place de Bruno Cremer dont c’est la troisième et dernière collaboration avec le cinéaste.

 


L’ange noir (1994)

Juste après le succès de Noce blanche, Brisseau tourne le confidentiel Céline, film volontairement fantastique qui affirme les goûts du réalisateur pour le cinéma de genre et le minimalisme à la Tourneur. Le film suivant, L’ange noir, et son budget de plusieurs millions de francs, se veut plus conforme au statut de cinéaste à succès qu’est devenu Brisseau. Ce sera un gros échec public. Ce thriller à l’accent chabrolien voit Sylvie Vartan incarner une femme de la bonne société bordelaise qui assassine son amant et veut faire croire qu’elle a été victime d’un viol. Filmé avec une lumière chaude à la lisière du fantastique, ce récit sulfureux préfigure le retour à un cinéma plus modeste et intimiste. Sylvie Vartan en mante religieuse traverse le film comme un spectre.

Les anges exterminateurs (2006)

Ce film répond au précédent Choses secrètes (2002) qui s’interrogeait sur le plaisir féminin et surtout la notion de domination et de destruction dans l’acte sexuel. Le récit s’inspirait des mythes de Thanatos (la mort) et de l’Eros (l’amour). Les anges exterminateurs pousse encore un peu plus loin ces thèmes en y ajoutant la figure du démiurge. Ici un cinéaste qui prépare un thriller fait passer une audition à une actrice et l’invite à simuler le plaisir devant l’objectif. L’actrice se prête au jeu et ne cache ses émotions. Dès lors, le cinéaste va tenter de percer les mystères de la représentation et jouer avec ses propres fantasmes. Il va toutefois se retrouver confronté à des êtres démoniaques.

 

Que le diable nous emporte (2018)

Dernier long métrage du cinéaste, réalisé en partie à son domicile avec les moyens du bord. Ce film mystique, érotique et psychanalytique voit plusieurs femmes se retrouver au cœur d’un chassé-croisé amoureux. Le cinéaste retrouve Fabienne Babe, 11 ans après De Bruit et de fureur. Brisseau explore les nouvelles images, télescope les supports et les formats (images du téléphone portable, numérique, 3D…) et s’interroge sur l’époque : "Nous ne savons pas où nous allons, alors laissons le diable nous emporter, explique le cinéaste dans le dossier de presse du film. C’est ce que raconte le film. Il met en scène des gens un peu paumés, qui n’ont plus de guide. Les guides sont en train de disparaître. (...) Avant nous lisions les journaux. Maintenant les gens se fient à des avis sur internet. C’est souvent n’importe quoi, ce qui personnellement me choque. Il n’y a plus de guides de l’opinion réellement sérieux."