Cinq films français révélés par le festival de Locarno

Cinq films français révélés par le festival de Locarno

03 août 2022
Cinéma
Nenette et Boni de Claire Denis
Nenette et Boni de Claire Denis Dacia Films - Arte France Cinéma - Pyramide

Créé en 1946, le festival de cinéma suisse, l’un des plus anciens du monde, se déroule du 3 au 13 août, date à laquelle sera décerné le Léopard d’Or qui a couronné et lancé la carrière en salles de plusieurs longs métrages français. Sélection.


Le Silence est d’or de René Clair (1947)

Premier vainqueur à Locarno en 1946 grâce à son ultime film hollywoodien Dix petits indiens, René Clair double la mise l’année suivante avec une de ces comédies ciselées dont il a le secret. Son intrigue se situe en 1910, au cœur d’un studio de cinéma où une jeune provinciale montée à Paris va séduire à son corps défendant un metteur en scène… et son fils adoptif. Interprétée par le duo Maurice Chevalier- François Périer, cette variation autour de L’Ecole des femmes de Molière marque le grand retour du cinéaste en France. Il avait quitté le pays dès 1940, ce qui lui avait valu d’être déchu un temps de sa nationalité par le gouvernement de Vichy.

La Ferme des sept péchés de Jean Devaivre (1949)

Venu au cinéma comme décorateur et assistant réalisateur, Jean Devaivre fut un résistant émérite pendant la Seconde Guerre mondiale. Décoré de la Croix de guerre à la Libération, il entame alors une nouvelle période de sa vie en passant à la réalisation. Quatre ans plus tard, son – déjà - quatrième long métrage raconte l’enquête sur l’assassinat en 1825 du journaliste pamphlétaire Pierre-Louis Courier. A Locarno, il triomphe face au Voleur de bicyclettes qui doit « se contenter » du Prix spécial du Jury.

Un cœur gros comme ça de François Reichenbach(1962)

Révélé deux ans plus tôt avec L’Amérique interdite, co-écrit par Chris Marker, François Reichenbach signe le portrait d’Abdoulaye Faye, un jeune boxeur sénégalais venu à Paris réaliser ses rêves : devenir une valeur sûre de son sport et pourquoi pas… rencontrer la femme qu’il admire le plus au monde, Michèle Morgan (qui apparaît à l’écran, comme Jean-Paul Belmondo). Ce documentaire tourné comme une fiction - accompagné par une BO co-signée par Georges Delerue et Michel Legrand - va être récompensé dans plusieurs manifestations. Avant et après Locarno, il reçoit en effet le Prix Louis-Delluc 61 et le Grand Prix de la Critique à Venise en 62.

Raï de Thomas Gilou (1995)

Dans la foulée de La Haine de Mathieu Kassovitz et d’Etat des lieux de Jean-François Richet, le cinéma français s’intéresse aux banlieues. Neuf ans après Black Mic-Mac, Thomas Gilou raconte, en distillant de l’humour sous la gravité, comment un jeune homme de cité tente d’échapper à l’engrenage infernal de la drogue et de la délinquance qui broie tous ses amis. Avec son casting hétéroclite (d’Edouard Baer à Tabatha Cash qui vient alors de mettre un terme à sa carrière d’actrice X), ce film co-écrit par Cyril Collard emballe le jury de Locarno. Outre le Léopard d’Or, il décerne un Prix spécial au comédien qui en tient le rôle central, son tout premier sur grand écran : Samy Naceri. Deux ans plus tard, lui et son réalisateur deviendront les rois du box-office avec respectivement Taxi et La Vérité si je mens.

 

Nénette et Boni de Claire Denis (1996)

En 1994, Claire Denis participe à la collection d’Arte Tous les garçons et les filles de leur âge. En tournant US Go Home, elle fait la connaissance d’Alice Houri et de Grégoire Colin, qui deviendra son acteur fétiche. Dans la foulée, elle laisse tomber le projet de livre qu’elle allait adapter pour les retrouver au plus vite. Comme dans US Go Home, le duo de comédiens interprète dans Nénette et Boni un frère et une sœur (un pizzaïolo et une ado enceinte dans les quartiers nord de la cité phocéenne) dans ce « mélo marseillais » - comme elle le définit elle-même - qui trouve plus son inspiration dans Les Enfants terribles de Cocteau que chez Pagnol. Nénette et Boni marque également la première collaboration de la cinéaste avec les Tindersticks, le groupe de Stuart Staples qui signera dès lors toutes ses BO. Locarno récompense le film de trois trophées : le Léopard d’Or et les prix d’interprétation masculine (Grégoire Colin) et féminine (Valeria Bruni-Tedeschi).