Cinq films méconnus de Bourvil

Cinq films méconnus de Bourvil

22 septembre 2020
Cinéma
Exposition Bourvil au Festival CineComedies2020
Exposition Bourvil au Festival CineComedies2020 Bruno Tocaben
A l’occasion des 50 ans de la disparition de Bourvil, le festival CineComedies rend hommage au comédien à travers une exposition somme. Son commissaire, Pascal Delmotte, par ailleurs biographe de Bourvil, nous présente cinq films méconnus de l’acteur.

 

Seul dans Paris d’Hervé Bromberger (1951)

« Bourvil interprète un paysan qui se marie avec une fille de sa condition et part en voyages de noces dans le sud de la France. Ils doivent changer de gare à Paris et dans le métro, la veille du 14 juillet, se perdent. Le paysan va passer toute la nuit à chercher sa femme tandis qu’elle va aller au bal. Bourvil a longtemps été cantonné dans les rôles de paysan naïf, d’idiot du village. Avec lui, on s’attend à rire. Dans Seul dans Paris, il se voit confier son premier contre-emploi. Si ce film dramatique n’a pas fonctionné en salles, c’est que le public associait étroitement Bourvil à la comédie. Pourtant, les critiques ont souligné le fait qu’on découvrait une autre facette de l’acteur et tous lui promettaient une grande carrière. »

 

Le miroir à deux faces d’André Cayatte (1958)

« A partir de La Traversée de Paris en 1956, et de son prix d’interprétation à Venise, Bourvil s’est vu proposer des scénarios aux registres plus larges. Dans Le miroir à deux faces, il interprète un professeur qui trouve une femme par petites annonces ; elle a un physique plutôt disgracieux - comme on disait à l’époque -, et est interprétée par Michèle Morgan, maquillée de façon à ne pas ressembler à l’actrice qu’on connaît. A la suite d’un accident de voiture, le responsable de l’accident (interprété par Gérard Oury), chirurgien esthétique, offre une opération à la femme. Mais son mari refuse, persuadé qu’une belle femme cherchera forcément à le tromper. Et lorsqu’elle accepte, il commence à devenir jaloux et violent. Encore un rôle opposé à ce qu’il avait l’habitude de faire. Il joue ici un minable, un sale type et c’est Gérard Oury – par ailleurs scénariste du film - qui avait eu l’idée de caster Bourvil dans ce rôle ambigu. Les deux hommes se connaissent depuis le tournage du Passe-muraille. Bourvil était heureux de tourner avec Michèle Morgan. »

Le chemin des écoliers de Michel Boisrond (1959)

« C’est la troisième association entre Marcel Aymé et Bourvil. Tout avait très mal commencé. Quand Le passe-muraille sort en salles, Marcel Aymé fait savoir publiquement qu’il déteste l’interprétation de Bourvil. Aussi quand le comédien est choisi pour La Traversée de Paris, l’écrivain écrit une lettre ouverte annonçant que Bourvil serait insignifiant dans le rôle de Martin. Il refusa même que son nom apparaisse au générique. C’est ce qui explique que le producteur, Henry Deutschmeister, diminua de moitié le budget du film et que le réalisateur dut se contenter du noir et blanc. Une fois le film récompensé à la Mostra de Venise, Marcel Aymé reconnut son erreur et déclara que l’interprétation de Bourvil était magnifique. L’acteur va dès lors apparaître dans d’autres adaptations du romancier, Le Chemin des écoliers et La Jument verte. Dans Le Chemin des écoliers, Bourvil donne la réplique à Alain Delon, alors débutant. Il le retrouvera des années plus tard dans Le Cercle rouge. Ici, le père (joué par Bourvil), un homme intègre, est inquiet des notes de son fils lycéen (Alain Delon) qui se livre au marché noir. Le film n’est pas une comédie et met en avant la vie quotidienne d'une famille confrontée au rationnement et à la peur des Allemands. On retrouve au générique Jean-Claude Brialy, Lino Ventura et Françoise Arnoul. »

Fortunat d’Alex Joffé (1960)

« Fortunat était le film préféré de Bourvil. Il retrouve Michèle Morgan et joue un rôle tendre et atypique, celui d’un poivrot qui fait passer la ligne de démarcation aux juifs et aux résistants. Il doit accompagner l’épouse d’un grand médecin dont il va tomber amoureux. C’est le deuxième des six films que Bourvil tourna avec le réalisateur Alex Joffé et il rassembla plus trois millions de spectateurs à sa sortie, pourtant, il fut rarement diffusé à la télévision pour des questions de droits. Autre collaboration Joffé/Bourvil à découvrir, Les culottes rouges (1962). L’histoire se déroule dans un camp de prisonniers pendant la guerre où les évadés récidivistes sont vêtus d’un pantalon rouge pour les distinguer et les empêcher de s’évader une nouvelle fois. Ce film orchestrait la rencontre entre Laurent Terzieff, l’intellectuel, le comédien de théâtre, et Bourvil, la figure populaire. Les deux hommes ont eu de très belles conversations sur le tournage où Terzieff encourageait Bourvil à oser jouer les grands classiques. Mais Bourvil a toujours eu peur de perdre sa liberté en s’attaquant aux classiques. Sur scène, Bourvil était connu pour ses improvisations échevelées. Quand il joue La bonne planque au théâtre pour la première fois, la pièce dure 1h45. La dernière représentation durera 2h30. »

Tout l’or du monde de René Clair (1961)

« Fernandel avait joué cinq rôles dans Le mouton à cinq pattes et cette interprétation hors-norme avait donné l’envie à d’autres acteurs de se livrer à cette performance. Dans ce film, Bourvil interprète le père et ses deux fils. Il refuse de céder à un promoteur son terrain et sa fontaine dont l'eau aurait des vertus de jouvence. Dans la distribution, on trouve Philippe Noiret, Claude Rich, Françoise Dorléac… Le film joue sur l’opposition de deux mondes : la campagne et la ville. Philippe Noiret m’avait confié avoir adoré tourner ce film parce que Bourvil était un boute-en-train qui mettait une ambiance folle sur les tournages. Il avait aussi découvert l’homme et sa simplicité. C’était une belle leçon pour lui, jeune acteur à l’époque. Dans ce film, Bourvil chante. Il faut rappeler que Bourvil était un très bon chanteur, qui a enregistré près de 300 chansons. »

Bourvil, Le ciné d’André d’Annie Boucher et Pascal Delmotte. Éditions Flammarion.