Max Bird : « Je me revendique totalement de C’est pas sorcier »

Max Bird : « Je me revendique totalement de C’est pas sorcier »

17 février 2020
Création numérique
Max Bird
Max Bird Pascal Ito

Humoriste, YouTubeur et présentateur de C’est toujours pas sorcier sur France 4 et la plateforme Okoo, Max Bird (Maxime Déchelle, de son vrai nom) vulgarise la science avec une exubérance contagieuse. Rencontre avec un jeune homme aussi rigoureux qu’hilarant.


Avez-vous suivi une formation scientifique avant de vous lancer sur YouTube ?

Pas du tout, mais je suis passionné de biologie depuis que je suis tout petit. J’avais de très bonnes notes en sciences et je voulais devenir biologiste, c’était vraiment une idée fixe, une passion dévorante. Je voulais aller en Amazonie pour étudier les animaux que je connaissais tous par cœur. J’ai pu faire mon lycée en Guyane française, donc à 15 ans, je me suis retrouvé là où je rêvais d’aller. Je me rendais le plus souvent possible dans la forêt pour essayer de voir les animaux que je chérissais. Je me suis rapproché petit à petit des ornithologues et des biologistes qui allaient sur le terrain. Et au bout d’un moment, j’ai fini par trouver l’oiseau très rare que je cherchais depuis longtemps. Étrangement, il y a eu alors une sorte de perte de repères. Cet oiseau, c’était un peu mon Saint Graal et je me suis rendu compte que le plus intéressant à vivre était de pourchasser des rêves, pas forcément de les réaliser. Après ça, j’ai dû totalement changer de voie, sinon j’allais dépérir ! Je me suis demandé ce qui pourrait être aussi excitant que cette quête de l’oiseau rare, et j’en suis arrivé à la décision de tout plaquer pour devenir comédien.

Cette envie de devenir comédien est venue subitement ou l’aviez-vous déjà en tête ?

Je voulais être comédien, mais un peu comme tout le monde. C’est un rêve assez commun. Je n’avais pas l’impression d’avoir plus de talent que quiconque, mais ça me semblait être une belle aventure de débarquer à Paris en ne connaissant personne dans le milieu.

Et l’aventure a été aussi belle que prévu ?

Oui, car je me disais que même si ça ne marchait pas, je serais heureux quand même. Ça aide peut-être à se lancer vraiment à fond.

L’humour vous semblait être la meilleure porte d’entrée dans le milieu ?

Je voulais être comédien sur scène. Au début, quand j’ai commencé à faire des scènes ouvertes, j’avais des sketchs « classiques », je ne parlais pas de science. Et très vite, je me suis rendu compte que plus je développais des thèmes personnels, meilleur j’étais. Finalement, je suis revenu à ma passion première pour la science et j’ai allié les deux. Je pense que quand on est sur scène, il faut parler de ce dont on a envie de parler, car c’est là qu’on va être le plus percutant.

Pourquoi avoir démarré votre chaîne YouTube en 2016 alors que vous commenciez à percer sur scène ?

En arrivant à Paris en 2010, quand j’ai commencé le Cours Florent, j’écrivais des textes pour faire des vidéos sur Internet. Je ne connaissais pas encore Norman et Cyprien, qui étaient sur le point d’exploser. Et je me suis heurté à la difficulté du son et de l’image : même en acceptant de faire un truc cheap, c’est compliqué, il faut connaître la technique, notamment le montage et la prise de son... Très vite, j’ai arrêté de vouloir faire des vidéos sur Internet et j’ai utilisé mes textes dans des sketchs. Une fois que j’ai commencé à gagner des prix dans des festivals et que le spectacle s’est mis à marcher un peu dans les cafés-théâtres, j’ai senti que je devais revenir à mon idée de base. Je connaissais plus de gens, j’allais pouvoir m’entourer. Mais la finalité a toujours été de faire un programme dans lequel je pourrais décider de tout. Et il n’y a que sur Internet qu’on peut faire ça. J’avais envie de faire une sorte de C’est pas sorcier déjanté.

Comment choisissez-vous les sujets de vos vidéos ? Vous ne semblez pas vous poser de limites.

La vulgarisation permet vraiment de parler de tout. Et plus que les sujets en soi, ce qui m’intéresse, c’est de réussir à les simplifier et à les rendre percutants et intéressants. Avant même d’essayer d’apprendre des choses aux gens, il faut voir ce que les gens croient savoir de ce sujet. On trouve toujours des idées reçues, qui sont des portes d’entrée pour éveiller la curiosité.

 

Il s’agit toujours de thèmes que vous maîtrisez ?

Il y a des sujets que je connais très peu. Pour certains, j’ai fait beaucoup de recherches et il m’est même déjà arrivé d’abandonner, car je sentais que je n’avais toujours pas compris (rires). Quand j’ai moins de temps pour faire une vidéo, il m’arrive de prendre un sujet que je connais très bien.

Est-ce compliqué de trouver le juste milieu entre donner assez d’informations aux gens et les divertir ?

Plus ça va, plus je me rends compte qu’il faut faire attention à tout ce qu’on dit. On a une responsabilité, même si d’un autre côté, il faut qu’il y ait des vulgarisateurs qui simplifient. Le problème n’est pas tellement l’humour, mais de devoir faire quelque chose de court, de clair et de drôle en même temps. Si on voulait faire de la vulgarisation absolument rigoureuse, il faudrait oublier la mise en scène ou l’humour et les comparaisons avec la culture populaire. Bref, tout ce qui va trop simplifier. Il est vrai qu’avec C’est toujours pas sorcier, on est plus sur de la pédagogie pure, il y a moins de vannes. Et c’est plus simple d’être très précis. Plus je travaille sur d’autres projets de vulgarisation, plus j’ai de mal à écrire des vidéos YouTube. J’ai eu une grosse période où je n’y arrivais plus, parce que j’avais trop peur de dire une bêtise. Et finalement, en en discutant avec d’autres vulgarisateurs et des experts, je me suis rendu compte que seulement 1 % de la recherche du CNRS est vulgarisée. On a besoin de gens qui rendent ça digeste pour le grand public.

Vous avez reçu l’aide CNC Talent. À quel point cela a changé les choses pour vous ?

Cela m’a permis de travailler avec une vraie production et la chaîne s’est ainsi professionnalisée. À la base, je faisais tout, sans me poser de question. J’avais besoin d’aide et ça a permis de payer tout le monde et de travailler dans des conditions décentes. Sans l’aide du CNC, je pense que j’aurais fini par arrêter, car c’est épuisant. Au début, on est grisé par les vues et on ne compte pas ses heures et au bout d’un moment... Je pense que le fait que le CNC ait pris l’initiative d’aider les chaînes YouTube est vraiment une nécessité pour qu’on puisse avoir du contenu de qualité en France.

Vous êtes passé de YouTube à la télévision avec C’est toujours pas sorcier. Vous étiez fan de l’émission originale étant enfant ?

Max Bird, Cécile Djunga et Mathieu Demery, les présentateurs de C'est toujours pas sorcier La Fabrik/FTV/Okoo

J’étais fan et avoir Jamy Gourmaud en guest sur ma chaîne YouTube a été un moment dingue ! Je me revendique totalement de C’est pas sorcier, qui a bercé ma jeunesse et évidemment influencé tous les vulgarisateurs scientifiques de près ou de loin. Notre collaboration, et de manière générale mon positionnement sur YouTube, a certainement joué dans le choix de France Télévisions de me contacter quand ils ont décidé de relancer le programme.

 

Vous avez accepté tout de suite ?

Au début, ça ne me plaisait pas vraiment de reprendre le concept. Il y a eu plusieurs versions et on revient de loin, car on a beaucoup tâtonné. Mais je suis très content qu’on ne se soit pas laissés aller à la facilité. J’avais vraiment la trouille, et finalement la dernière mouture, celle qui est diffusée, me plaît beaucoup. Je suis content qu’on ait été exigeants. J’avais peur qu’on ne retrouve pas cette forme d’hameçonnage qu’il y avait dans C’est pas sorcier, qui faisait que quand on commençait un épisode on avait forcément envie de le regarder jusqu’au bout et même d’enchaîner sur un deuxième. Il fallait essayer de recréer cela avant tout.

Vous vous êtes demandé s’il fallait s’attaquer à des sujets déjà traités par C’est pas sorcier à l’époque ?

Non, ça n’a jamais été un problème, car l’idée est aussi de les mettre un peu à jour. Il y a toujours des choses à dire ! Et puis le but du jeu est de trouver tous les sujets intéressants à vulgariser, et il y en a tellement !

L’émission est diffusée à la fois sur France 4 et sur la plateforme vidéo Okoo. C’était important pour toucher les jeunes ?

Je pense que c’est une manière pour la télévision de se réinventer. On sait que les gens regardent moins la télé et qu’il est donc plus difficile d’imposer une émission jeunesse aujourd’hui. C’est diffusé sur France 4, rediffusé sur France 5 et en même temps sur Okoo. C’est une multidiffusion qui colle bien au programme.

Vous vous voyez continuer encore longtemps sur YouTube ou bien vous concentrer sur la télévision ?

La liberté absolue qu’on a sur YouTube et le lien direct avec notre communauté est indépassable. Je pense que je resterai sur YouTube tant que cette connexion directe avec l’audience sera possible.

Max Bird est en tournée dans la France jusqu’au moins de juin.