Comment est né le projet Un soir avec les impressionnistes, Paris 1874 ?
Agnès Garaudel : À l’approche du 150e anniversaire de la première exposition impressionniste, nous avons pensé, chez GEDEON Experiences, qu’il serait intéressant de reproduire cet événement en réalité virtuelle. Le premier défi a été de vérifier si le travail que nous souhaitions alors engager pouvait se réaliser. Nous savions en effet que l’atelier du photographe Nadar, où l’exposition s’est déroulée, n’existait plus et qu’il en demeurait peu de traces.
Raphaël Haddad : Le deuxième enjeu de cette exposition a été de disposer les œuvres dans l’espace comme ce fut le cas à l’époque. Et là aussi, les indices ont manqué. Le catalogue de l’exposition est toujours consultable, mais nous avons découvert que l’accrochage des œuvres tel qu’il y est mentionné n’avait pas été véritablement respecté. Nous avons mené l’enquête, étudié les correspondances de l’époque entre les peintres, les critiques, les factures et les plans cadastre de l’atelier.
A.G : Une fois cette étape passée, nous avons contacté le Musée d’Orsay pour leur présenter les premiers environnements 3D du projet. Ils préparaient leur exposition « Paris 1874 : Inventer l’impressionnisme » et ont été très vite enthousiastes à l’idée de développer une expérience immersive complémentaire. Ils ont annulé pour l’occasion une autre exposition qui devait être programmée dans l’espace de 700m2, lequel accueille aujourd’hui notre production. Nous nous sommes ensuite rapproché des équipes d’Emissive Excurio pour développer ce format ambitieux, en déambulation, d’une durée de 42 minutes en LBE [Location Based Entertainment, une expérience conçue pour un lieu spécifique, qui ne peut pas se faire à domicile – ndlr]. C’est ainsi qu’est née cette coproduction à trois, Emissive Excurio, GEDEON Experiences et le Musée d’Orsay. Un soir avec les impressionnistes, Paris 1874 a représenté deux ans de travail préparatoire et huit mois de production.
Comment avez-vous coordonné l’écriture scénaristique et le développement technique ?
A.G : En parallèle. D’abord, nous avons travaillé à un premier scénario comparable à un film de fiction, à la différence près que nous avons dû penser à l’environnement 3D à déployer autour du récit. Par ailleurs, dans ce type d’expérience, le spectateur peut très bien choisir de ne pas suivre la narration. Nous avons donc imaginé des astuces pour l’accompagner dans l’histoire, comme le personnage de Rose, qui fait office de guide de l’exposition.
R.H : C’est un équilibre à trouver dans ce genre de projet. Il faut à la fois guider le spectateur à l’intérieur de l’environnement 3D tout en lui donnant l’opportunité et surtout l’envie d’explorer l’environnement de chaque scène. Nous nous sommes inspirés de l’écriture du jeu vidéo pour y parvenir.
Comment avez-vous collaboré avec les experts scientifiques du Musée d’Orsay pour reconstituer les scènes ?
A.G : Nous avons travaillé avec Anne Robbins et Sylvie Patry, les deux commissaires de l’exposition « Paris 1874 : Inventer l'impressionnisme » tout au long du développement de l’expédition immersive. Il était indispensable qu’elles valident nos reconstitutions scientifiques ainsi que nos choix de narration et de personnages.
R.H : Anne Robbins et Sylvie Patry ont accompagné le projet à toutes les étapes de sa création : écriture, conception, modélisation 3D, comportement, taille, vêtements des personnages, lumière… Elles ont réalisé un travail considérable pour rendre cette expérience VR la plus réaliste possible.
A.G : L’attention donnée aux détails renforce l’expérience. À l’origine, GEDEON est une société de production de documentaires, habituée à travailler avec des historiens. Nous tenons à la précision historique et scientifique de nos projets. Collaborer avec le Musée d’Orsay a donc été une évidence.
Quelle est la vocation de ce type d’expériences immersives ?
A.G : Il s’agit d’œuvres complémentaires aux expositions traditionnelles. Dans le cas de l’exposition sur les impressionnistes, l’expérience que nous proposons en réalité virtuelle permet au public d’accéder à un autre type d’information et d’en apprendre davantage sur les peintres en question. Nous avons pu oublier en effet qu’ils ont été jeunes et révolutionnaires dans leur art.
R.H : Cette production immersive fait partie d’un projet plus large qui comporte à la fois l’exposition « Paris 1874 : Inventer l'impressionnisme » et le docu-fiction 1874, La naissance de l'impressionnisme, diffusé sur Arte [coproduit par Arte, Gedeon Programmes et le Musée d’Orsay – ndlr]. Ces trois volets donnent une vision globale du moment-clé qu’a représenté cette première exposition des peintres impressionnistes dans l’Histoire de l’art.
A.G : Chez GEDEON Experiences, nous essayons de faire revivre le passé et de créer à nouveau de l’émotion tout en recontextualisant le sujet en question. L’expérience immersive ne remplace pas l’exposition traditionnelle mais la prolonge. Elle donne envie au spectateur d’aller plus loin et de découvrir par la suite les œuvres. Elle lui permet de poser un autre regard sur les toiles. Je crois que les musées sont intéressés par cet aspect.
Comment démocratiser au mieux ces expériences immersives ?
A.G : Je vois trois enjeux indispensables : le choix des sujets à traiter, celui des lieux pour accueillir ce type de format et le soin apporté au public visé. Chez GEDEON Experiences, nous voulons rendre accessibles nos créations et nos productions au plus grand nombre. Un défi considérable en réalité virtuelle. Jusqu’à présent, nous nous concentrons sur la production d’expériences collectives, qui se vivent dans des lieux physiques en déambulation, ce qui permet de toucher un large public.
R.H : Autre enjeu décisif : celui de l’accessibilité sur lequel il faut travailler. Emissive Excurio a développé son format pour que les expéditions immersives soient adaptées et accessibles aux personnes à mobilité réduite. Nous avons également veillé à mettre des fauteuils roulants à disposition des personnes en situation de handicap ou qui connaissent des difficultés à se déplacer sur la durée de l’expérience. En définitive, tout a été pensé pour rendre l’expérience la plus intuitive et accessible possible, pour tous les publics, initiés comme néophytes à la VR. C’est peut-être ce qui explique aussi qu’Un soir avec les impressionnistes, Paris 1874 rassemble un public particulièrement intergénérationnel.
A.G : Le soutien des pouvoir publics est par ailleurs un atout puissant pour avancer sur ces enjeux. Nous avons pu compter sur l’accompagnement du CNC à travers le fonds d’aide à la création immersive. Obtenir cette aide sélective est une reconnaissance de la valeur du projet. Un tel soutien nous encourage.
R.H : Ce type d’accompagnement est une spécificité française qui permet de pousser toujours plus loin la création de projets ambitieux tout en travaillant sur leur diffusion au plus large public possible.
un soir avec les impressionnistes, paris 1874
Direction scientifique : Sylvie Patrie, Anne Robbins
Coproduction : Emissive Excurio, GEDEON Experiences et le musée d’Orsay
À découvrir jusqu’au 11 août 2024