Cyanide, itinéraire d’un indépendant devenu grand

Cyanide, itinéraire d’un indépendant devenu grand

28 juillet 2021
Jeu vidéo
Rogue Lords
Rogue Lords Cyanide

Fondé en l’an 2000, Cyanide s’est fait connaître dans l’industrie vidéoludique grâce à ses jeux de sport, et plus particulièrement de cyclisme tels que Cycling Manager et Pro Cycling Manager. Avant d’élargir son périmètre en s’intéressant aussi bien au rugby qu’au football américain, aux courses de chevaux, au basket ou aux RPG (jeux vidéo de rôle). Lumière sur les étapes marquantes de ce studio français dirigé par Patrick Pligersdorffer, qui l’a cofondé.


D’Ubisoft à Cyanide Studio

Cyanide Studio est né de l’envie de sept anciens d’Ubisoft de développer des jeux sortant de la politique éditoriale du géant du jeu vidéo. Le tout avec des méthodes de travail elles-aussi différentes de l’organisation d’un grand groupe. « Nous voulions faire des jeux moins conséquents que ceux proposés par Ubisoft à l’époque. Le groupe était également divisé en différents studios qui devaient chacun avoir un responsable de chaque corps de métier. L’organisation rendait la tâche difficile pour faire des projets plus petits », nous explique Patrick Pligersdorffer, le PDG de Cyanide Studio. Lancé en l’an 2000 à Nanterre, le studio qui fait partie des pionniers français de l’industrie vidéoludique en Ile-de-France, compte aujourd’hui deux filiales : une à Bordeaux, l’autre au Canada, à Montréal. Et chaque studio a une politique éditoriale bien particulière. « Par exemple, Bordeaux fait plus particulièrement du jeu de rôle narratif tandis que Montréal est davantage tourné vers le jeu de stratégie. Chaque équipe a choisi ce qui l’intéressait ».

Le succès de la petite reine

« La première année a été difficile, comme de nombreuses sociétés aussi bien dans le milieu du jeu vidéo que dans d’autres. Au bout de trois ans, la situation s’était améliorée. Le plus difficile a été de décrocher un contrat. Lorsque le premier jeu est sorti et a bien marché, une dynamique positive s’est enclenchée ». Ce jeu, qui a permis de lancer Cyanide Studio, n’est autre que Cycling Manager (2001), une simulation de gestion de cyclisme dans lequel le joueur doit diriger et organiser une équipe dans une centaine de courses. Un titre né d’une envie profonde de Patrick Pligersdorffer de mettre à l’honneur un sport qui le passionne depuis son enfance. « C’est en parlant à différents joueurs autour de nous que nous nous sommes rendu compte que ce sport n’était pas réservé qu’aux familles en camping-car suivant une course cycliste au bord de la route. La plupart des personnes ne voyaient pas le cyclisme comme un sport pouvant faire l’objet d’un bon jeu », se rappelle-t-il en refusant d’être qualifié de « visionnaire ». « J’y pensais lorsque je regardais le Tour de France lorsque j’avais 12-13 ans. J’ai juste eu l’opportunité de le faire. Etonnamment, Ubisoft a lui aussi distribué, la même année, un jeu de cyclisme. » Pour distribuer Cycling Manager, Cyanide s’est allié à Focus Home Interactive qui restera un partenaire essentiel du studio pendant plus de 18 ans. Un choix qui a permis au studio d’être présent sur certains marchés européens. Focus Home Interactive a en effet mis en contact Cyanide avec ses partenaires présents au Benelux où « il y a un marché important pour le cyclisme ». Le succès remporté par le jeu sur ce territoire a permis au studio d’accéder aux marchés de la Scandinavie et de l’Allemagne.

 

L’attrait des licences

Après le succès de Cycling Manager, Cyanide a continué à explorer le filon du cyclisme avec Cycling Manager 2 et 3 (en 2002 et 2003), Pro Cycling Manager (une édition chaque année depuis 2005 pour actualiser les équipes afin d’être le plus réaliste possible) et la simulation Tour de France (depuis 2014). Il a également sorti des jeux de gestion sportive pour le hippisme (Horse Racing Manager), le rugby (Pro Rugby Manager) ou encore le basket-ball (Pro Basketball Manager développé avec Umix Studios). Mais le studio ne s’est pas cantonné au domaine du sport. « Il y a aussi du RPG, des War Games, tout un panel de jeux.

A part Pro Cycling Manager qui est particulier, nous avons tendance à travailler sur des titres et licences qui nous intéressent plutôt que de définir une stratégie éditoriale sur un type de jeux, même si nous sommes très orientés « heroic fantasy », un univers qui se prête bien à du RPG et du jeu de stratégie. Mais on ne ferme jamais la porte à d’autres jeux.

Outre la licence du Tour de France, Cyanide a développé un jeu autour du héros mythologique Loki (le jeu Loki sorti en 2007) - un mythe scandinave qui a également inspiré Marvel dans Thor et la saga Avengers - et a adapté les jeux de plateau Games Workshop Blood Bowl (2009, 2015 et 2017) et Space Hulk (2016 et 2018). Autre projet marquant, deux jeux adaptés des livres Game of Thrones de George R.R. Martin : A Game of Thrones : Genesis en 2011 puis Game of Thrones en 2012. « L’univers de Game of Thrones me passionnait avant même que la série n’existe. J’adorais les romans et je voulais à tout prix faire un RPG d’heroic fantasy. Après quelques recherches, nous nous sommes orientés vers Game of Thrones en nous disant que si nous arrivions à faire ce jeu, nous pourrions en faire d’autres, explique le président de Cyanide. Nous sommes allés chercher toutes les licences que nous avons eues car elles nous intéressaient. Sur certains genres, elles étaient aussi une opportunité pour entrer dans un monde dans lequel nous n’avions pas de crédibilité. La licence a déjà un public, on se dit donc que le jeu sera au minimum regardé et que s’il est bon, on a plus de chance d’être reconnus ».

 

L’arrivée de Bigben Interactive

Aujourd’hui, Cyanide affiche 20 ans d’existence au compteur, deux filiales (une à Bordeaux et l’autre au Canada), près de 160 employés et plus de 50 jeux sortis (3 par an environ actuellement). « Les choses se sont faites de manière progressive. Il y a eu quelques grosses étapes comme la sortie de Chaos League (un jeu mêlant stratégie et football américain), le partenariat avec Games Workshop qui a été un bon tremplin pour nous et Focus Home Interactive, puis la levée de fonds en 2010. Nous avons fait entrer un fond d’investissement qui a permis d’accélérer nos productions, de nous diversifier sur des jeux plus ambitieux et d’obtenir la licence Game of Thrones ».

Dernière étape marquante en date : le rachat en 2018, pour 20 millions d’euros, par le distributeur Bigben Interactive, ce qui a mis un terme à la collaboration régulière du studio avec Focus Home Interactive (les projets en cours ont malgré tout été menés à terme par les deux partenaires historiques). « Ce rachat a changé nos interlocuteurs mais en interne, notre mode de fonctionnement n’a pas trop évolué, excepté que nos budgets ont augmenté (ils auraient augmenté de toute façon) et un poids a disparu à chaque projet. Désormais, nous ne nous disons plus que nous avons 6 mois pour faire une démo pour un éditeur. Nous ne nous posons plus la question : « qu’est-ce qui se passe si on n’a pas d’éditeur ? ». Une grosse pression financière a disparu et il est plus facile de créer. Tant qu’on nous laisse la même liberté qu’avant, ce n’est que du bénéfice ».

Deux nouveaux jeux sont en production actuellement chez Cyanide, parmi lesquels Rogue Lords, un « rogue-like tactique », développé en partenariat avec Leikir Studio, avec « un design graphique très Tim Burton ». « Des personnes du studio avaient envie de faire un tel jeu. Elles nous ont présenté une DA (direction artistique, ndlr) originale et ont réussi à nous convaincre de son intérêt. Cyanide a ensuite convaincu Bigben alors que le jeu est plus petit que ce que nous produisions ». Outre Rogue Lords attendu courant 2021, Cyanide prépare aussi Werewolf The Apocalypse – Earthblood qui sortira le 4 février 2021.