Après une bonne année 2006, le volume de la production audiovisuelle aidée est orienté à la baisse pour 2007 (-9.4%) ainsi que le montant des investissements des diffuseurs (-8.2%). Les aides accordées par le CNC à la production qui sont pour la majeure partie des aides automatiques suivent ce mouvement de repli (-13.5%). En revanche, les aides à la préparation ont progressé de près de 51% par rapport à 2006.
Le secteur de la production audiovisuelle aidée reste à un niveau d'heures élevé, en évoluant depuis le début de ce siècle entre 3500 et 4500 heures. Pour mémoire, nous nous situions jusqu'en 1999 entre 1500 et 2500 heures. Quant aux investissements, ils se consolident à un niveau important en se montant en 2007 à 1 milliard 231 millions d'euros, soit le niveau le plus élevé après celui de l'année 2006 et de l'année 2004 depuis la création du compte de soutien. Reste qu'une contraction du marché est indéniable.
Plusieurs explications conjoncturelles peuvent être avancées :
- tout d'abord un effet calendaire lié au décalage particulièrement marqué cette année entre les commandes des chaînes initiées en 2007 mais formalisées début 2008 et qui n'ont donc pas reçu le soutien financier du Centre sur l'année 2007. Il s'agit notamment de forts volumes de séries en avant-première partie de soirée. Ainsi, ce décalage devrait être rattrapé en 2008.
- L‘atonie du marché publicitaire sur l'année 2007 a évidemment eu des répercussions sur les niveaux de commande des diffuseurs. Sans l'ouverture de la publicité télévisée au secteur de la distribution, cette baisse aurait été sans doute plus accusée. Corrélativement, les résultats d'audience en baisse continue sur les chaînes historiques n'ont pas contribué à conforter la confiance de chacun. Or, si une large partie de cette audience se retrouve sur les chaînes du câble et du satellite, ainsi que celles de la TNT, ces diffuseurs restent des acteurs très secondaires dans le financement de la production audiovisuelle avec des investissements qui stagnent en 2007 par rapport à 2006 (4,7 % de l'ensemble des apports des diffuseurs en 2007, contre 5,0 % en 2006).
- Dans le même temps, et tout cela est évidemment lié, la fiction poursuit une mutation engagée l'année dernière mais qui n'est pas encore achevée (I). Par ailleurs, l'année 2007 est une année basse du cycle de l'animation, ce qui pèse sensiblement sur les résultats globaux du secteur audiovisuel, même si le volume produit reste parmi les cinq meilleurs depuis la création du compte de soutien (II). Quant au documentaire, il est dans une phase paradoxale. Ses résultats à l'export n'ont jamais été aussi importants, dépassant la fiction et rejoignant sur ce terrain l'animation, alors que dans le même temps, les volumes produits sont en baisse sur toutes les chaînes (III).
I. La fiction française poursuit sa mutation.
Le constat avait été fait l'année dernière que la diffusion de la fiction américaine dans des cases bien exposées était un facteur déclenchant de la mutation de la fiction française : elle en bouleversait les codes sans pour autant rogner sur le volume de fiction française diffusée.
Or, en 2007, la fiction française n'a pas encore retrouvé les clefs du succès, et son volume produit s'est contracté - avec 807 heures en 2007 contre 835 en 2006 soit - 3,4% - tout comme son volume diffusé. Sur les chaînes historiques, le volume de fiction française inédite est en retrait passant de 806 heures en 2006 à 716 heures en 2007. S'agissant des investissements des chaînes, ils sont également en baisse avec la nuance calendaire évoquée précédemment, TF1 et Canal+ mises à part. En termes d'audience, la fiction a perdu en 2007 son rôle moteur et s'est retrouvée derrière les genres comme le cinéma, le magazine d'information, le sport et le divertissement.
L'évolution des formats en 2007, qui diffère quelque peu de celle constatée depuis deux ans, est révélatrice des mutations en cours.
Les formats dits internationaux de 52 et 26 minutes représentent en production désormais près des deux tiers de la fiction française produite (63 % en 2007 contre 1/3 en 2004). Cette internationalisation progressive des formats est un signe très positif de l'évolution de la fiction française, laissant envisager plus facilement son exportation.
Le format de 90' n'est pas pour autant abandonné ; il retrouve même une certaine vigueur mais uniquement en programme unitaire sur certaines chaînes (TF1, F2) avec des succès d'audience parfois plus convaincants que les autres formats.
Le format de 26' présente l'évolution la plus intéressante en 2007 et probablement en 2008. Le démarrage de feuilletons d'avant soirée sur toutes les chaînes en clair ainsi que le renforcement des séries de fiction jeunesse sont de nature à donner au secteur des forts volumes de production dans les prochaines années.
La fiction est donc dans une période de transition. Cette mutation actuelle est un exercice long et difficile. Mais de vrais progrès sont enregistrés notamment dans l'évolution des mentalités et dans les méthodes de travail.
II. Le documentaire se trouve dans une situation paradoxale.
Le volume produit qui s'était stabilisé autour de 2000 heures depuis deux ans décroît de nouveau en 2007 à 1832 heures. Cette baisse, intervenue depuis 2003, provenait jusqu'alors des chaînes thématiques et des chaînes locales. En 2007, les chaînes historiques ont également diminué (- 12 % sur les chaînes publiques) ou stabilisé leurs commandes.
Le documentaire s'est, depuis quelques années, installé sur les grandes chaînes, notamment en première partie de soirée (74 heures sur F2 et F3 en 2007, soit à peu près un tiers du volume de documentaire commandé par ces deux chaînes). Les financements horaires des diffuseurs se sont globalement renforcés depuis 2001 (103 k€ de l'heure sur les chaînes historiques en 2007, 99 k€ en 2006). Le documentaire français s'est forgé une renommée à l'international (14 documentaires français sur les 30 documentaires les plus visionnés au Mipdoc).
La programmation en première partie de soirée a modifié les exigences éditoriales, en terme d'écriture et de réalisation mais aussi dans le choix des thématiques abordées. De nouvelles écritures apparaissent qui contribuent à renouveler le genre et à l'inscrire dans l'époque.
Cependant, le nombre de cases disponibles, à côté de celles de grande écoute, tend à se réduire et les financements se concentrent sur les cases les mieux exposées. Ce resserrement des accès aux antennes des chaînes historiques tend à réduire le champ des formes d'expression - d'autant que les nouvelles chaînes ne constituent pas une réelle alternative - et préoccupe la profession. Il est important de préserver la diversité des écritures et des formats qui sont l'âme du documentaire et le CNC a entamé un dialogue avec le réseau des organisations documentaires (ROD) sur ce sujet.
III. l'animation : une phase basse du cycle de production en 2007 qui ne dément pas la vitalité du secteur.
L'année 2006 correspondait à la phase haute du cycle de production de l'animation avec un niveau historiquement record (419 heures produites). L'année 2007 est logiquement en retrait (314 heures) soit 20% de recul par rapport à 2006, tout en restant à un niveau important correspondant au rythme moyen d'environ 300 heures annuelles et au dessus de la moyenne des 5 dernières années.
Les financements horaires apportés par les diffuseurs historiques se renforcent assez sensiblement (+ 16 % à 155 k€ de l'heure). Les chaînes thématiques payantes augmentent également leur apport horaire de près de 17 %.
Le volume d'heures financées avec des apports étrangers est élevé et représente près de 70 % du volume produit (plus de 75% en 2006). L'animation reste un genre très exposé à l'international, malgré un renforcement significatif des financements disponibles sur le sol français, ce qui contribue au dynamisme de ce secteur mais le rend plus perméable que les autres genres aux aléas de la conjoncture internationale.
L'inquiétude aujourd'hui se situe plutôt au niveau des financements provenant des diffuseurs. Leurs apports horaires, qui sont actuellement situés à un haut niveau - ils ont encore progressé en 2007 - pourraient être remis en cause par le retrait des annonceurs du secteur agroalimentaire des écrans publicitaires finançant les cases jeunesses.
La localisation en France des dépenses de personnel et de fabrication est toujours forte. L'effet des soutiens publics est à cet égard significatif. Depuis 2004, le taux de dépense en France sur ce secteur est passé de 63% à 69%, les tâches à forte valeur ajoutée de la filière sont de nouveau localisées en France, ce qui est un avantage stratégique majeur pour le futur, avec une diffusion sur l'ensemble de l'industrie de l'image (cinéma d'animation, jeu vidéo, …).
Conclusion
La contraction du marché de la production aidée en 2007 est réelle, même si elle reste relative, la production audiovisuelle aidée restant dans la moyenne observée depuis 2000 c'est-à-dire au dessus de 3500 heures. Une des explications majeures de cette contraction, au-delà du décalage de calendrier évoqué plus haut, tient au fait que les chaînes de la TNT et en particulier les chaînes gratuites n'ont pas encore pris le relais en termes de production audiovisuelle même si elles offrent des débouchés importants en termes de ventes : les investissements dans la production inédite, d'un montant marginal, sont même en baisse (passés de 8,2 millions d'euros en 2006 à 4,9 millions d'euros en 2007 soit une baisse de 40%), alors même qu'elles sont les premières bénéficiaires de la fragmentation de l'audience.
Les différentes évolutions et mutations du secteur audiovisuel ont conduit le CNC à s'engager davantage dans le soutien à l'écriture et au développement en amont de la production. Dans ces périodes de mutations industrielles, il est crucial d'être en mesure de prendre des risques pour progresser. Dès 2007, le soutien au développement a déjà considérablement progressé (+ 50%) et c'est une première dans le bilan du compte de soutien.
Pour stimuler la force artistique, l'ambition créative de nos productions à la télévision, les aides automatiques du CNC doivent aussi reconnaître le droit à l'erreur et non rechercher la sécurité de la répétition. L'enjeu est particulièrement important pour la fiction télévisuelle mais aussi pour le documentaire. C'est l'objectif du renforcement des aides en amont que le CNC vient de mettre en oeuvre (aide à l'écriture et au développement dans le cadre du soutien automatique pour la fiction, le documentaire et l'animation, amélioration du dispositif du fonds innovation, mise en place d'une aide au pilote de fiction) qui devrait donner aux auteurs, aux producteurs et aux diffuseurs les moyens de prendre ces risques. Parallèlement, le Centre vient de renouveler des appels à projets en écriture et en développement à destination de projets qui sont conçus, et cela dès l'origine, pour les nouveaux médias.
NB : ce bilan de la production audiovisuelle aidée s'appuie sur des œuvres audiovisuelles qui ont effectivement reçu des soutiens financiers du CNC au titre de l'année 2007. Il s'agit de la production de programmes audiovisuels dans les genres de fiction, de documentaire, programmes d'animation, captation et récréation audiovisuelle de spectacles vivants et, plus marginalement, certains magazines culturels.