« Les Derniers secrets de l’humanité », les coulisses du docu-fiction de Jacques Malaterre

« Les Derniers secrets de l’humanité », les coulisses du docu-fiction de Jacques Malaterre

15 avril 2024
Séries et TV
« Les Derniers secrets de l’humanité »
« Les Derniers secrets de l’humanité » réalisé par Jacques Malaterre 10.7 Productions / France Télévisions

Vingt ans après L’Odyssée de l’espèce, Jacques Malaterre revient avec un nouveau film racontant l’évolution de l’Homme en Asie, coécrit avec le paléontologue Yves Coppens décédé en 2022. Une aventure préhistorique et scientifique hors norme, entièrement filmée en Chine, qu’il nous raconte au côté du producteur Victor Robert (10.7 Productions).


Après L’Odyssée de l’espèce (2003), puis Homo sapiens (2006) et Le Sacre de l’Homme (2007), comment décririez-vous Les Derniers secrets de l’humanité ?

Jacques Malaterre : C’est ce que j’appelle une fiction « préhistoriquement » documentée. Nous avons souhaité donner une suite à L’Odyssée de l’espèce car les connaissances ont beaucoup évolué depuis vingt ans. Désormais, nous comprenons mieux ce qui a créé notre mentalité, nos émotions, notre prise de conscience... Durant les deux dernières décennies, nous avons énormément appris sur l’intelligence et l’adaptabilité de nos ancêtres face à la nature et face à l’autre. Nous avons voulu réaliser cette mise à jour en Asie, dont la préhistoire est méconnue. Ce vaste territoire qui s’étend des steppes sibériennes au nord, aux forêts tropicales au sud, représente un formidable terrain de jeu pour un réalisateur. C’est aussi une région qui a accueilli le stégodon, l’ancêtre de l’éléphant, et le gigantopithèque, celui du gorille. Alors que rêver de mieux ?

 

Le paléontologue Yves Coppens, décédé il y a deux ans, vous a de nouveau aidé à développer ce film. Quel était son rôle ?

Jacques Malaterre : Yves Coppens me tenait informé des dernières évolutions scientifiques sur le sujet, notamment de thèses qui sont en cours de confirmation et n’ont pas encore été publiquement révélées. Ensemble, nous avons dressé un état des lieux des avancées en la matière, pour définir ce que nous allions raconter et la façon dont le film serait découpé. Comme il aimait à le répéter, il laissait ensuite la main aux « saltimbanques ». (Rires.) Il me disait : « Va rêver la petite histoire qui racontera la grande. Parce que nous, la science nous l’interdit… » Alors je réalisais mon film et je ramenais ma copie à Yves [Coppens], qui la corrigeait et validait ce que nous pouvions faire ou non. Quitte à me demander d’aller plus loin parfois. Yves [Coppens] était un scientifique rock’n’roll !

Les Derniers secrets de l’humanité est une coproduction franco-chinoise. Comment est née cette collaboration avec la Chine ?

Victor Robert : C’est une production ambitieuse qui nécessitait, dès le départ, de se lancer dans une coproduction internationale. Comme nous allions parler de la grotte de Zhoukoudian, qui a hébergé le fameux « Homme de Pékin », nous avons approché les chaînes chinoises et surtout China Media Group, le groupe audiovisuel public national. Il a fallu apprendre à travailler ensemble, à leur rythme. Nous étions en pleine pandémie de covid-19. Jacques Malaterre devait partir sur place avec une quarantaine de personnes. Finalement, il est parti seul ! Il a tourné le film entre deux confinements, en 37 jours, courant 2021. Je crois que ce fut d’ailleurs l’un des seuls films tournés en Chine cette année-là.

Comment s’est déroulé le tournage en Chine ?

Victor Robert : Tout a été filmé sur place. Les équipes et les acteurs sont chinois. Jacques [Malaterre] les a recrutés en lançant un casting dans la rue mais aussi dans les écoles de cirque... Il a également aidé à dessiner les costumes, les masques, etc. Il a été épaulé par la productrice française Natacha Devillers, qui vit depuis dix-sept ans en Chine. Seule la postproduction des effets numériques sur les animaux a été réalisée en France.

Comme il aimait à le répéter, [Yves Coppens] laissait ensuite la main aux « saltimbanques ». (Rires.) Il me disait : « Va rêver la petite histoire qui racontera la grande. Parce que nous, la science nous l’interdit…»
Jacques Malaterre
Réalisateur


Jacques Malaterre : J’ai bénéficié d’une grande liberté de tournage. Le seul sujet qui a fait débat, c’est celui de la nudité. Nous en avons discuté et finalement les autorités chinoises m’ont dit : « C’est vous le réalisateur, c’est vous qui décidez ! » Sur le tournage, nous sommes passés au début par des traducteurs. Mais après trois mois de répétitions, nous n’avions plus besoin de se parler. Nous nous comprenions simplement en nous regardant.

Victor Robert : Il y a eu un vrai dialogue et aucune censure. Nous avons pu échanger avec les paléontologues chinois, qui ont donné leur avis sur notre scénario, nous demandant parfois d’être un peu plus prudents sur ce que nous avancions. Nous avons réalisé un film à caractère universel, qui a même plutôt facilité les relations entre les deux pays. Certes, des sujets de discorde existent entre la France et la Chine, mais sur ce projet-là, nous étions sur la même longueur d’onde. Il s’agit avant tout d’une histoire d’humanité. Nous envisageons par ailleurs une sortie cinéma en Chine, orchestrée par les Chinois eux-mêmes.

Où avez-vous tourné ?

Victor Robert : Nous avons filmé sur l’île tropicale de Hainan, qui abrite notamment la base de lancement spatiale chinoise. Nous avons également tourné les paysages enneigés et les steppes dans une région du nord de la Chine proche de la frontière avec la Mongolie. Et enfin, nous avons été filmer les séquences qui se déroulent au pôle Nord, en studio à Hengdian, une ville de cinéma à l’est de Pékin.

Ce film est une production ambitieuse, qui nécessitait dès le départ de se lancer dans une coproduction internationale. [Jacques Malaterre] a été épaulé par la productrice française Natacha Devillers, qui vit depuis dix-sept ans en Chine.
Victor Robert
Producteur


Pour la voix off, vous avez fait appel à l’acteur Nicolas Duvauchelle. Comment s’est déroulée votre collaboration ?

Jacques Malaterre : Nicolas Duvauchelle a réalisé un énorme travail. Nous parlons de trois jours entiers de doublage, qui demandent beaucoup de précision. Une première pour lui comme ce fut le cas aussi à l’époque pour Charles Berling, la voix off de L’Odyssée de l’espèce. D’autant que Nicolas [Duvauchelle] n’était pas familier de la paléontologie. Tout comme moi quand je me suis attaqué à L’Odyssée de l’espèce. (Rires.)

Victor Robert : Ce travail de narration et le recours aux effets spéciaux explique en grande partie pourquoi Les Derniers secrets de l’humanité est avant tout une fiction du point de vue de la production. Nous avons bénéficié d’un budget de 6 millions d’euros, qui a permis de développer le format hybride du film et de recourir aux effets spéciaux.

La fin du film livre un message écologique sur l’évolution de l’Homme aujourd’hui. Qu’avez-vous cherché à dire ?

Jacques Malaterre : L’écologie était un sujet intrinsèque à l’Homme pendant deux millions d’années. Le film montre qu’il y a eu huit autres espèces humaines en Chine, qui ont toutes disparu ! L’Homo sapiens n’est pas immortel comme toute autre espèce d’ailleurs. Comme le dit le proverbe africain, auquel tenait beaucoup Yves Coppens : « Quand tu ne sais plus où tu vas, arrête-toi, retourne-toi et regarde d’où tu viens. »
 

Les Derniers secrets de l’humanité

Affiche de « Les Derniers secrets de l'humanité » réalisé par Jacques Malaterre
Les Derniers secrets de l’humanité 10.7 Productions / France Télévisions

Diffusé le mardi 16 avril 2024 à 21h10 sur France 2
Réalisation : Jacques Malaterre
Scénario : Jacques Malaterre et Yves Coppens
Musique : Olivier Perrot, Timothée Pedron et Kiran Dahan
Montage : Sébastien Perez Pezzani
Narration : Nicolas Duvauchelle
Production : Victor Robert (10.7 Productions)
Coproduction : China Media Group, avec la participation de France Télévisions

Soutien du CNC : Fonds de soutien audiovisuel (FSA)