« Fulgurée – Quand la foudre ne tue pas » : la série documentaire qui lève le voile sur un phénomène méconnu

« Fulgurée – Quand la foudre ne tue pas » : la série documentaire qui lève le voile sur un phénomène méconnu

17 juin 2025
Séries et TV
« Fulgurée – Quand la foudre ne tue pas » réalisée par Émilie Grall et Mickaël Royer
« Fulgurée – Quand la foudre ne tue pas » réalisée par Émilie Grall et Mickaël Royer Zadig Productions

Ils ont survécu à la foudre, mais leur vie n’a plus jamais été la même. Dans Fulgurée – Quand la foudre ne tue pas, diffusée sur Planète+, les réalisateurs Émilie Grall et Mickaël Royer donnent la parole à 14 rescapés d’un orage survenu en 2017 à Azerailles, en Meurthe-et-Moselle. Sélectionné en compétition à Canneseries, ce documentaire prend la forme d’un récit intime afin de mieux comprendre ces « troubles retardés », phénomène médical encore difficile à cerner. Le duo nous explique comment il a su éviter l’écueil du sensationnalisme pour aborder cette histoire teintée de foudre et de mystère.


Qu’est-ce qui se cache derrière le terme de « fulguré » ?

Émilie Grall : Je dois dire que nous ne le connaissions pas du tout, nous l’avons découvert en enquêtant sur le sujet. Mais il est important : le « foudroyé », c’est quelqu’un qui meurt frappé par la foudre. Le « fulguré », lui, survit à la foudre. Et contrairement aux idées reçues, il existe beaucoup plus de fulgurés que de foudroyés. C’est difficile d’avoir des chiffres précis, mais on estime que 80 % des personnes touchées par la foudre survivent, et sont donc « fulgurées ».

Il fallait absolument éviter le piège du sensationnalisme. Le sensationnel, c’est une forme de paresse, où l’on cède à des effets faciles, déjà vus, et souvent peu pertinents pour l’histoire que nous voulons raconter. Il faut constamment lutter contre ces automatismes, jusqu’au montage.
Mickaël Royer

Comment avez-vous entendu parler des fulgurés d’Azerailles, ces 14 personnes qui ont survécu à la foudre en Meurthe-et-Moselle en 2017 ?

Émilie Grall : Nous avons découvert cette histoire dans un article du Monde en 2018, puis dans une série documentaire audio réalisée par France Culture quelques mois plus tard. Nous étions en 2021, quatre ans après l’accident, et nous nous sommes dit qu’il serait intéressant de reprendre contact avec ces personnes, pour découvrir ce qu’il s’était passé depuis. Nous avons contacté le médecin, Rémi Foussat, qui dirigeait l’étude sur ces « patients ». Nous avons beaucoup échangé avec lui sur ce que nous voulions raconter avec cette série. Ce qui est fascinant, au départ, c’est l’absence de réponse scientifique et médicale aux divers symptômes que développent les fulgurés. Ensuite, nous nous sommes penchés sur leur mal-être, cette forme de double peine : leur corps et leur cerveau ont été transformés, et en même temps ils ont reçu très peu de soutien de la part du corps médical comme de leurs proches qui ne comprennent pas ce qu’ils vivent. Ce sujet navigue entre la science et la croyance. La recherche avance, mais nous n’avons pas encore toutes les réponses. Et ça, c’est passionnant.

 

Sous quel angle avez-vous choisi de traiter cette histoire ?

Mickaël Royer : Au départ, nous voulions expliquer le phénomène de manière générale, ses ressorts médicaux et scientifiques. Mais nous avons changé de cap nous avons choisi une approche plus intime. Nous avons décidé de suivre une fulgurée en particulier, pour incarner la série. Ce qui est passionnant, c’est qu’ils ne parviennent pas à expliquer ce qu’ils ont en eux. Et dans cette absence d’explication, il y a une situation de profondément universelle. Cette voie narrative s’est imposée à nous.

Comment avez-vous établi le lien de confiance avec les fulgurés ?

Émilie Grall : Ça a été délicat, parce qu’à l’époque, les 14 survivants avaient été très malmenés par les médias. Ils avaient été présentés comme des bêtes curieuses, ce qui a été très douloureux pour eux. Mais notre approche humaniste, sans sensationnalisme, les a rassurés. Ce travail n’a pas été simple, mais la majorité d’entre eux avait besoin de cette reconnaissance, de cette écoute, pour faire avancer la situation.

Quels sont les défis que vous avez rencontrés pour écrire cette série ?

Mickaël Royer : Il fallait absolument éviter le piège du sensationnalisme. Et ça commence dès l’écriture. C’est une vraie bataille intérieure. Le sensationnel, c’est une forme de paresse, où l’on cède à des effets faciles, déjà vus, et souvent peu pertinents pour l’histoire que nous voulons raconter. Il faut constamment lutter contre ces automatismes, jusqu’au montage. Nous étions sur un fil, parce que tous les ingrédients – la foudre, des effets inconnus, du mystère – pouvaient nous faire tomber dans la caricature. Il fallait résister.

Quel parti pris visuel aviez-vous en tête pour traduire à l’image cette expérience hors du commun ?

Mickaël Royer : Curieusement, la mise en scène était plus simple. Nous nous sommes fixés des règles claires. Par exemple, nous n’avons jamais fait apparaître en interview quelqu’un qui n’est pas présent dans la séquence en cours. Pas d’adresses directes à la caméra non plus. C’est vraiment l’anti-code du reportage sensationnaliste. Nous avons établi des règles précises que nous avons essayé de garder pour faire une œuvre au présent, et non pas ancrée dans le passé, qui reviendrait sur leurs sept années de combat et de souffrance.

Pourquoi avoir choisi le format sériel ?

Mickaël Royer : La série nous permettait de découper le récit. Les épisodes aident à séquencer l’histoire, pour l’arrêter et la reprendre à différents points. Nous pouvions clore des chapitres de manière plus nette. Ça nous a permis, par exemple, de consacrer un épisode majoritairement au passé, puis deux autres entièrement dans le présent.

Ils se sont réapproprié leur récit, et je crois que cette série ne nous appartient plus.
Émilie Grall

Sur le fond, qu’apporte la série d’un point de vue scientifique ?

Émilie Grall : La première intention de la série était de révéler ces pathologies au grand public. Et de montrer que, dans le contexte du dérèglement climatique et des orages de plus en plus violents, ces cas risquent de se multiplier. Il y aura fatalement plus de fulgurés à l’avenir. La série permet d’expliquer que même après avoir survécu, il peut y avoir ce qui est appelé des troubles retardés et qu’il est possible de se faire accompagner. Mais au-delà de cela, ce phénomène fait écho à toutes les maladies invisibles, aux troubles psychiques. Il faut prendre ces souffrances au sérieux. Heureusement, la société évolue : nous tendons de plus en plus à croire les victimes, même quand les symptômes ne sont pas visibles.

Comment les fulgurés ont-ils réagi en découvrant la série ?

Émilie Grall : Il y avait une vraie attente de leur part, et ça s’est très bien passé. Lors de la projection, nous étions au fond de la salle, Mickaël et moi, et nous avons senti que cette série était devenue leur film, leur histoire. Nous avons complètement disparu de l’équation. Ils se sont réapproprié leur récit, et je crois que cette série ne nous appartient plus, d’une certaine manière. C’est la plus belle reconnaissance pour nous. Elle est devenue un objet cathartique, qui leur a fait énormément de bien. Le tournage et aujourd’hui la diffusion ont libéré des choses chez eux.
 

Fulgurée – Quand la foudre ne tue pas

Affiche de « Fulgurée – Quand la foudre ne tue pas »
Fulgurée – Quand la foudre ne tue pas Planète+

Série documentaire de 3 épisodes de 30 minutes
Sur Planète+ depuis le 2 juin 2025
Réalisée par Émilie Grall et Mickaël Royer
Produite par Zadig Productions

La série a bénéficié du Fonds de soutien audiovisuel du CNC.