Nicolas Saada : « Thanksgiving, c’est Hitchcock chez Sautet »

Nicolas Saada : « Thanksgiving, c’est Hitchcock chez Sautet »

26 février 2019
Séries et TV
Thanksgiving
Thanksgiving Thibault Grabherr - DR

Portrait d’un couple franco-américain miné par des soupçons d’espionnage, la série Thanksgiving d’Arte (diffusée jeudi 28 février) permet à Nicolas Saada de creuser le sillon de son beau film, Espion(s).


Comment êtes-vous arrivé sur ce projet ?

Le producteur Claude Chelli (Braquo, Versailles) m’a contacté car il voulait travailler avec moi sur le thème de l’espionnage. Un univers que j’avais abordé dans mon court métrage, Les Parallèles, et dans mon premier long, Espion(s). Nous nous sommes rencontrés et sommes partis sur l’idée de parler du couple et des rapports franco-américains, le tout saupoudré d’espionnage industriel. J’avais en tête la série de Bergman, Scènes de la vie conjugale, dans laquelle j’avais envie d’injecter du thriller. Nous avons ensuite démarché Arte, qui a été séduite par le projet.

À l’origine, il était question d’un 6x52 minutes.

Exactement. Avec Claude, nous avions prévu de faire une première saison à six épisodes. Puis, petit à petit, en discutant avec les chargés de programmation d’Arte, nous sommes allés vers un 3x52 minutes, format que la chaîne affectionne - elle projette les trois épisodes d’un coup, ce qui plaît à son public.

Pour ce passage au 3x52, avez-vous dû modifier votre bible d’écriture ?

Avec Claude et ma coscénariste Anne-Louise Trividic, nous voulions décrire un couple déchiré par le soupçon. Ce thème, une fois bien identifié, était déclinable en 6x52, en 3x52, voire en un téléfilm. Le format ne posait aucun problème.

2h40, c’est la durée presque normale de certains long métrages. Vous êtes-vous dit en tournant Thanksgiving que vous réalisiez un film ?

Surtout pas. La direction des programmes d’Arte m’avait bien spécifié de respecter certaines règles narratives, comme le cliffhanger à chaque fin d’épisode. Je me suis bien rendu compte, lors de la projection en avant-première au Festival de Luchon des deux premiers épisodes, que le public était impatient de connaître la suite. Ça, c’est typique de la télévision. Je remarque néanmoins que le cinéma a adopté ce rythme sériel. Dans les blockbusters Marvel, qui durent en effet plus de deux heures, il y a presque une construction en épisodes, avec pratiquement cinq mouvements narratifs en un film.

Quelles nouvelles questions vous êtes-vous posé pendant le tournage ?

Je réfléchissais en permanence au montage car nous devions livrer les trois épisodes deux mois après la fin du tournage. Nous montions donc en parallèle. Je ne voulais surtout pas perdre de vue que j’avais un style et que je voulais l’affirmer avec cette série. Avec mon chef opérateur, Léo Hinstin, nous avons établi comme principe de découper très soigneusement chaque séquence en amont, d’avoir une stratégie pour chacune d’elles. On a essayé de privilégier la qualité à la quantité.

Stylistiquement, la série s’inscrit dans la lignée de Taj Mahal avec ses décors dépouillés et ses tons monochromes.

Je ne bénéficiais pas d’un gros budget, on a donc décidé de dégraisser, d’épurer au maximum. Ça collait bien avec l’homogénéité visuelle recherchée. Pendant le tournage, ma scripte m’a dit que je faisais non pas du Hitchcock chez Bergman, mais du Hitchcock chez Sautet. Ça définit assez bien le projet. En entendant le léger accent américain d’Evelyne Brochu, je me suis d’ailleurs rendu compte que, s’il me plaît autant, c’est parce qu’il me renvoyait à mes souvenirs de Romy Schneider chez Sautet.