Thierry Robert : « Avec la télévision, on touche un public différent et bien plus large »

Thierry Robert : « Avec la télévision, on touche un public différent et bien plus large »

02 décembre 2022
Séries et TV
Cyril Dion dans « Un monde nouveau ».
Cyril Dion dans « Un monde nouveau ». Arte

Dans Un monde nouveau, documentaire en trois parties sur la crise climatique, Cyril Dion part à la rencontre de celles et ceux qui proposent des solutions pour régénérer notre planète. Thierry Robert, le réalisateur, raconte la façon dont a été conçue cette série engagée et engageante en ligne sur Arte.tv. Entretien.


Comment avez-vous organisé le tournage de cette série autour du monde ?

On a tout fait pour limiter nos déplacements au maximum. Par exemple, on a tourné 5 séquences en Australie, et même si ça a été très compliqué à mettre en œuvre, on a tout regroupé en un seul voyage. On partait seulement à deux, Cyril (Dion) et moi, accompagnés d’un chef opérateur et sur place, on se trouvait un ingénieur du son par exemple. Et surtout, 20 ou 25 % de la série ont été tournés totalement par des équipes locales ! J’avais pas mal de contacts un peu partout sur la planète grâce à mes précédents films. On a donc utilisé des fixeurs dans la plupart des pays. On a monté des équipes à qui j’ai transmis une sorte de bible à suivre, un carnet artistique et technique très pointu traduit en plusieurs langues. Les gens avaient des consignes très précises sur la manière de réaliser les séquences, dans quelle optique, avec quelle lumière etc. Quand on a interviewé l’ancien président de l’Uruguay, José Mujica, on était en streaming depuis Paris, mais des équipes se trouvaient sur place pour le filmer. On a mis en place des processus nouveaux, à cause du Covid-19 et de notre sujet, évidemment. À l’arrivée, je suis très content du résultat. On ne voit pas la différence, séquence après séquence. On ne se doute pas que des équipes locales ont tourné ici ou là. La série demeure homogène.

On a tout fait pour limiter nos déplacements au maximum. […] 20 ou 25 % de la série ont été tournés totalement par des équipes locales !

De quelle manière avez-vous pensé la réalisation d’Un monde nouveau ?

Le projet est parti d’un premier jet de scénario que Cyril (Dion) avait écrit avec Valérie Rossellini. Ils voulaient réaliser une série en cinq épisodes. Arte a demandé de réduire à trois, alors on a rééquilibré et on a réorganisé les scripts. J’ai proposé qu’on installe dans la narration une cabane en Ardèche, qui est le point de retranchement de Cyril et qui nous sert à lancer ou à clôturer chaque séquence. Cyril est finalement assez peu filmé sur le terrain. On a essayé de tester des choses différentes et surprenantes, comme lorsqu’il interviewe l’auteur David Wallace-Wells à travers une tablette, dans un taxi à New York... Tout ça en ayant en tête de faire un film qui respecte une certaine neutralité carbone.

Qu’est-ce qui a motivé l’écriture de cette série ?

Cela fait des années que Cyril (Dion) avait envie de réaliser une telle série. Avec la télévision, on touche un public différent et bien plus large. La preuve : depuis qu’Un monde nouveau est en ligne sur Arte.tv, on est à deux millions de visionnages ! Et il y avait aussi l’idée de proposer un plan aux gens. Pas forcément LE plan, le seul et l’unique. On n’a pas cette prétention. Mais par contre, on voulait être capable de présenter un grand plan aux gens, auxquels chacun serait capable de s’identifier. Que les gens aient envie de l’adopter ou l’adapter à leurs conditions de vie. Et les retours qu’on a aujourd’hui nous donnent raison.


Comment filmer un tel sujet sans réaliser un documentaire trop anxiogène ?

Je ne trouve pas que la série soit anxiogène. C’est vrai que le premier épisode est tendu. Les premières minutes sont très intenses, mais c’est aussi un choix de réalisation. Dans la troisième partie, on est déjà dans la proposition. Et puis je trouve que mettre en avant tous ces gens qui s’engagent, tous ces activistes, cela donne énormément d’espoir. Les gens se posent des questions, cherchent des réponses et on essaye de leur suggérer des pistes de réflexion et d’action. Cela étant, on ne parle pas d’un retour en arrière, d’une décroissance à marche forcée, mais il va bien falloir s’adapter à tous les changements profonds que notre monde est en train de subir.

On a utilisé des fixeurs dans la plupart des pays. On a monté des équipes à qui j’ai transmis une sorte de bible à suivre, un carnet artistique et technique très pointu traduit en plusieurs langues.

Chaque dixième de degré va compter. En matière de réchauffement climatique, on sait que l’objectif de 1,5° d’augmentation en France n’est pas atteignable. On est plutôt sur une tendance à 1,7. D’ici 2050, on aura forcément dépassé les deux degrés. Mais ce qu’explique dans la série Christophe Cassou – climatologue et coauteur du dernier rapport du Giec – c’est que tout ça est proportionnel. Si l’on atteint 2,5° et pas 2°, ce ne sera pas la même mayonnaise ! Si jamais on laisse filer ces quelques dixièmes de points, on risque la très grosse tragédie. Pour la Terre, mais surtout pour la civilisation humaine ! Avec la série, on essaye d’alerter. On ne dit pas qu’on doit ralentir le train lancé à toute allure dans lequel on se trouve. On propose de changer de train. De changer nos modes de vie, notre façon de penser. C’est là où notre proposition de Monde nouveau est assez radicale.
 

Ce Monde nouveau dont vous parlez se rapproche-t-il de celui proposé par l’auteur Paul Hawken dans la série ?

Oui, en grande partie. Un monde où les choses sont régénérées. Un monde de justice sociale. Un monde avec une véritable démocratie. C’est exactement ce monde-là que nous prônons.

On ne dit pas qu’on doit ralentir le train lancé à toute allure dans lequel on se trouve. On propose de changer de train.

Vous avez voyagé dans une quinzaine de pays pour réaliser cette série documentaire. Quelle expérience humaine en avez-vous gardée ?

Ce que je veux retenir surtout, c’est la grande qualité des interlocuteurs que nous sommes allés interroger... D’autant que cela s’est fait pendant une période où le monde entier était confiné à cause de la crise sanitaire.

Un monde nouveau – série documentaire en 3 épisodes de 52 minutes

Écrite et racontée par Cyril Dion
Réalisée par Thierry Robert
Avec la collaboration de Valérie Rossellini
Coproduction : ARTE France, Galaxie Presse, Le Cinquième rêve
Sur arte.tv jusqu’au 13/05/2023

Soutiens du CNC : Fonds de soutien audiovisuel (FSA)