50 ans du MLF : le mouvement féministe raconté au cinéma

50 ans du MLF : le mouvement féministe raconté au cinéma

26 août 2020
Cinéma
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La Belle Saison de Catherine Corsini
La Belle Saison de Catherine Corsini CHAZ Productions - France 3 Cinéma - Artémis Productions - Pyramide Distribution
Il y a 50 ans, le 26 août 1970, un groupe d'une dizaine de femmes dépose sous l’Arc de triomphe, à Paris, une gerbe de fleurs « à la femme du Soldat inconnu ». C’était la première action médiatique du Mouvement de libération des femmes. Voici cinq films qui ont évoqué le mouvement féministe.

L’Une chante, l’autre pas d’Agnès Varda (1977)

Qualifié par sa réalisatrice de « musical féministe », L’Une chante, l’autre pas suit le parcours de deux jeunes filles entre 1962 et 1976. Suzanne (Thérèse Liotard) s’occupe de ses deux enfants, Pauline (Valérie Mairesse) rêve de devenir chanteuse. A travers l’amitié de Pauline (devenue Pomme) et Suzanne, Agnès Varda retrace quinze ans de combats féministes : sur l’avortement, le droit de disposer de son corps, le consentement, la charge mentale des mères. En arrière-plan, elle reconstitue des moments jalons de l’Histoire des femmes comme les manifestations du MLF ou le procès de Bobigny en 1972. L’avocate Gisèle Halimi, décédée le 28 juillet dernier, interprète d’ailleurs son propre rôle. Si Agnès Varda nous propose un féminisme joyeux qui met en avant la solidarité entre les femmes - Suzanne par exemple va travailler au Planning Familial pour aider celles qui, plus jeunes, cherchent à avorter- les problématiques évoquées dans le film sont toujours d’actualité… "Ni cocotte, ni popote, ni falote. Je suis femme, je suis moi...", chante Pomme.

 

 

Debout ! de Carole Roussopoulos (1999)

Debout ! Une histoire du mouvement de libération des femmes est un documentaire qui rend hommage aux femmes qui ont créé et porté le MLF. Carole Roussopoulos (1945-2009), pionnière de la vidéo en France, a filmé les combats des femmes des années 1970. En 1982, elle a fondé avec Delphine Seyrig et Ioana Wieder, le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir, premier centre d’archives audiovisuelles consacré à l’histoire et à la mémoire des femmes.
C’est en voyant s’éteindre autour d’elles des femmes ayant lutté pour les droits des femmes et en constatant l’éparpillement et la dégradation des archives audiovisuelles sur le mouvement féministe, que Carole Roussopoulos s’est lancée dans un grand projet sur l’histoire du MLF. Dans Debout !, ses images d’archives accompagnées d’entretiens face caméra des « militantes » offrent un magnifique récit de ce qu’étaient les débuts du Mouvement. Carole Roussopoulos emprunte son titre à l'hymne du MLF "Levons nous femmes esclaves. Debout !" qui résonne dans les images. Le film fut récompensé dans de nombreux festivals ; il obtint notamment le Prix du Public au Festival International de films de Femmes de Créteil en 2000. Un documentaire à ranger dans les documents historiques.

Le Procès de Bobigny de François Luciani (2006)

En avril 1971, 343 Françaises déclarent “Je me suis fait avorter”, s'exposant alors à des poursuites pénales - l’avortement étant illégal en France à l’époque. Leur action vise à dénoncer une loi qu’elles jugent inique. Mais c’est un procès contre une mineure et sa mère qui sera le déclencheur de la loi Veil (1974) qui fait entrer l’IVG (interruption volontaire de grossesse) dans le droit français. C’est une des plus grandes victoires du MLF. François Luciani retrace dans cet unitaire télé diffusé en 2006 sur France 2 le fameux procès de Bobigny où Gisèle Halimi - Anouk Grinberg - défend la jeune Marie-Claire (renommée Léa dans la fiction) accusée d’avortement clandestin. Elle a 16 ans et s’est faite avorter à la suite d’un viol ; sa mère - interprétée par Sandrine Bonnaire - la soutient. Ce procès marque d’une pierre blanche l’histoire des femmes.

 

Je ne suis pas féministe mais… de Florence Tissot et Sylvie Tissot (2015)

Cette phrase « Je ne suis pas féministe mais… » est comme un rituel que beaucoup de femmes ont utilisé pour exprimer leur désir d’égalité. Christine Delphy l’utilise et la met en avant, en 1985, dans une émission de télé alors qu’elle est invitée avec Simone de Beauvoir à parler de la cause des femmes. C’est également par cette phrase d’apparence anodine, mais qui révèle la douleur d’un combat stigmatisé, que Florence et Sylvie Tissot ont choisi d’ouvrir leur portrait sans concession de Christine Delphy, théoricienne féministe, militante et fondatrice du MLF. Mêlant entretiens filmés et images d’archives, ce documentaire retrace sa vie et ses combats contre l’homophobie, le racisme… Je ne suis pas féministe, mais… est édité en coffret DVD avec un livret d’introduction à la pensée de Christine Delphy ainsi que de nombreux bonus, dont les rushes inédits de Debout! de Carole Roussopoulos (1999).


 

La Belle saison de Catherine Corsini (2015)

Catherine Corsini rend ici hommage aux féministes des années 1970 à travers les destins croisés de deux femmes. Delphine (Izïa Higelin) est fille de paysans, et se rêve à la tête de sa propre exploitation. Carole (Cécile de France) est une militante parisienne. A travers leur histoire d’amour, c’est le combat de pionnières que Catherine Corsini décrit dans La Belle Saison. « Elles ont souvent été vilipendées, traitées de mal baisées... expliquait la cinéaste à Claire Vassé au moment de la sortie. Moi-même je n’ai pas été une très grande féministe pendant des années, je n’étais pas loin de partager cette image d’elles. Mais, je me suis vite rendu compte que beaucoup des acquis sur lesquels je vis aujourd’hui, on les devait à ces femmes qui se sont battues, engagées. » Catherine Corsini se documente grâce aux archives de Carole Roussopoulos. Les films militants qu’elle a coréalisés avec Delphine Seyrig sont notamment une de ses sources d’inspiration et la raison pour laquelle ses héroïnes se prénomment Carole et Delphine. Elle interviewe des féministes comme Catherine Deudon, Anne Zelensky et Cathy Bernheim pour nourrir sa fiction. Et pour la cinéaste, parler du MLF aujourd’hui reste d’actualité. « Les femmes doivent se mobiliser car elles restent les premières victimes des états autoritaires. Elles sont toujours des opprimées. »