Alexandre Gavras : "Il y a une richesse incroyable en France !"

Alexandre Gavras : "Il y a une richesse incroyable en France !"

21 février 2019
Alexandre Gavras
Alexandre Gavras CNC

Le producteur de Jusqu’à la garde est membre du 1er collège des aides à l’écriture et au développement de la commission « Images de la diversité » au sein du CNC. Il est également un des jurés du concours « Jeunes Talents »  en association avec France TV, destiné aux auteurs et réalisateurs de courts métrages mettant en valeur la diversité, dont les résultats seront annoncés vendredi 22 février. Entretien.


Comment avez-vous intégré la commission « Images de la diversité » du CNC ?

Grâce à Valentine Roulet du service de la création du CNC. Nous nous sommes rencontrés lors d’un festival de court métrage à Grenoble. Je présentais le film Avant que de tout perdre de Xavier Legrand qui a inspiré son long métrage Jusqu’à la garde, que j’ai également produit. Valentine était venue me voir à l’issue d’une projection et m’a tout de suite proposé d’intégrer la commission du court métrage. Dans ce cadre, j’ai accompagné beaucoup de projets qui avaient bénéficié de l’aide à la réécriture. Je devais m’assurer le réalisateur qui a bénéficié d’une bourse ne parte pas dans tous les sens et ne s’éloigne pas trop des recommandations de la commission. Valentine m’a ensuite rappelé pour que j’intègre cette fois la commission Images de la diversité, qui est aussi un vivier de jeunes auteurs…  

A quoi ressemble cette diversité que la commission doit défendre ?

Elle a par essence plusieurs visages. C’est sa force. L’idée c’est de dénicher des jeunes talents qui n’ont pas forcément accès aux financements parce qu’ils ne viennent pas des filières dites classiques. Beaucoup de ces auteurs viennent des quartiers dits difficiles et ils n’ont pas forcément les clefs pour présenter et valoriser un projet. Sans cette commission, notre cinéma se priverait de sujets détonants qui vont à l’encontre de certaines normes mais aussi d’auteurs dotés d’une énergie débordante. Toutes les formes d’expressions sont défendues : documentaires, courts, longs métrages, jeux vidéo, réalité virtuelle… Un des fondements de cette commission, c’est de porter cet éclectisme.

Y a-t-il néanmoins des profils types qui émergent ?

Le système du CNC est très égalitaire, tout le monde peut présenter un projet avec la certitude qu’il sera lu et défendu quels que soient son origine, son sujet, son cadre, sa forme... Pour le court métrage, je sais que les membres reçoivent près de 250 projets à chaque commission. Dans la plupart des cas, les auteurs n’avaient jamais écrit auparavant.  Le CNC leur propose des accompagnements sous la forme de mini-conférences pour les guider dans leurs démarches mais aussi les informer des différentes aides auxquelles ils peuvent avoir droit… En ce qui concerne la commission de la diversité, les auteurs sont pour la plupart issus des quartiers populaires qui représentent un fort mélange culturel… Il faut défendre cette mixité. Les jeunes auteurs ne sont pas au final si nombreux. Il est donc plus facile de les identifier et de les aider à émerger. Il y a aussi des auteurs confirmés comme Raoul Peck et son projet autour de Frantz Fanon, le philosophe martiniquais très impliqué dans la lutte de l’indépendance de l’Algérie.

Quels sont les thèmes les plus souvent abordés dans cette commission ?

Je précise ici que les auteurs ne sont pas uniquement issus des quartiers difficiles mais peuvent aussi venir de la Réunion, des Antilles… On a lu récemment un très beau projet autour d’une fille métisse, élevée dans une famille blanche qui essaie de retrouver son père et donc ses racines… Les problématiques les plus souvent abordées sont la vie dans les quartiers difficiles mais aussi le sort des réfugiés, des migrants…

Comment se déroulent les débats au sein de la commission ?

Vifs et toujours très cordiaux. Chacun essaie  de défendre les projets qui lui tiennent à cœur mais il y a tout de même des évidences, des projets qui par leur originalité, leur solidité, s’imposent d’emblée.

Ressentez-vous une évolution depuis que vous siégez à cette commission ?

Il y a une richesse incroyable en France et c’est ce que s’efforce de révéler cette commission d’années en années. Il faut aller chercher les talents là où l’on ne va pas forcément les trouver d’habitude. On voit déjà émerger des forces qui feront le cinéma de demain. Plus le cinéma français sera pluriel, plus il sera riche et fort.

Vous allez élire des projets lors du concours « Jeunes Talents ». C’est la suite logique de votre travail au sein de la commission ?

Absolument. En commission nous sommes au tout départ des projets. Ils sont vraiment à l’état embryonnaire. Dans le cadre du concours, il est intéressant de voir des films terminés et ainsi d’évaluer la façon dont des auteurs ont concrétisé leurs désirs avec une caméra.