Comment la Maison du Film accompagne les jeunes talents

Comment la Maison du Film accompagne les jeunes talents

26 mars 2024
Cinéma
maisondufilm
Cccérémonie des "LABELS", l'un des dispositifs de la Maison du film La Maison du film

Créée en 1987, cette association de loi 1901 a pour objectif de repérer, conseiller et accompagner la création cinématographique émergente. Richard Sidi, le délégué général, et Daniel Cohen, en charge du développement de la structure, en détaillent les actions.


Depuis bientôt quarante ans, la Maison du film soutient les talents émergents. Elle compte aujourd’hui plus de 1 400 adhérents à travers le pays. Yann Gonzales, Maïmouna Doucouré, Fanny Liatard, mais aussi Jérémy Trouilh ont bénéficié de son appui. Parmi les dispositifs qu’elle propose, notons, entre autres, le programme « L’autoprod’ », qui met en avant des films autoproduits, la résidence « Trio », dédiée à la musique de films, ou encore les « LABELS de la Maison du Film », qui récompensent chaque année les créations les plus originales de leurs adhérents. De l’écriture à la réalisation, en passant par la composition musicale et la production, la structure accompagne tous les métiers du septième art.

En quoi consistent vos missions ?

Richard Sidi : Nous jouons d’abord un rôle de conseil auprès des jeunes professionnels. Pour cela, nous proposons des rendez-vous individuels dans nos locaux, des ateliers d’orientation thématiques pour les accompagner dans la présentation d’un dossier de court métrage ou encore les éclairer sur le fonctionnement des aides du CNC. Nous invitons aussi des organismes comme Unifrance ou des institutions à l’image du CNC justement, qui viennent se présenter lors de rencontres mensuelles que nous appelons « La matinale ». La plupart de ces rendez-vous peuvent être suivis à distance.

Daniel Cohen : Notre but est d’accompagner la professionnalisation de nos adhérents et de les préparer au mieux à appréhender le secteur du cinéma. Nous rencontrons très souvent des auteurs qui sont intimidés à l’idée de parler à un producteur. Il faut les aider à prendre confiance en eux. Ils doivent envisager la rencontre professionnelle non plus comme un rapport de subordination mais au contraire comme un échange d’égal à égal.

R.S : En effet, on ne s’adresse pas à un producteur, à un scénariste ou à un compositeur de la même façon. C’est un apprentissage, qui nécessite de la pédagogie, du mentorat.

 

Concrètement, comment accompagnez-vous vos adhérents ?

R.S : Nous les aidons à parfaire leur projet et à développer leur carrière. Surtout, nous nous adaptons au niveau et aux besoins de chacun. Tout ce travail passe notamment par des rencontres avec les professionnels, des sessions de pitch. Prenons l’exemple des compositeurs, nous les formons spécifiquement à prendre la parole en public et à sonder les attentes et les problématiques musicales des auteurs et des producteurs. Notre programme « Crescendo », leur offre aussi l’opportunité de présenter leurs parcours et leurs travaux aux professionnels. Par ailleurs, nous venons de lancer un nouveau dispositif à destination cette fois des équipes de production de long métrage : le concours « Mon film dans un camion », créé en partenariat avec Transpa, groupe de location de matériel de tournage. L’équipe lauréate va bénéficier d’un mois de location gratuite de matériel. [Peut candidater au concours tout porteur d’un projet de premier long métrage disposant d’un accord avec une société de production identifiée auprès du CNC ayant acquis les droits du projet – ndlr] En parallèle, nous proposons aussi des formations à la production, à l’écriture de scénario, à la réécriture ou encore à la composition de musique, sur un à quatre jours, animées par des professionnels.

D.C : Comme évoqué au début de cet entretien, la mise en réseau est un autre aspect essentiel de nos missions. Nos adhérents ont ainsi la possibilité de créer leur espace et leur fiche profil sur le site de la Maison du film. Nous les encourageons à collaborer avec les professionnels confirmés, mais également entre eux. Nous organisons, par exemple, des afterworks tous les deux mois dans des cafés ou des festivals. Ces soirées « Un verre avec vous » sont autant d’occasions de rencontres et d’échanges.

Comment restez-vous connectés au secteur professionnel et à ses évolutions ?

D.C : De plusieurs manières. Notre présence en festival en fait partie : Cannes, Clermont-Ferrand, Rennes, ou encore le Music & Cinéma de Marseille, entre autres.

R.S : Nous appartenons aussi au ROC [Regroupement des organisations du court – ndlr] et à la CST [Commission supérieure technique de l’image et du son – ndlr]. Cet engagement au quotidien permet de suivre les grands enjeux du secteur et de rester à l’écoute des problématiques des professionnels, émergents comme confirmés.

D.C : Le ROC est d’ailleurs né d’une ambition : celle de représenter un secteur qui en éprouvait le besoin. J’ajoute que nous participons aussi aux Assises de l’éco-production ou encore à celles du collectif 50/50.

Nous avons la chance et le privilège de vivre dans un pays qui soutient fortement le cinéma.
Richard Sidi

Richard Sidi, en tant que délégué général de la structure depuis 2011, quel regard portez-vous sur l’évolution de la création cinématographie émergente ?

R.S : Je ne peux vous répondre qu’au niveau de mon ressenti. Je dirais que depuis 2011, les jeunes talents accèdent plus facilement au milieu du cinéma. Nous avons vu s’inscrire durablement dans le secteur une génération de jeunes réalisateurs et réalisatrices dont le destin n’était pas tout tracé. Je pense à Maïmouna Doucouré, qui a été révélée par notre concours « Hlm sur cour(t) ». Elle étudiait la biologie. Pour elle, faire du cinéma lui semblait hors de portée. Dans le même exemple, nous avons accompagné Charlène Favier qui a grandi à Bourg-en-Bresse. Elle non plus n’était pas intégrée dans le milieu quand elle est venue nous solliciter. Elle a réalisé deux longs métrages depuis : Slalom (2020) et La Fille qu’on appelle (2023). Je suis fasciné par les nouveaux talents que l’on rencontre et que l’on accompagne. Les vocations sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses, ce qui peut aussi compliquer l’insertion, avouons-le. Produire ou réaliser un court métrage peut devenir une aventure plus périlleuse. Mais de nombreuses aides sont à disposition aujourd’hui. Nous avons en effet la chance et le privilège de vivre dans un pays qui soutient fortement le cinéma. Faisons tout pour préserver cet écosystème. De notre côté, nous tenons à continuer à y jouer un rôle en ouvrant au maximum la Maison du film à la diversité des profils.

La diversité des profils que nous soutenons est à l’image de celle des actions que nous menons. Cette variété de partis pris esthétiques et narratifs est précieuse.
Daniel Cohen

Êtes-vous ouverts à tous types de cinémas ?

R.S : Oui, nous accompagnons toutes les œuvres : films de genre, d’auteur, documentaires, comédies, fantastique… Nous sommes très fiers d’avoir suivi récemment Vincent Fontano, qui a réalisé le film Sèt Lam, présélectionné au César du meilleur court métrage de fiction en 2023. C’est un film singulier qui mélange prise de vue réelle et animation.

D.C : Le dernier lauréat de notre « LABEL Film », Yves Cohen, est d’ailleurs passé par le programme « L’autoprod’ ». C’est un réalisateur d’une soixantaine d’années qui, il y a deux ans encore, travaillait dans l’import/export. Il vouait une passion au septième art depuis longtemps. Puis il a fait son film, Lettres à Dieu. Deux mois plus tard, il l’a proposé à « L’autoprod’ », et trois mois après il a remporté notre « LABEL film ». Cette bourse lui a permis de se lancer dans la réalisation d’un second court métrage. Voilà un exemple de la diversité des profils que nous soutenons. Elle est d’ailleurs à l’image de la diversité des actions que nous menons. Cette variété de partis pris esthétiques et narratifs est précieuse.

Le court métrage Pachyderme, réalisé par Stéphanie Clément, une de vos anciennes adhérentes, et dont le compositeur Olivier Militon a participé aux dispositifs « Trio » et « Crescendo », a été nommé à l’Oscar du meilleur court métrage d’animation cette année. Comment avez-vous abordé cette nomination ?

R.S : C’est une belle satisfaction. J’ai croisé Stéphanie Clément, que je ne connaissais pas personnellement. Elle m’a dit que sa participation à notre atelier d’orientation scénario lui avait été d’une grande aide. C’est très émouvant de voir que quelques années plus tard elle a fait un si beau film, que nous avons pu soutenir en partenariat avec la SACEM pour la musique originale. C’est merveilleux que cette production ait été nommée aux Oscars. Par ailleurs, il nous importe beaucoup que la Maison du Film soit associée à un film d’animation. Nous sommes également un lieu ressources pour ce type de cinéma que nous apprécions. Nous espérons de cette reconnaissance qu’elle nous aide à continuer à développer nos actions et à accompagner un maximum de talents vers l’excellence.

La Maison du film bénéficie du soutien du CNC