D'« Hiroshima mon amour » à « On connaît la chanson », Alain Resnais en cinq films essentiels

D'« Hiroshima mon amour » à « On connaît la chanson », Alain Resnais en cinq films essentiels

08 novembre 2021
Cinéma
Emmanuelle Riva et Eiji Okada dans
Emmanuelle Riva et Eiji Okada dans "Hiroshima mon amour" d'Alain Resnais (1959) Pathé Films
Depuis quelques jours et jusqu’au 29 novembre prochain, la Cinémathèque française organise une rétrospective consacrée à Alain Resnais, avec des projections d’exception, comme ses visites dans des ateliers de peintres tournées en 16 mm, des rencontres et conférences auxquelles participeront Agnès Jaoui, Sabine Azéma, Pierre Arditi ou encore André Dussollier. Ce sera aussi l’occasion de revoir les 19 films tournés par le cinéaste décédé en 2014, au cours de ses soixante-six ans de carrière. Nous en avons retenu cinq, essentiels dans l’œuvre de Resnais.

Hiroshima mon amour (1959)

Non, ce n’est pas tout à fait le premier long métrage d’Alain Resnais. Avant même ses visites d’ateliers et autres courts métrages, le cinéaste avait tourné, en 1946, Ouvert pour cause d’inventaire, un conte surréaliste où il était question d’un imperméable, dans une succession de scènes rythmées par le passage du métro. Oubliée dans la chambre de bonne où il vivait alors, la bobine n’a jamais pu être restaurée. C’est donc Hiroshima mon amour qui restera pour la postérité la première fiction mise en scène par Alain Resnais. Après ses documentaires sur le bombardement de Guernica (Guernica, 1950) et sur les camps d’extermination nazis (Nuit et Brouillard, 1956), le réalisateur participe à nouveau au devoir de mémoire, avec l’aide de Marguerite Duras. Dix ans après Un barrage contre le Pacifique, la romancière retourne en Asie pour écrire cette rencontre passionnée entre une Française et un Japonais à Hiroshima, à la suite des bombardements atomiques. Se moquant des codes de la narration classique, le scénario passe du documentaire à la fiction autour du thème de la mort – qui infusera toute la suite de la filmographie du cinéaste – rappelle le drame des bombes lâchées par les Américains, mais appelle aussi à la réconciliation des peuples à travers une grande histoire d’amour entre « elle » et « lui », Emmanuelle Riva et Eiji Okada. Un chef-d’œuvre sélectionné au Festival de Cannes en 1959, malgré les pressions du gouvernement français, qui craignait de froisser les États-Unis, peu enclins à apprécier ce film pointant du doigt le coût humain d’Hiroshima.

L’Année dernière à Marienbad (1961)

Poursuivant son exploration des fantômes du passé, Alain Resnais met en scène une histoire fantastique pour le moins unique et déroutante, délibérément répétitive, et à laquelle Inception de Christopher Nolan a même fait involontairement écho des années plus tard. Reprenant certains thèmes de L’Invention de Morel, le livre d’Adolfo Bioy Casares, le cinéaste français plonge Delphine Seyrig dans l’ambiguïté d’une structure narrative chamboulée, où la dimension onirique permet de mieux conduire le spectateur dans une confusion volontaire entre réalité et illusion. Une forme de cinéma dont Stanley Kubrick avouera s’être inspiré pour réaliser Shining et qui fut couronnée par un Lion d’or à la Mostra de Venise. Une œuvre unique dans la filmographie d’Alain Resnais, à la beauté baroque envoûtante, élevée par les costumes de Coco Chanel.

 

Providence (1977)

Trois ans après sa création, la cérémonie des César sacre déjà Alain Resnais. Avec sept prix remportés, dont ceux du meilleur réalisateur et du meilleur film, l’hommage du cinéaste au romancier fantastique H.P. Lovecraft est encensé. Un film tourné en langue anglaise et porté par John Gielgud, légende du théâtre britannique, en particulier shakespearien. Il y incarne un vieil homme malade qui va mélanger ses fantasmes à la réalité. Un chef-d’œuvre psychanalytique, qui questionne le processus de création. Alain Resnais filme une mise en abyme que ne renierait pas Lovecraft, dont l’influence est omniprésente jusque dans le titre du film, Providence étant le lieu de naissance de l’écrivain américain...

Smoking/No Smoking (1993)

Après le succès de Mon oncle d’Amérique (1979), Grand Prix spécial du jury à Cannes, mettant en images les thèses anthropologiques du scientifique Henri Laborit, Alain Resnais bouleverse son cinéma au contact d’un trio de comédiens qui va marquer la suite (et la fin) de sa carrière. Grâce à Sabine Azéma, Pierre Arditi et André Dussollier, il explore un genre plus intimiste avec L’Amour à mort, Mélo, et surtout Smoking/No Smoking. Écrit par un duo de scénaristes qui monte, Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, ce diptyque sur les possibilités de l’existence est un triomphe, d’abord honoré à la Berlinale par l’Ours d’argent, puis aux César, avec les trophées du meilleur réalisateur et du meilleur film, quinze ans après Providence. Un exercice de style rigoureux et enivrant sur le sens du destin, où Azéma et Arditi proposent plusieurs versions de leur vie, autour d’une simple cigarette. Smoking/No Smoking est la quintessence du cinéma d’Alain Resnais.

On connaît la chanson (1997)

On prend les mêmes et on recommence ! Retrouvant son équipe de Smoking/No Smoking, Alain Resnais s’essaie à la comédie musicale, insérant des chansons populaires sous la forme de dialogues mimés en play-back – s’inspirant du dramaturge anglais Dennis Potter – qui rythment les chassés-croisés amoureux des six personnages. À la clé, un nouveau triomphe aux César, avec 7 statuettes (dont celle du meilleur film). Mais surtout, Resnais signe enfin une œuvre véritablement populaire, qui deviendra le plus grand succès commercial de sa carrière. Plus de 2,6 millions de spectateurs ont fredonné On connaît la chanson dans les salles françaises. Et tout le monde se souvient encore de Sabine Azéma qui scande à tout va : Résiste, prouve que tu existes...