Découvrez le court métrage "Les Petits Souliers" d’Éric Toledano et Olivier Nakache

Découvrez le court métrage "Les Petits Souliers" d’Éric Toledano et Olivier Nakache

23 décembre 2020
Cinéma
Les Petits Souliers d’Éric Toledano et Olivier Nakache
"Les Petits Souliers" d’Éric Toledano et Olivier Nakache
Avant d’être les réalisateurs d’Intouchables ou de Hors normes, Olivier Nakache et Éric Toledano ont fait leurs classes à l’école du court métrage. Les Petits Souliers (1999) – disponible 48h sur cnc.fr - est leur deuxième expérience en duo. Ils y racontent la rocambolesque nuit de quatre garçons embauchés comme Père Noël. Éric Toledano revient pour le CNC sur cette aventure.

Vous avez débuté votre carrière par le court métrage, était-ce par choix ?

Avec Olivier [Nakache] nous rêvions de cinéma depuis qu’on s’était rencontrés, mais on a mis du temps à comprendre quels étaient les chemins à prendre. On a donc commencé par faire des courts métrages amateurs. Pour Les Petits Souliers, c’était la première fois qu’on se professionnalisait vraiment. On avait un budget, un directeur de production, une équipe technique.

Il paraît que l’histoire que vous racontez dans Les Petits Souliers est vraie…

C’est une expérience personnelle, oui ! Pendant mes études, je travaillais pour une société qui s’appelait Jour de fête, et je faisais des animations pour enfants, des goûters d’anniversaire… Le 24 décembre, nous faisions les Pères Noël pour des familles qui voulaient que ce personnage passe à une heure précise, en costume, avec sa hotte. On avait le code d’entrée… les cadeaux étaient devant la porte ! Pendant quatre ou cinq années, j’ai fait ce job avant d’être chargé du recrutement ; c’est comme ça que j’ai engagé Olivier. On pouvait faire six ou sept visites entre 18 heures et deux heures du matin. Après nos missions, les Pères Noël se retrouvaient dans un bar, avec les sourcils encore maquillés de blanc, pour partager les anecdotes de la soirée. Certains racontaient comment ils traînaient la patte pour avoir un pourboire, un autre s’était retrouvé avec une botte de carottes pour ses rennes, un dernier face une famille Front national…

Comment êtes-vous passé de cette histoire vécue à une fiction ? 

On s’est marrés pendant plusieurs années à jouer les Pères Noël et au moment où on a commencé à écrire, à chercher des idées, c’est remonté à la surface. On avait pris rendez-vous avec Gad Elmaleh après son spectacle au théâtre Trévise, à Paris. Sans préméditation, on lui a raconté des anecdotes sur ces soirées et il s’est enthousiasmé en nous disant d’en faire un film. Du coup, on a écrit en lui promettant de revenir vers lui sitôt le scénario bouclé. Quand il l’a lu, il a dit : « C’est génial, je vais appeler mes copains pour le faire. » Il a contacté Jamel Debbouze, Roschdy Zem, Atmen Kelif. Ils commençaient tous à être un peu connus. Jamel faisait sa capsule cinéma sur Canal+, Gad Elmaleh se produisait dans des salles de plus en plus grandes, Atmen Kelif faisait partie de la troupe des Deschiens et Roschdy Zem était celui qui avait la carrière cinéma la plus aboutie, car il avait tourné une vingtaine de films, notamment sous la direction de Xavier Beauvois, André Téchiné… Ils s’aimaient beaucoup tous les quatre. Il y avait une ambiance incroyable sur le plateau. On s’est amusés énormément. C’était fou d’avoir ces acteurs-là alors qu’ils étaient tous en train de percer.

Si on est attentif, on peut vous apercevoir quelques secondes dans le rôle d’un réalisateur de films pornographiques…

C’est ma véritable vocation ! (rires). Blague à part, Olivier et moi avions l’habitude d’interpréter des petits rôles dans nos films à nos débuts. Il y avait aussi Géraldine Nakache, la sœur d’Olivier, et Arié Elmaleh, le frère de Gad. Et surtout des acteurs comme Gilbert Melki qui venait de faire La vérité si je mens !, Axelle Laffont ou Didier Bénureau qui avaient accepté des petits rôles. Il y avait une belle énergie.

En mettant des juifs et des musulmans ensemble le soir de Noël, il y a déjà les prémices de votre cinéma : le combat des préjugés par le rire, la France qui s’unit…

Effectivement, le soir du 24 décembre, dans ce genre de boulot, se retrouvaient des hommes qui ne fêtaient pas Noël et qui étaient d’accord pour travailler. Ils perpétuaient un mythe alors qu’ils étaient peut-être les moins adaptés pour le faire. C’est ce qui nous a plu dans le fait de raconter cette histoire.

Quand on y réfléchit, on trouve dans ce court métrage la matrice de tout ce qui va nous intéresser par la suite : le social, la comédie, l’identité. Cette pléiade de thèmes nous est chère et nous n’avons cessé d’écrire autour. Et puis, il y a déjà des grands acteurs…

Comment s’est déroulé le tournage ?

Dans des conditions très rock’n’roll. On tournait 12 ou 13 heures par jour, sans autorisation, dans des halls. Ça a duré cinq jours, en décembre 1999. On a pris des risques complètement dingues. Je me rappelle que Jamel avait disparu du tournage, on l’a retrouvé dans un magasin… Tout était un peu fou.

Quels souvenirs en gardez-vous ?

Quelques moments de grâce… Comme cette séquence devant le miroir où les Pères Noël viennent se maquiller à tour de rôle face caméra en répondant aux questions du recruteur interprété par Gilbert Melki. On a laissé les acteurs improviser. Ça s’est fait en une prise où tout le monde riait aux larmes, même le cadreur… Ce court métrage était un laboratoire.

Les Petits Souliers a-t-il été un tournant dans votre carrière ?

C’est le film qui a contribué à nous faire connaître. Il y a d’abord eu la sélection au festival de Clermont-Ferrand en 2000, puis dans des festivals étrangers [Bradford et Leeds au Royaume-Uni, La Cittadella del Corto en Italie, Tétouan au Maroc, NDLR]. Nous avons gagné des prix [Prix du public au festival du court métrage de Meudon, au Festival de Paris, ndlr]. Les Petits Souliers a été acheté par la télé. Pour nous, c’est le début : on sent que notre cinéma peut exister alors qu’avant ce n’était qu’un fantasme.

Avez-vous été tenté de donner une suite aux Petits Souliers ?

Pendant plusieurs années, nous avons voulu faire un long métrage sur le même sujet avec les mêmes acteurs. Dominique Farrugia était d’accord pour nous produire. Jusqu’à ce qu’on se rende compte, en fait, que le format était le bon. C’était une histoire faite pour le court. Mais ce fameux film qui n’a pas existé nous a permis d’apprendre à écrire.