Qu’est-ce qui vous a mené à l’animation ?
Annick Teninge : À l’origine, je ne me destine pas particulièrement à l’animation. Je souhaite avant tout travailler dans le milieu culturel international. Toutefois, lorsqu’un poste d’adjointe à la direction du Festival international du film d’animation d’Annecy se libère, je postule immédiatement. L’année où j’arrive, le festival fête ses 30 ans. Pour l’occasion, il accueille les trente plus grands réalisateurs internationaux. J’ai la chance de plonger dans les plus belles œuvres du cinéma de l’animation, ce qui conforte mon envie de travailler pour le secteur. Après six ans à ce poste, je saisis une opportunité à Los Angeles pour collaborer à la création du site web « Animation World Network ». Je découvre d’autres aspects de l’industrie : la réalisation, la production, la promotion, la publicité, etc. En 2001, je reviens en France, où j’aspire à continuer à travailler pour l’animation. À l’époque, je ne connais pas La Poudrière, née deux ans auparavant. En revanche, le studio Folimage, créé par le réalisateur et producteur Jacques-Rémy Girerd, lequel est à l’initiative de l’école, m’invite à à visiter le studio qui a lancé la production de son premier long métrage à Valence. Je découvre cette fascinante école et je suis sollicitée pour en devenir la responsable du suivi de la production et de la diffusion. En 2005, au départ d’Isabelle Elzière, je reprends la direction de l’école, poste que j’occupe depuis 20 ans.
L’école fête ses 25 ans cette année. Qu’est-ce qui a motivé sa création ?
À la fin des années 1980, une industrie de l’animation émerge avec un besoin croissant de professionnalisation. Des écoles d’animation existent déjà, à l’instar de LISAA ou des Gobelins, mais aucune n’offre de formation spécialisée en réalisation. C’est pour pallier ce manque que Jacques-Rémy Girerd crée l’école de La Poudrière en 1999, la seule entièrement consacrée à l’apprentissage de la réalisation.

Quelle est sa spécificité ?
Association à but non lucratif, La Poudrière est assez particulière dans le paysage des écoles d’animation. En effet, l’école a été créée avec le soutien de nombreux partenaires publics, comme le ministère de la Culture, le CNC, les collectivités territoriales, mais également des professionnels, à l’image des sociétés de production, des chaînes de télévision, des syndicats tels qu’AnimFrance (anciennement SPFA), la SACD, la Procirep, etc. Ainsi, les étudiants de La Poudrière bénéficient d’une formation complète et dispensée uniquement par des professionnels de l’industrie de l’animation.
À ce propos, quelles formations dispensez-vous à La Poudrière ?
Aujourd’hui, nous proposons plusieurs modules d’apprentissage. À l’origine, il y a cette formation à la réalisation sur deux ans et à temps plein. Durant ces deux années, les étudiants rencontrent près de 80 intervenants professionnels : des réalisateurs, des scénaristes, des monteurs, des compositeurs, des producteurs, des diffuseurs, etc. qui partagent leur expertise. Les étudiants réalisent des courts métrages, des films de commande, des films d’ateliers, et effectuent bien d’autres exercices. Cette formation est ouverte à tous, sous réserve de maîtriser les fondamentaux techniques de l’animation et avoir un univers graphique propre. Elle compte une dizaine de personnes par promotion. Il peut s’agir à la fois d’étudiants issus de parcours divers ou de professionnels confirmés qui souhaitent apprendre le métier de réalisateur. À titre d’exemple, en 2003, nous avons accueilli Rémi Chayé. À l’époque, il collabore en tant que storyboarder et assistant réalisateur avec de grands réalisateurs comme Jean-François Laguionie. Toutefois, il décide de revenir sur les bancs de l’école pour se former à la réalisation. Cette formation suscite beaucoup d’intérêt chez des professionnels aguerris mais bien souvent pour nombre d’entre eux, il n’est pas possible de reprendre les études pendant deux ans en raison de leurs emplois du temps. Nous réfléchissions alors à une alternative. C’est ainsi qu’en 2009, nous lançons une nouvelle offre de formation professionnelle sous forme de stages courts, toujours axés sur la réalisation, destinés à un public confirmé. Nous proposons deux parcours : l’un, de dix jours, consacré à l’écriture et l’autre, de quinze jours, dédié au storyboard.

Depuis 2015, l’école accueille également des résidences d’écriture. En quoi consistent-elles ?
La première résidence s’adresse aux étudiants sortants de La Poudrière, souhaitant être accompagnés dans leur premier projet de court métrage post-école. Elle est menée en partenariat avec Ciclic – Région Centre Val de Loire, en collaboration avec le CEEA (Conservatoire Européen d’Ecriture Audiovisuelle), et est soutenue par la SACD. Grâce à elle, les apprentis réalisateurs de La Poudrière sont épaulés par les apprentis scénaristes du CEEA dans l’écriture de leur film. La deuxième est destinée à des auteurs francophones de séries et unitaires TV. Elle est lancée en 2018 avec le soutien de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et du CNC en réponse aux difficultés que peuvent rencontrer les auteurs moins confirmés face à des projets audiovisuels. Cette résidence a vocation à les accompagner dans la phase initiale de développement, du concept à l’écriture narrative et visuelle et la mise en scène. Elle est ouverte aux auteurs francophones, ayant déjà réalisé au moins un film d’animation et porteur d’un nouveau projet au stade d’écriture. Elle se déroule en février et mars de chaque année, trois semaines par an. L’appel à projets de l’année 2026 se clôture le 20 octobre prochain.
La Poudrière a reçu quatre fois le prix de la meilleure école. Qu’est-ce qui fait sa réussite et sa renommée ?
L’école a été créée à l’initiative du studio d’animation Folimage, reconnu en France et à l’international. Elle s’est donc rapidement fait une place dans le secteur. Dès les premières années, nous avons reçu beaucoup de candidatures. Le fonctionnement de La Poudrière repose sur des petites promotions et un environnement très professionnalisant, ce qui en fait son succès auprès des étudiants. Toutefois, si l’école possède une certaine renommée c’est avant tout grâce aux qualités artistiques des étudiants, et deux ans de travail intense de mise en pratique. Leurs films font rayonner la Poudrière. En 25 ans, les étudiants ont réalisé près de 1 000 films d’école, puis initié et réalisé plus de 400 films parmi lesquels cinq ont été récompensés aux César. Prenons l’exemple du réalisateur Benjamin Renner, qui, à peine diplômé, a été sollicité par le producteur Didier Brunner du studio Folivari pour co-réaliser l’adaptation du célèbre livre jeunesse Ernest et Célestine. Sorti en 2012, le long métrage a rencontré un immense succès et a décroché le César du meilleur film d’animation et une nomination aux Oscars. Ce palmarès fait du parcours de Benjamin Renner le plus connu des diplômés de La Poudrière. Mais, ce qui donne la raison d’être à cette école c’est la diversité et la richesse des parcours de nos étudiants.

Qu’avez-vous prévu pour célébrer ce 25e anniversaire ?
Cette année, La Poudrière célèbre à la fois ses 25 ans d’existence et sa 25e promotion. À l’occasion de la Fête de l’animation, qui se déroule du 11 au 31 octobre, l’école fête son anniversaire avec deux programmes de films d’étudiants, réalisés au cours de ces vingt-cinq dernières années. Le premier intitulé « Lele & Lala », consacré au jeune public, est diffusé le 12 octobre à la Cinémathèque française (Paris, 12e). Sa projection va être prolongée par une démonstration technique de Janis Aussel, ex-étudiante de l’école. Le second nommé « L’air de rien », dédié aux adolescents et adultes, est projeté en séance publique au Majestic Bastille (Paris, 11e) le 27 octobre et va être suivi d’un échange.
Quels sont les projets à venir pour l’école ?
Je souhaite continuer de la faire rayonner. Mon collègue Laurent Pouvaret, directeur des études, travaille à La Poudrière depuis l'origine, moi depuis 2001. Tous deux, nous avons pu construire un modèle pédagogique assez unique : des promotions à taille humaine (de dix étudiants maximum), une ouverture à l’international, un accompagnement individualisé pour chaque étudiant, des intervenants issus du milieu professionnel, avec l’accompagnement de nombreux partenaires publics et privés. Nous cherchons avant tout à pérenniser ce modèle, très pertinent à notre sens.