Entretien avec Yasmine Talli, coproductrice de « Gangs of Taïwan » pour MK2

Entretien avec Yasmine Talli, coproductrice de « Gangs of Taïwan » pour MK2

25 juillet 2025
Cinéma
« Gangs of Taïwan »
« Gangs of Taïwan » réalisé par KEFF Tandem Films

Ce premier long métrage suit l’itinéraire d’un jeune Taïwanais membre d’un gang et rend compte de la situation politique explosive entre Taïwan et la Chine. La responsable des productions chez MK2 nous explique son travail sur cet ambitieux projet.   


Comment MK2 s’est retrouvé impliqué dans la production de Gangs of Taïwan, premier long métrage d’un jeune cinéaste taïwanais de 34 ans, KEFF ?

Yasmine Talli : Nous connaissions bien les deux productrices taïwanaises du film. Justine O travaille depuis longtemps aux côtés de Jia Zhangke et Anita Gou est basée aux États-Unis via sa société Kindred Spirit. Nous partageons les mêmes goûts cinéphiles et échangeons régulièrement en marge de différents festivals internationaux. C’est ainsi qu’à la fin de l’année 2021, nous avons reçu un mail de leur part avec le scénario de KEFF. Chez MK2, nous nous occupons quasi exclusivement de ventes internationales ; c’est sur ce terrain-là que nous sommes le plus souvent sollicités. Or la concurrence était assez forte. En effet, via son moyen-métrage, Tapei Suicide Story, présenté au Festival de Cannes en 2020, le talent de KEFF était clairement identifié. Afin de faire la différence, nous avons proposé d’entrer également en coproduction.  

Dès lors, quelle était la stratégie de coproduction ?

L’Aide aux cinémas du monde était primordiale. Sans elle, nous n’aurions clairement pas pu financer un premier film, qui plus est en provenance de Taïwan où il n’existe aucun accord bilatéral de coproduction avec la France. Les options étaient très limitées. L’idée était de coupler notre minimum garanti avec la somme allouée par l’Aide aux cinémas du monde. Malheureusement, lors de la première commission en juin 2022, le projet n’a pas été retenu. Il est vrai que le scénario était particulièrement dense. Une réécriture était indispensable pour espérer obtenir l’aide lors d’une autre commission. C’est ce qu’il s’est passé en juin 2023.

Quels changements notables ont été apportés au cours de cette réécriture ?

KEFF est également producteur de son film. Il était donc très impliqué dans le processus de financement. Le travail de réécriture a porté sur un rééquilibrage des différents aspects du récit : l’histoire d’amour du protagoniste, sa vie au sein du gang et son travail dans le restaurant familial. La précédente version avait tendance à s’arrêter sur des détails par souci de compréhension, ce qui rendait l’ensemble moins fluide, moins efficace.

Qu’est-ce qui vous intéresse principalement dans l’univers de KEFF ?

Chez MK2 nous cherchons à accompagner des jeunes talents du monde entier, ceux qui feront le cinéma de demain. KEFF avait démontré avec son court-métrage Secret Lives of Asians at Night (2019), mais surtout avec Tapei Suicide Story, une parfaite maîtrise dans la mise en scène. Il défendait par ailleurs très bien ses intentions pour Gangs of Taïwan et notamment tout ce qui touchait à la sensibilité de son personnage principal. L’ambition politique était évidemment très importante. Peu de voix nous proviennent de Taïwan. Si l’industrie cinématographique sur place est dynamique, elle peine à rayonner au-delà de ses frontières. Chez MK2, nous sommes sensibles à cet alliage du fond et de la forme. Nous étions alors en 2021, les manifestions à Hong Kong contre l’ingérence du pouvoir de Pékin était très forte. Les Taïwanais allaient leur emboîter le pas. L’île était donc sous les feux des projecteurs. Il y avait urgence à défendre ces mouvements pour plus de liberté.

En termes de logistique, qu’est-ce que cette coproduction a permis ?

L’Aide aux cinémas du monde a incité les productrices à impliquer des techniciens français, à commencer par le monteur Matthieu Laclau, qui a l’avantage d’être basé à Taïwan. C’est un proche collaborateur de Jia Zhangke. Yov Moor, qui s’intéresse beaucoup au cinéma asiatique, s’est occupé de l’étalonnage. Enfin, le mixage son a été effectué par Samuel Aïchoun. KEFF est venu en France dans les derniers mois de la postproduction.

 

Gangs of Taïwan a ensuite été sélectionné à la Semaine de la Critique en 2024...

Le choix du distributeur français, Tandem, avait été décidé quelques mois plus tôt, en février lors de la Berlinale. Nous étions ensuite allés avec eux présenter le film aux différentes commissions du Festival de Cannes. Celle de la Semaine de la Critique s’était montrée très enthousiaste. C’était l’aboutissement heureux d’un long travail.

Le film sort finalement plus d’un an après sa sélection cannoise, pourquoi ?

Tandem avait cette année-là sept films présentés à Cannes. Cela nécessitait une harmonisation spécifique de leur planning de sorties. Il fallait d’autre part s’entendre sur le positionnement du film. KEFF revendiquait à la fois un film d’amour, de gangsters et politique. Tandem a préféré axer sur le côté thriller, ce qui nous semblait être la bonne direction pour le public hexagonal. En cela le titre français Gangs of Taïwan assume pleinement ce choix. Il se veut plus direct que le Locust original, faisant lui référence à un détail poétique et métaphorique du film autour d’une sauterelle. Chez MK2, nous avions déjà sorti des polars en plein été qui avaient plutôt fonctionné comme Santosh ou Les Fantômes... Fin juillet nous paraît donc être un bon moment.
 

Gangs of Taïwan

Affiche de « Gangs of Taiwan »
Gangs of Taïwan Tandem

Réalisé par KEFF
Scénario : KEFF et Junu Wu
Production française : Nathanaël Karmitz et Yasmine Talli pour MK2 Productions
Distribution : Tandem
Ventes internationales : MK2 Cinémas
Sortie le 30 juillet 2025

Soutiens sélectifs du CNC : 
Aide aux cinémas du monde avant réalisationAide sélective à la distribution (aide au programme 2025)