France Zobda : « J’ai senti au fil des années se libérer la parole et l’image »

France Zobda : « J’ai senti au fil des années se libérer la parole et l’image »

21 février 2019
France Zobda
France Zobda Crédit EloaProd

Productrice et vice-présidente du 2nd collège au sein de la commission du CNC « Image de la diversité », France Zobda est également membre du jury du concours « Jeunes Talents »  en association avec France TV, destiné aux auteurs et réalisateurs de courts métrages mettant en valeur la diversité, dont les résultats seront annoncés vendredi 22 février. Entretien.


Y a-t-il une définition précise de ce qu’est ou doit être « la diversité » ?

Ce serait une définition très simple : le reflet de notre société française ! Le reflet du monde dans lequel nous vivons car nulle part aujourd’hui cette « diversité » ne manque à l’appel.Donc plus de mélange, de cultures, de couleurs et de visages mélangés et différents à l’écran. C’est comme ça qu’elle est la plus proche de ce qui est sous-entendu car la diversité sociale est rarement incluse dans ce mot.

Par rapport à d’autres cinématographies, pensez-vous que le cinéma français tient compte de la diversité de sa société ?

Pas suffisamment. Par ailleurs, la représentativité de cette « diversité »  si minime soit-elle n’est souvent présente que dans un seul registre : la comédie. Pendant très longtemps, les écrans ont été bien « pâles » et monochromes.

Comment expliquer la faible quantité de films en provenance des DOM TOM par exemple ?

Nous sommes malheureusement trop souvent le parent pauvre. Nous sommes comme des appendices géographiques presqu’étrangers parce que la Métropole ne comprend pas que nous ayons besoin d’une représentativité et de modèles qui nous ressemblent aussi. Nous avons en Outre-mer des spécificités culturelles et historiques comme les autres Régions de France et elles ne sont ni comprises ni mises en valeur. Comme si on devait encore « s’assimiler » et non se rajouter en complémentarité. Les écrans français ont du mal à intégrer ces continuités territoriales…Il y a une grande méconnaissance de nos Outre-mer tant dans nos Cultures, notre Histoire que nos us et coutumes. Nous sommes des Régions encore plus reculées que les autres, géographiquement, donc les « oubliés » ou les « invisibles » trop souvent.

Comment inciter les producteurs à plus de diversité ?

Tout est toujours lié à une contrainte ou obligation qui ne peut venir que du gouvernement comme une « nécessité » de cette diversité Instaurer un bonus incitatif est une mesure qui peut s’avérer efficace…

Qu’est-ce qu’il faudrait faire au niveau local pour que de jeunes cinéastes issus de la diversité  puissent s’exprimer ?

Il leur faudrait les mettre en lien pour qu’ils se sentent moins seuls, moins perdus, moins marginaux. Les identifier et les accompagner pour qu’ils émergent.

En quoi la commission du CNC « Images de la diversité » peut changer les choses ?

Elle met en valeur cette diversité car elle propose à travers ses membres des regards croisés et différents et propose donc un autre « décryptage » de cette diversité. Lorsque des gens concernés ou sensibles à la diversité analysent les projets, il y a une autre lecture qui permet de sortir des sentiers battus tout en étant pros mais avec bienveillance et non avec du mépris, de la complaisance ou de la condescendance. Ça devrait être comme ça dans toutes les instances qui jugent ou lisent des projets. Cette Commission a permis à des gens qui se sentaient marginalisés et exclus d’y croire  et à des projets fragiles d’avoir le coup de pouce nécessaire pour avancer et être boostés. Sans cette Commission, certains projets intéressants et nécessaires qui ont été rendus visibles n’auraient jamais existé.

En tant que vice-présidente du 2nd collège,  à quoi êtes-vous sensibles en particulier ?

Je suis sensible aux sujets proposés, à l’écriture d’un bon scénario. La thématique peut être intéressante sur la diversité, si le contenu et la forme ne tiennent pas la route, on craint le pire après. Je suis très sensible au mélange des cultures, des classes sociales donc aux comédies sociales qui racontent la vie à leur manière, avec de l’humour mais sans folklore. Je suis ravie lorsque le propos illustre la vie avec ses mots et ses maux avec originalité en tenant compte de la spécificité de l’endroit où ça se passe. J’adore voyager à travers les projets et apprendre des choses qui m’instruisent et m’ouvrent à d'autres cultures et à leurs Histoires. Je suis aussi sensible à l’émergence de nouveaux talents à travers les projets.

Avez-vous senti une évolution particulière dans les projets que vous recevez depuis que vous siégez à la commission « Images de la diversité » ?

Oui…Nous avons vu de plus en plus de projets audacieux, ambitieux et exigeants. Venant de partout, sans fard ni tabous et surtout sans crainte des préjugés… J’ai senti au fil des années se libérer la parole et l’image. Nous avons eu la sensation de voir une diversité chrysalide devenir papillon au fil des années.

Le 22 février, vous allez récompenser deux cinéastes dans le cadre du concours « Jeunes Talents ». A quoi serez-vous attentive prioritairement : à la singularité du sujet mettant en valeur la diversité, à la solidité de la mise en scène…

Aux deux, car ce sont les deux réunis qui permettent un bon court-métrage. Il faut savoir identifier les talents prometteurs pour les faire émerger et créer les futurs scénaristes et réalisateurs. Si les deux sont ici scindés c’est pour mieux faire comprendre que l’on peut avoir un bon scénario qui peut être décevant à sa réalisation et un scénario un peu décevant à l’écriture qui peut être réussi par une bonne mise en image de son réalisateur... A ce stade, il ne faudra pas de complaisance mais il faudra repérer et déceler le talent, le professionnalisme et l’originalité du projet tant par son écriture que par sa réalisation.