Quelle place tient l’innovation au sein du Marché du Film cette année ?
Guillaume Esmiol : Les enjeux liés à ce sujet, notamment ceux relatifs à l’intelligence artificielle (IA) générative, prennent de plus en plus d’importance dans l’industrie du cinéma et des contenus. Le rôle du Marché du Film est de faire de la pédagogie autour de ces questions complexes. Cette année, nous proposons toujours Cannes Next, notre programme historique dédié à l’innovation, qui rassemble des tables rondes, des conférences et des études de cas. En parallèle, nous lançons plusieurs nouveautés. D’une part, nous consacrons une journée entière à l’IA générative, le jeudi 15 mai, sur la Plage des Palmes. L’objectif de ce temps fort exclusif, intitulé AI for Talent Summit et réservé à 100 professionnels du secteur, est d’aborder la place de la technologie au service de la création. D’autre part, nous inaugurons le Marché Immersif qui complète la Compétition immersive du Festival lancée l’an dernier et qui se tient cette année au Carlton. Ce nouveau programme va permettre aux professionnels des technologies immersives de rencontrer des curateurs de musées et de lieux culturels à la recherche d’œuvres VR, XR ou video mapping à exposer. Ce Curators Network est organisé sur le catamaran de la Fondation Art Explora, amarré près du Palais des festivals. Des conférences et des présentations d’œuvres immersives sont également au menu dans un nouvel espace entièrement consacré à l’innovation, qui se nomme le Village innovation.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le Village innovation ?
Il s’agit d’une zone d’environ 1 000 m2 située à la Pantiero et composée d'un pavillon et d'une grande terrasse. Nous avons monté une grande scène pour y accueillir des conférences et des panels. Il y aura également des démonstrations en direct par des sociétés et des start-ups. L’objectif est de pouvoir montrer des cas concrets d’application sur des films de technologies telles que l’IA ou la production virtuelle. Par exemple, le samedi 17 mai en matinée, nous organisons deux conférences avec le CNC : l’une consacrée aux avancées technologiques dans le domaine des effets visuels avec les studios MPC et Mac Guff, lequel expliquera notamment comment il a travaillé sur le long métrage Alpha de Julia Ducournau sélectionné en compétition officielle ; l’autre dédié aux décors pensés pour l’avenir, écologiques et prêts à l’emploi avec TSF et Provence Studios en invités. Le Village innovation accueille donc des temps forts du Marché Immersif ainsi qu’une partie des conférences de Cannes Next, l’autre se tenant toujours au Palais des festivals.

Quels sont les enjeux sur ces sujets pour le Marché du Film ?
Comme je le disais plus haut, le rôle du Marché du Film est d’une part de faire de la pédagogie sur les sujets technologiques appliqués à l’industrie du cinéma et des contenus. D’autre part, nous devons anticiper les usages. Les études de cas que nous proposons permettent d’imaginer les opportunités qu’il est possible de créer grâce à la technologie et à l’innovation. Prenons l’exemple de l’IA : elle permet de réfléchir sur l’aspect créatif, mais également sur celui purement business puisqu’il est désormais possible grâce à elle de prédire le succès d’un film en salle ou encore de mesurer les budgets de production. Enfin, nous devons mettre sur la table les débats liés à ces questions, parfois les plus sensibles comme celui relatif aux droits d’auteur, un sujet qui revient régulièrement chez les professionnels du secteur. Le Marché du Film du Festival de Cannes est un lieu très identifié par les talents de l’industrie cinématographique, mais il suscite aussi, je le constate chaque année, beaucoup d’intérêt chez les acteurs de la tech. Nous avons la chance de pouvoir nous positionner au carrefour de la technologie et des talents, au service de la création et de la créativité.
Quelles sociétés technologiques font le déplacement cette année ?
Du côté américain, Disney et plus précisément le Disney Accelerator, l’entité du groupe qui accompagne des sociétés spécialisées en intelligence artificielle, est présente à la fois à l’AI for Talent Summit et au Village innovation, ainsi que certaines de ses entreprises « accélérées ». Amazon Web Services (AWS), la branche consacrée à l’innovation de l’entreprise américaine d’e-commerce, vient également à Cannes pour présenter ses solutions technologiques notamment sur l’IA. Nous accueillons aussi des entreprises européennes comme les Suisses de Largo.AI, qui propose comme évoqué plus haut une solution de prédiction des succès des films en salles ou en streaming ou encore les Ukrainiens de Respeecher, un générateur de voix IA, qui ont notamment travaillé sur Emilia Perez de Jacques Audiard et The Brutalist de Brady Corbet. D’autres sociétés sont attendues autour de la production virtuelle comme les Américains de ROE Visual, un des leaders dans le secteur, ou les Japonais de Sony.
L’an dernier, le Marché du Film a connu un record en termes de fréquentation avec 15 000 accrédités et 600 exposants. Comment s’annonce cette édition 2025 ?
Nous aurons connaissance des chiffres définitifs de la fréquentation en fin de Marché, mais nous pouvons dire que nous sommes déjà sur le même niveau que l’an passé. Cette année, le Marché du Film met à l’honneur le Brésil en parallèle de la Saison culturelle croisée France-Brésil. Parmi les temps forts organisés à cette occasion, des rencontres de coproduction entre les deux pays vont se dérouler au Palais des festivals, le mardi 20 mai au matin, en partenariat avec le CNC. Toujours en collaboration avec le Centre, nous reconduisons Cannes Remakes, notre programme dédié aux adaptations cinéma, ainsi que le Doc Day, journée consacrée au cinéma documentaire et à son écosystème. Ces deux événements vont se tenir respectivement les lundi 19 et mardi 20 mai au matin sur la plage du CNC. Un programme riche attend le Marché du Film pour cette 78e édition du Festival de Cannes.