La famille selon Louis-Do de Lencquesaing

La famille selon Louis-Do de Lencquesaing

23 décembre 2019
Cinéma
La Sainte famille
La Sainte famille Pyramide
Sept ans après son premier long métrage, Au galop, Louis-Do de Lencquesaing repasse derrière la caméra et s’aventure dans un genre à part dans le cinéma français, le film de famille. Décryptage.

Raconter une famille romanesque

C’est en 2012 qu’on avait découvert le Louis-Do de Lencquesaing réalisateur avec Au galop, son premier long métrage sélectionné à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes. Une fresque sentimentale truffaldienne menée sur un ton tout à la fois burlesque et désenchanté après laquelle le néo-cinéaste avait pensé assez vite enchaîner avec un autre projet, Une année sabbatique. Mais les aléas de la vie des films en ont décidé autrement. Et c’est avec le compagnonnage de Jérôme Beaujour (La Moustache) à l’écriture que cette Année sabbatique est devenue La Sainte Famille, dont Louis-Do de Lencquesaing tient le rôle principal : un universitaire qui se retrouve nommé ministre de la Famille au moment où il se montre démuni face aux nombreux événements qui secouent la sienne. « J’ai, depuis le début, voulu dessiner le portrait d’une famille tout à la fois singulière et emblématique. Une famille conventionnelle et unique pour mieux parler de toutes les familles. Une famille romanesque. » explique Louis-Do de Lencquesaing dans le dossier de presse du film. Romanesque, le mot est lâché et la promesse tenue. Au fil d’un récit solidement rythmé, les membres de la famille – frère, femme, grand-mère, cousine, enfants… - seront confrontés à une série d’événements traumatiques. Les tourments du passé devront alors être réglés pour que chacun puisse se construire un futur libéré des non-dits…

S’inspirer en partie de sa propre famille

Louis-Do de Lencquesaing s’est inspiré de sa propre famille pour mettre en scène cette comédie contemporaine. Par exemple, cette scène où la mère de son personnage se pose la question d’arrêter de le vouvoyer comme elle le fait depuis sa naissance. « C’est une scène que j’ai rajoutée avant le tournage, presque au dernier moment après que mon frère et moi avons reçu un texto où ma mère nous faisait part de sa décision de nous tutoyer désormais. Mon frère lui a demandé alors si on pouvait aussi le faire en retour… Elle a répondu que c’était hors de question ! » Transposé à l’écran, cet instant offre un moment irrésistible de drôlerie au film avec dans le rôle de sa mère, Marthe Keller, qui tenait déjà ce rôle dans Au galop. Une façon pour le réalisateur de composer sa propre famille de fiction pour mieux coller à la réalité. « Quand il a découvert La Sainte Famille, le fils de Marthe m’a avoué n’avoir jamais autant retrouvé sa mère à l’écran ! »

Décrire le rôle clé de la famille dans l’apprentissage du sentiment

Avec La Sainte Famille, Louis-Do de Lencquesaing entend aussi transcender son sujet et cite volontiers comme inspiration le philosophe Hegel qui fait de la famille le lieu de l’apprentissage du sentiment sans lequel l’Autre resterait indéfiniment différent. De Lencquesaing envisage son film comme un véritable récit d’apprentissage. « Sans la famille, plus de trahison et de vengeance, donc plus de réconciliation ni de ressort dramatique. Et ce serait bien dommage ! » Louis-Do de Lencquesaing prend donc un malin plaisir à mettre le plus d’obstacles sur le chemin de ses personnages pour que, par-delà des cris et des larmes, ils apparaissent plus vivants que jamais.

Combiner légèreté et profondeur

Un universitaire réputé se retrouve bombardé ministre de la Famille, alors que la sienne est en train d’imploser. Ce savoureux paradoxe donne le la du film. Trouver de la distance, voire de l’ironie, en traitant de questions sérieuses comme la PMA et la GPA – sujets de prédilection de son personnage principal. « La Sainte Famille est une comédie qui se contorsionne pour échapper au piège du sérieux et qui s’enroule parfois sur elle-même pour ne jamais se trouver là où l’attend. Comme une anguille. » Et cette légèreté se retrouve dans la fluidité de sa mise en scène. « J’essaie toujours de regarder plutôt que de juger. » Ce qui explique cet art de ne jamais s’appesantir sur les choses, aussi graves soient-elles, de virevolter en permanence malgré les souffrances que rencontrent ses personnages. À l’image de la musique composée par Romain Allender et Alexandre Tanguy, capable de faire naître l’émotion sans l’appuyer.

La Sainte Famille qui sort ce mercredi 25 décembre, a reçu l’avance sur recettes avant réalisation du CNC.