La Première Guerre mondiale sur grand écran

La Première Guerre mondiale sur grand écran

08 novembre 2019
Cinéma
Les Fragments d'Antonin
Les Fragments d'Antonin Dragoonie Films

A l’occasion des commémorations du 11 novembre, voici quelques films qui traitent de la Première Guerre mondiale. Les cinéastes ont été nombreux à se pencher sur ce conflit meurtrier. Et ce dès 1918. Très vite, ils en dénoncent l’absurdité et les conséquences néfastes qui affectent les poilus sur le long terme.


Les Croix de bois de Raymond Bernard (1932)

On a découvert ce film grâce à la restauration réalisée par Pathé en 2014. Fils du dramaturge Tristan Bernard, Raymond Bernard raconte la Première Guerre mondiale comme jamais auparavant. C’est après avoir vu les reconstitutions spectaculaires de scènes de guerre que proposent les studios américains (et notamment les films de William A. Wellmann, ancien héros de guerre qui « inventa » le film de guerre avec Les Ailes), que Bernard Natan, alors à la tête de la firme Pathé, décide de mettre en chantier le premier grand film français parlant sur le premier conflit mondial. Nous sommes en 1929, et Natan décide d’adapter Les Croix de bois de Roland Dorgelès, un récit autobiographique paru dix ans plus tôt. Le film frappe par le réalisme de ses combats et la viscéralité de la reconstitution : tourné dans de véritables tranchées, il était surtout interprété par d’authentiques anciens combattants. Pierre Blanchar, qui incarne le rôle principal – le soldat Gilbert Demachy - avait été mobilisé en 1914 et gazé à l’ypérite à Verdun. Son partenaire, Charles Vanel – qui joue le rôle du caporal Bréval - avait été mobilisé sur le front de 1914 et 1917. Mais sept ans avant la Deuxième Guerre mondiale, ce que filme Bernard c’est la lassitude des soldats, l’attente et la guerre des nerfs, prélude à la violence barbare qui va s’abattre sur les hommes…

Les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick (1957)

Ce qui intéresse Stanley Kubrick dans le roman d’Humphrey Cobb qu’il adapte avec Jim Thompson et Calder Willingham, c’est moins de dépeindre la guerre que de réaliser une charge contre les officiers cyniques et cupides. Alors que le conflit s’est enlisé, l’état-major français décide d’une offensive impossible. La scène de l’assaut où la caméra est au cœur du combat est un morceau de maestria qui préfigurera beaucoup de scènes de guerre au cinéma. Obligés de se replier, les hommes sont accusés de lâcheté et certains sont exécutés pour l’exemple. Un officier s’oppose à ce sacrifice : le colonel Dax. Ici, la guerre n’est pas entre les Français et les Allemands, mais entre les soldats et leurs chefs. Kubrick dénonce l’absurdité de la guerre qui pousse à tuer son « propre camp ». Le film bien accueilli aux Etats-Unis, sera interdit en France pendant 18 ans. Il faudra du temps au cinéma français pour évoquer les « fusillés de guerre », morts « pour l’exemple ».

Capitaine Conan de Bertrand Tavernier (1996)

Ce n’est pas la première fois que Bertrand Tavernier s’intéresse à la Première Guerre mondiale. Il y avait eu La vie et rien d’autre sur l’impossible deuil, mais sept ans plus tard, le cinéaste se confronte plus directement au conflit en adaptant le roman partiellement autobiographique de l’écrivain breton Roger Vercel, Capitaine Conan, qui suit un officier et ses soldats dans les derniers soubresauts de la guerre. L’action se déroule sur le front oriental, dans les Balkans – lieu peu souvent évoqué dans les fictions sur la guerre. Conan et ses hommes doivent y nettoyer les tranchées. L’héroïsme de ces va-t-en-guerre formés à obéir aux ordres et à combattre l’ennemi est rendu à son expression la plus absurde. Casernés à Bucarest, ils deviendront les bêtes qu’on leur a appris à être. Le capitaine Conan voit ses hommes condamnés pour violence par la même hiérarchie qui leur a commandé de devenir des êtres sans scrupules. César 1997 du meilleur réalisateur pour Bertrand Tavernier et du meilleur acteur pour Philippe Torreton.

La Chambre des officiers de François Dupeyron (2001)

Adapté du roman éponyme de Marc Dugain, La chambre des officiers de François Dupeyron prend l’Histoire à bras le corps à travers un drame intime. Comme le livre, le film met en exergue une des conséquences les plus dramatiques de la Première Guerre mondiale : les gueules cassées. Ces soldats défigurés par un obus dont le visage est à jamais marqué par le conflit. L’action se déroule dans le service d’un chirurgien (André Dussollier) qui tente reconstruire ces hommes brisés et de leur offrir une réconciliation avec eux-mêmes - et par là, avec le monde. Entre le drame intime et le mélo, ce film imposait le jeu feutré d’Eric Caravaca et remporta le César 2002 de la meilleure photographie (Tetsuo Nagata) et celui du meilleur second rôle pour André Dussollier.

Les Fragments d’Antonin de Gabriel Le Bomin (2006)

Le réalisateur Gabriel Le Bomin connait bien l’armée. Il a longtemps travaillé au service cinématographique du ministère de la Défense. Sollicité par le musée du Val-de-Grâce pour réaliser un documentaire sur les chocs traumatiques de la guerre, il découvre dans les archives des films de 1917 et de 1920 qui montrent les soldats, sans blessure apparente, dans un état de confusion mentale incroyable. Plus de 100 000 poilus en ont souffert. Nait alors l’idée de sa première fiction qui interroge sur le choc psychologique de la guerre à travers le travail d’un médecin pionnier dans l’étude des traumas (Aurélien Recoing) et la thérapie d’Antonin (Grégori Derangère). En suivant les méandres psychologiques de son héros torturé, Gabriel Le Bomin fait jaillir les souvenirs des tranchées, les agonies des hommes et les flashs de violence. Comme si la guerre ne pouvait être appréhendée que par morceaux. Comme si elle était trop insupportable pour être racontée par un seul homme…

Cheval de guerre de Steven Spielberg (2011)

Réalisé en 2011 par Steven Spielberg, Cheval de guerre revisite l’histoire de la Première Guerre mondiale à travers le destin d’un animal-miracle, un cheval vendu par un fermier à la cavalerie britannique qui part au front. La bête de somme va devenir à la fois témoin et compagnon de combat, passant des mains d’un capitaine anglais à celle de soldats allemands avant de se retrouver chez un fermier français. Son périple (du paradis des plaines de Devon vers le front de guerre) permet à Spielberg de montrer les atrocités de la guerre dans les deux camps et de raconter quasiment sans dialogue, le passage à une mécanisation galopante du conflit qui laisse présager le pire pour l’homme. A cet égard, la scène de la première bataille où les Anglais se trouvent démunis face aux canons et aux mitraillettes des Allemands est saisissante – et sans doute l’une des images sur le conflit les plus tétanisante.