Ce focus est l’occasion de (re)découvrir L’Amour d’une femme (1953), le dernier long métrage de Jean Grémillon, restauré par Gaumont avec l’aide du CNC. Le réalisateur, qui signe le scénario avec René Fallet et René Wheeler, y brosse le portrait d’une femme moderne, loin de l’image de la femme fatale ou de victime véhiculée par le cinéma de l’époque.
L’histoire est celle de Marie Prieur (Micheline Presle), une femme médecin qui s’installe sur l’île d’Ouessant pour remplacer le vieux praticien parti à la retraite. Malgré les préjugés des insulaires, elle parvient à se faire accepter. Elle noue des liens d'amitié avec l'institutrice, Germaine Leblanc (Gaby Morlay), également proche de la retraite. André (Massimo Girutti), un ingénieur installé provisoirement sur l'île pour un chantier, tombe amoureux de Marie. D'abord réticente, elle se laisse courtiser, au risque de compromettre sa réputation. Quand André la demande en mariage, il exige qu'elle renonce à son métier.
Sorti en salles en 1954, L’Amour d’une femme est alors un échec. Présenté à la mi-mars 1954 au cinéma Marignan à Paris, le film sort le 28 avril au Studio de l’Étoile, où il est programmé pour quatre semaines, puis au Montparnasse Pathé. Le 7 juillet, après une distribution tronquée qui ne lui permet pas de trouver son public, le film disparaît des écrans. La critique n’est guère enthousiaste, certains, comme François Truffaut dans sa chronique pour la revue Arts, reprochant à Jean Grémillon sa noirceur qui rappelle la tonalité de la production d’avant-guerre. Connaissant l’engagement de Jean Grémillon aux côté du parti communiste, la presse de droite l’accuse de faire l’éloge des travailleurs et des féministes.
Quant aux propos résolument modernes du film, ils peuvent heurter certains esprits dans une France encore conservatrice au début des années 1950. A travers ce récit d’une passion amoureuse doublé du combat pour la reconnaissance professionnelle et sociale d’une femme médecin, Jean Grémillon prend le contrepied du stéréotype romanesque de l’amour et dépeint une héroïne courageuse, responsable et libre.
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