Les premiers pas de Jean Marais au cinéma

Les premiers pas de Jean Marais au cinéma

11 décembre 2023
Cinéma

Jean Marais (1913-1998) aurait eu 110 ans ce 11 décembre. En guise d’hommage, découvrez l’extrait vidéo de ses premiers essais au cinéma, au début des années 1930, au côté de l’actrice Eve Francis. Des images qui cachent aussi un énigmatique imbroglio…


C’est à l’orée des années 1930 que Jean Marais apparaît pour la première fois à l’écran. « L'Épervier, essais Jean Marais, Eve Francis » indique un clap visible à l’image. Il s’agirait donc des répétitions de L'Épervier, réalisé par Marcel L’Herbier, dans lesquelles le comédien en herbe donne la réplique à l’actrice Eve Francis. Les deux scènes à l’image relatent les rapports conflictuels que Jean Marais, alias Étienne, entretient avec son père. Il s’en plaint à sa mère qu’il souffre de voir délaissée par son mari.

Si l’identification au film de Marcel L’Herbier semble évidente en raison du clap à l’image, l’intrigue de L'Épervier ne raconte pourtant pas le même récit… En effet, le film de Marcel L’herbier dépeint l'histoire d'un couple d'escrocs de haut vol dont la femme tombe amoureuse d'un jeune attaché d'ambassade pour le plus grand désespoir de son époux. Alors d’où provient cette confusion ?

À la même période, Jean Tarride, ami de Marcel L'Herbier, tourne un film intitulé Étienne, récit d'un jeune homme déchiré entre son père et sa mère, dont l’histoire en revanche correspond aux deux scènes citées. La sortie d’Étienne a lieu un mois après celle de L’Épervier, en décembre 1933. Les deux tournages sont concomitants, réalisés dans le même studio Pathé-Natan à Joinville, sous la houlette du même producteur Adolphe Osso.

La lecture des autobiographies respectives de Jean Marais et de Marcel L'Herbier apportent des éléments de réponse. Dans Histoires de ma vie, l'acteur décrit la rencontre avec le célèbre metteur en scène : « (…) [L’Herbier] me parla d’un essai pour un film que dirige un de ses amis, Étienne (…). Eve Francis me donnera la réplique (...) ». Ces propos sont confirmés par l’un des biographes du comédien, Gilles Durieux, qui donne une précision supplémentaire dans son Jean Marais : « (...) L'Herbier l'aiguillonne vers une nouvelle production, Étienne, que devait réaliser Jean Tarride (…). Le jour du bout d'essai, l'auteur de L'Inhumaine était évidemment sur le plateau (...) ». Quant au réalisateur, il précise dans La Tête qui tourne : « (...) Un soir j'ai vu surgir un solliciteur inconnu. Il [Jean Marais] se présenta gentiment, (...) un peu comme un jeune chiot (...). Je l'engageais pourtant comme pseudo-assistant dans L'Épervier pour qu'il se familiarise avec le studio (…) ».

On peut imaginer que le célèbre réalisateur, touché par la grâce et le culot du jeune garçon, se propose de l'aider. Passant d'un plateau à l'autre, L'Herbier n'ayant en fait pas de rôle adapté à Marais dans son film, le proposa à son ami Tarride en lui faisant passer ces bouts d’essai sur sa propre production. Le clap a donc été réutilisé d'un plateau à l'autre et d’une production à l’autre sans réelle signification. Cependant, ces essais ne sont pas concluants et Marais n’obtient pas le rôle d’Étienne… Il faudra attendre sa rencontre avec Jean Cocteau, qui a écrit pour lui le scénario de L’Éternel retour de Jean Delannoy (1943), pour qu’il connaisse enfin la consécration au cinéma.