« L’Ombre des châteaux » : la résurrection du deuxième long métrage de Daniel Duval

« L’Ombre des châteaux » : la résurrection du deuxième long métrage de Daniel Duval

04 mars 2020
Cinéma
L'Ombre des châteaux
L'Ombre des châteaux Caméra One
Alors qu’une restauration 4K de L’Ombre des châteaux permet au public de le redécouvrir, focus sur ce film oublié, sorti en 1977 et interprété notamment par Philippe Léotard.

C’est le deuxième long métrage réalisé par Daniel Duval

Croisé aussi bien chez Bertrand Tavernier (Que la fête commence) qu’Olivier Marchal (36, quai des orfèvres), Philippe Garrel (Le Vent de la nuit) que Sandrine Veysset (Y aura-t-il de la neige à Noël ?), Daniel Duval, décédé en 2013, fut aussi le réalisateur de six longs métrages, tournés entre 1974 (Le Voyage d’Amélie) et 2006 (Le Temps des porte-plumes). L’Ombre des châteaux est son deuxième film, le portrait tragique et poétique d’une famille démunie d’émigrés italiens, les Capello, vivant dans le Nord de la France. Les deux frères, Luigi et Rico, rêvent de partir au Canada, tandis que leur sœur, Fatoun, est placée dans un centre de rééducation après avoir été prise en flagrant délit de vol. Moins connu que La Dérobade (1979, avec Miou-Miou), qui remporta un vif succès, L’Ombre des châteaux est sans doute le film où s’exprime le plus intensément le rapport au monde de son auteur, son amour des marges, des sentiments extrêmes et de la liberté. Il fut écrit à la Villa Médicis, où Daniel Duval était en résidence après avoir reçu le Prix de Rome pour Le Voyage d’Amélie. Balthus, le directeur de la Villa Médicis, l’encouragea à tourner le film sans tarder.  

Daniel Duval s’y inspirait de son enfance

Daniel Duval insistait beaucoup sur le fait que L’Ombre des châteaux n’était pas un film autobiographique. A l’époque de la sortie du film, il expliquait ainsi : « L’Ombre des châteaux a toujours été, dans mon esprit, une histoire qui se passait dans le Nord. Pas seulement pour me débarrasser de mon étiquette de « loulou de banlieue ». Surtout parce que le Nord (que je ne connaissais pas) représente pour moi l’univers des mines qu’on ferme, des chômeurs, des émigrés, de la misère. C’est le motif profond qui m’a fait choisir ce type de paysage pour y faire vivre dans une cabane (où il n’y a pas de télévision) Luigi, Rico, leur jeune sœur Fatoun et les deux vieux. » Pas un film autobiographique, donc, mais cette « investigation lyrique dans le monde des marginaux » (comme l’écrit Eric Le Roy dans le livret qui accompagne l’édition vidéo) fut néanmoins nourrie par les expériences de Daniel Duval, qui avait connu une enfance difficile, houleuse, passée en institution, puis dans une famille d’accueil, après qu’il ait été retiré à ses parents à l’âge de neuf ans. « C’est à la fois un film d’une tristesse absolue et l’un des plus beaux messages de vie que je connaisse », dit Michel Seydoux, son producteur, dans une émouvante collection de témoignages, Ce rêve d’Amérique… ou presque, disponible en bonus.

C’était l’un des films préférés de son directeur de la photographie, Pierre Lhomme

Directeur de la photographie légendaire du cinéma français, responsable de l’image de classiques signés Jean-Paul Rappeneau (Cyrano de Bergerac), Jean-Pierre Melville (L’Armée des ombres) ou Jean Eustache (La Maman et la Putain), Pierre Lhomme avait confié quelques mois avant sa mort, en 2019, que L’Ombre des châteaux était l’un de ses films préférés, l’un de ceux dont il était le plus fier. Le producteur Michel Seydoux avait donné carte blanche à Daniel Duval, lui favorisant l’accès à quelques collaborateurs de renom, comme Pierre Lhomme, donc, ou encore le musicien de jazz Maurice Vander (compositeur de la bande originale) et Bernard Stora (assistant réalisateur). Celui-ci, dans le bonus de l’édition vidéo, se souvient des tensions qui se firent jour lors du tournage entre cette équipe de professionnels très aguerris et un Daniel Duval qui privilégiait les méthodes non conventionnelles, lui qui n’avait jamais fait d’école de cinéma. Mais on peut aussi supposer que c’est de ces tensions que jaillirent l’énergie brute et la rage fiévreuse qui traversent ce film unique.

L’Ombre des châteaux, de Daniel Duval, avec Philippe Léotard, Albert Dray, Zoé Chauveau… En salles et en DVD (Tamasa) le 4 mars. Le film a bénéficié de l’aide sélective à la numérisation des films de patrimoine du CNC.