L'Omnia de Rouen, entre tradition et modernité

L'Omnia de Rouen, entre tradition et modernité

Façade du cinéma Omnia de Rouen
Façade du cinéma Omnia de Rouen Omnia Noe Cinémas
Le cinéma d'art et essai de la ville aux cents clochers se transforme de fond en comble pour se moderniser, tout en renouant avec son passé architectural. Son directeur raconte cette évolution.

Depuis le début du déconfinement, les Rouennais ont retrouvé les plaisirs du cinéma mais sous une drôle de forme. L'Omnia, en travaux pour de longs mois, a installé ses projecteurs depuis le 1er juillet dans un espace éphémère prêté par la municipalité : « Quand les travaux ont été décidés, on s'est tournés vers la ville en leur disant que ce serait dommage d'être fermé pendant un an. On voulait garder le contact avec le public rouennais. L'administration a parfaitement compris et nous a proposé d'investir un bâtiment municipal qui sert d'habitude pour des réceptions ou des expositions. C'est un bâtiment avec des salles pas forcément adaptées pour le cinéma, mais ils nous ont laissé les aménager à nos frais, sans nous faire payer de loyer », raconte le directeur de L'Omnia, Hervé Aguillard. Après avoir réuni un budget de 50 000 euros, son équipe a ainsi reconstitué quatre salles dans cet espace peu conventionnel, avec des échafaudages, des tentures, et de vrais écrans. « On a aussi démonté de vieux fauteuils de L'Omnia en travaux, voués à être jetés, qu'on a réinstallés dans ces salles. La plus grande fait quand même 186 places. Cela va nous permettre de continuer à promouvoir l'art et essai pendant un an. Les spectateurs ont été très agréablement surpris par l'endroit. Ils ne s'attendaient pas à retrouver l'ambiance d'une salle de cinéma dans ce bâtiment.»

Il faut dire que la relation entre les Rouennais et L'Omnia dure depuis près de 70 ans. En effet, au début du XXe siècle, la salle obscure de la ville s'appelait L'Alhambra. Cinéma historique du centre de Rouen jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale, il a été entièrement détruit par les flammes durant le conflit. « Ils ont alors choisi de reconstruire, un peu plus loin dans la même rue, une nouvelle salle, L'Omnia », reprend Hervé Aguillard. Elle ouvre au début des années 1950 et s'impose très vite comme la grande salle du centre de Rouen, accueillant des spectacles populaires comme ceux d'Edith Piaf ou Yves Montand. « Les plus grands y sont passés. L'Omnia faisait partie des grandes scènes de music-hall de l'époque, tout en étant une salle de cinéma, jusque dans les années 1970. Gaumont a alors repris l'endroit, l'a débaptisé, et c'est devenu un complexe de 7 salles. »

260 000 entrées en 2019

Comme beaucoup de salles durant la décennie, ce cinéma de centre-ville est devenu peu à peu moins attractif pour le public face à la concurrence des multiplexes. Gaumont a alors choisi de se désengager et la ville a préféré garder le contrôle du bâtiment. « Elle souhaitait que cela reste un cinéma. Ils ont racheté les murs à Gaumont. Et en 2010, avec Richard Patry, président du groupe Noé Cinémas, nous avons répondu à la délégation de service public et on a été retenus. C'est un cinéma d'art et essai, conformément à ce que demandait la ville de Rouen. » Les nouveaux propriétaires redonnent au lieu son nom originel et L'Omnia trouve rapidement son public, passant de 160 000 entrées en 2010 à 260 000 l'an dernier.

Reste que le bâtiment commençait à devenir vétuste : « On a fait quelques petits travaux d'embellissement quand on a repris les lieux, mais on n'avait pas les moyens de faire de gros travaux. Or les équipements commençaient à devenir très obsolètes et il y avait une urgence. La ville a accepté de prendre en charge une partie des frais, notamment pour la mise aux normes d'accessibilité. Au total, le budget se monte à 7,3 millions d'euros, cofinancé par la région, la métropole et le CNC, détaille le directeur. On a profité du confinement imposé par le coronavirus pour accélérer le début des travaux, fin mai. On a gagné deux mois sur notre calendrier, qui va s'étaler jusqu'à l'année prochaine.»

Renouer avec le passé

Hervé Aguillard explique qu'il est en effet prévu de détruire tout l'arrière du bâtiment pour reconstruire, tout en rénovant entièrement les grandes salles à l'avant. « On va même rajouter une huitième salle d'une quinzaine de fauteuils. Et, au niveau de la façade, on va essayer de renouer avec le passé de l'ancienne salle Omnia des années 1950, avec une grande façade vitrée, proche du style art déco. La grande vitrerie historique de l'époque n'existe plus, elle a été détruite, mais on va la recréer entièrement. Et comme au-dessus du hall, on va créer un ciné-café convivial. Les spectateurs auront une vue très agréable sur la rue grâce à cette grande façade vitrée. »

L’ambition est ainsi de faire entrer ce cinéma de centre-ville dans le XXIe siècle, tout gardant son histoire en tête : « L'idée est de se moderniser, tout en renouant avec le passé de L'Omnia. La première étape fut déjà de retrouver ce nom, en 2010. L'Omnia est enfin revenu après avoir disparu de l'Histoire rouennaise. Et maintenant on tente de ressusciter un peu l'esprit du lieu, avec des équipements modernes et neufs, et tourner la page Gaumont. »

Pour l'heure, en attendant l'été 2021 et sa réouverture rue de la République, L'Omnia s'est délocalisé un peu plus bas, Place de la Basse Vieille Tour, dans cet espace éphémère qui restera ouvert au moins jusqu'à la fin de l'année. « Il va falloir ensuite négocier une prolongation. Au pire, on nous trouvera un nouveau lieu, on investira un autre endroit et on partira alors peut-être vers une deuxième aventure éphémère... »