Comment et quand naît l’idée de ce premier long métrage ?
Nathalie Najem : De l’envie de raconter une histoire d’emprise en partant d’une histoire intime, dans le but de lui donner une dimension universelle. C’est un projet qui a mis du temps à voir le jour, d’autant plus que je travaillais en parallèle comme scénariste sur d’autres films. Mais ce temps-là a été bénéfique. Il m’a permis de visionner d’autres longs métrages sur le même sujet, comme L’Amour et les Forêts de Valérie Donzelli – que j’ai trouvé très fort mais qui m’a aussi poussé à essayer de faire les choses différemment. Avec cette idée centrale de rester dans la tête de mes deux personnages féminins, l’ex et la nouvelle compagne du même homme. De ne jamais anticiper ce qui va leur arriver et de ne pas les regarder comme des personnes aveuglées par la situation à laquelle elles sont confrontées. Avec ce film, je voulais mettre en avant l’intelligence féminine. J’avais déjà réalisé un moyen métrage qui racontait une passion destructrice, Baby Love. Mais là, je voulais raconter le sentiment de peur de manière physique. Que ces femmes puissent se vivre comme des proies et que ma mise en scène soit au service de ce sentiment viscéral. Mais pour y parvenir, j’ai assez vite compris que la façon dont j’allais créer le personnage masculin serait déterminante. Je devais montrer qu’il avait la faculté d’être touchant à certains moments, par sa grande fragilité, mais que celle-ci pouvait vite se métamorphoser en violence. Le choix du comédien était aussi primordial.
Bastien Bouillon arrive par conséquent très tôt dans cette aventure ?
Oui, parce que j’avais déjà travaillé avec lui sur Baby Love et que cette rencontre artistique avait été très forte. Et puis, sur une des dernières versions du scénario, j’ai soudain eu un doute. Je me suis dit qu’on allait peut-être refaire la même chose en moins bien, puisque les deux personnages dégageaient le même trouble. Avant de me convaincre de l’évidence de ce choix. Bastien incarne spontanément ce que je recherchais : une fragilité qui, en un claquement de doigts, peut susciter l’effroi. Je savais aussi que je pourrais m’appuyer sur la confiance née de notre première collaboration. Ce qui s’est vérifié sur le tournage : s’il a pu s’inquiéter que son personnage soit trop antipathique ou qu’on le déteste, il s’est malgré tout abandonné en devançant parfois mes attentes parce qu’il avait confiance en mon regard.

Mariette Désert et Olivier Gorce ont collaboré à l’écriture du scénario. Comment s’est réparti le travail entre vous ?
Ce fut deux consultations. La première a eu lieu avec Mariette [Désert] au tout début de mon travail d’écriture, à un moment où la question de la sororité entre mes deux personnages féminins était moins développée, où l’intrigue était vraiment centrée sur Laura interprétée par Zita Hanrot. J’avais alors envie d’aller un peu plus loin dans le thriller et nous avons travaillé sur la reconstruction du personnage de Laura. Olivier [Gorce] est arrivé, lui, en fin de parcours au moment où le genre était un peu plus affirmé. Nous avons fabriqué une structure un peu plus complexe avec une temporalité moins linéaire… que j’ai finalement abandonnée au montage. Mais tous les jalons que nous avions posés pour nous inscrire encore plus profondément dans le thriller ont été conservés. Il y a eu bien sûr des obstacles liés à la complexité d’aborder des sujets d’actualité. Certains de nos interlocuteurs ne voulaient pas en entendre parler, d’autres trouvaient au contraire que le sujet avait déjà été trop traité. Mais moi, je savais où je voulais aller : mon idée était de pouvoir s’identifier aux personnages féminins, qu’il n’y ait pas de jugement sur le processus et sur le sentiment d’attachement vécu qu’on appelle emprise mais que, lorsqu’on le vit, on perçoit comme de l’amour.
Comment avez-vous créé l’univers visuel du film et ce climat de tension qui le caractérise avec votre directrice de la photographie Justine Bourgade ?
Je connais Justine [Bourgade] de très longue date et sa présence symbolise l’aspect très familial et très soudé de l’équipe de mise en scène. Justine n’a pas été cheffe opératrice sur beaucoup de longs métrages donc il y avait un enjeu fort pour elle. Nous avons évidemment discuté de références en amont. Certaines que nous n’avons pas pu utiliser comme Roma d’Alfonso Cuarón – dont j’adore la sophistication – car nous n’avions pas le budget pour aller sur ce terrain-là. Mais nous avons aussi beaucoup échangé sur La Balade sauvage de Terrence Malick qui parle d’emprise avec une très belle photographie, quelque chose d’assez planant, vers lequel je voulais tendre. Nous avons aussi regardé L’Impasse de Brian De Palma et French Connection de William Friedkin pour les scènes de poursuite.
Combien de temps a duré le tournage ?
Vingt-huit jours avec énormément de décors. Le plus grand enjeu, la plus grande difficulté, a été de tout de faire tenir en aussi peu de temps. Ce fut une course permanente.

Deux personnes sont créditées au montage : Albertine Lastera et Laurence Briaud. Comment les avez-vous rencontrées ?
Le hasard veut que j’aie rencontré Albertine [Lastera] dans ma jeunesse car elle avait monté le documentaire d’un réalisateur dont je suis proche. Je me souvenais de sa pertinence. Son travail au fil des années (La Vie d’Adèle, Quand on a 17 ans, Les Pires…) m’avait donné envie de collaborer avec elle. Puis le montage a ensuite été repris par Laurence Briaud, la monteuse attitrée d’Arnaud Desplechin. Ce passage de relais raconte l’aspect complexe de cette étape pour ne pas dévier du film que j’avais en tête.
Sur quels points plus précisément ?
Par rapport au personnage de Bastien [Bouillon] qui a été un enjeu d’écriture, de tournage – même si ce fut le moment le plus évident pour moi – et donc logiquement de montage. Mais ce qui nous a vraiment mis en difficulté et qui continue d’être un petit grain de sable, pour être honnête, c’est le montage parallèle entre les histoires des deux personnages féminins dans la première moitié du film. La manière dont on passe de l’une à l’autre, du monde de l’une au monde de l’autre. J’aurais aimé avoir plus de matière car j’étais très à l’os, ayant coupé des scènes au tournage pour tenir les délais. Ce qui fait que j’ai forcément perdu en souplesse sans, je l’espère, avoir abîmé l’essentiel.
AUX JOURS QUI VIENNENT

Réalisation et scénario : Nathalie Najem
Production : 31 Juin Films
Distribution : Paname Distribution
Ventes internationales : Indie Sales
Sortie le 23 juillet 2025
Soutien sélectif du CNC : Aide sélective à la distribution (aide au programme 2025)