Nicole Garcia, Madame la Présidente

Nicole Garcia, Madame la Présidente

24 août 2021
Cinéma
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Nicole Garcia dans L'Origine du monde
Nicole Garcia dans "L'Origine du monde" Laurent Champoussin - Studio Canal
Du 24 au 29 août, Nicole Garcia présidera le jury du Festival du film francophone d’Angoulême, chargé de trouver le successeur d’Ibrahim de Samir Guesmi, lauréat du Valois d’or en 2020. Celle qui présentera aussi hors compétition L’Origine du monde de Laurent Lafitte et son propre film Amants évoque pour le CNC ce qui la séduit dans ce rôle et ses expériences précédentes à Cannes, Deauville et Venise.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’accepter la proposition de Dominique Besnehard d’être la présidente du jury du Festival du film francophone d’Angoulême 2021 ?

D’abord une grande curiosité pour ce festival qui a réussi à grandir assez vite et à se faire en quatorze ans une place au soleil dans un univers et un paysage pourtant hyper concurrentiels. Les gens que je croisais et qui en revenaient étaient tous heureux des moments passés sur place, des échanges avec le public. Or je n’avais jamais eu l’occasion d’y aller comme réalisatrice ou comme comédienne. J’ai donc eu envie de découvrir cette manifestation à mon tour. Je suis encore plus impatiente de le faire en 2021, année encore chahutée et difficile pour le cinéma. L’idée de se réunir à la fin de l’été pour voir ensemble des films – dont certains attendent depuis si longtemps de rencontrer leur public – me ravit et n’a fait qu’accélérer encore plus mon désir. J’y vais en tout cas avec une grande curiosité.

Comment abordez-vous ce rôle de présidente du jury ?

C’est une des rares fois dans nos métiers où on n’a rien à préparer de spécifique et ça fait un bien fou ! (Rires.) Le but est vraiment de se laisser surprendre par des œuvres, donc précisément de ne rien en entendre de spécifique. J’ai souvent eu la chance d’être jurée ou présidente du jury et j’ai adoré chacune de ces expériences. Être dans l’attente du noir qui se fait dans la salle pour entrer dans l’univers de quelqu’un. Ce sont les films et eux seuls qui vont décider de ce que sera cette édition. Comme jurés, nous n’avons qu’à nous laisser porter, qu’à accompagner le mouvement.

Quel souvenir gardez-vous de votre expérience de jurée au Festival de Cannes 2000 où sous la présidence de Luc Besson vous aviez couronné Dancer in the Dark de Lars von Trier ?

Il y a évidemment une pression particulière au Festival de Cannes. Cette sensation un peu folle de rentrer dans une bulle que rien ne viendra percuter pendant dix jours, que le monde commence et finit à Cannes en quelque sorte. (Rires.) Qu’on scrute votre visage à chaque fois que vous sortez d’un film pour chercher à deviner si vous l’avez apprécié ou non. C’est drôle et absurde en même temps ! Mais plus les années passent, plus ce qui reste en mémoire, ce sont d’abord et avant tout les films. En l’occurrence cette année-là, la découverte de Yi Yi d’Edward Yang et d’In the Mood for Love de Wong Kar-Wai. D’ailleurs, comme il y a prescription, je peux dire que nous étions plusieurs à ne pas être d’accord avec notre président qui souhaitait donner la Palme à Dancer in the Dark et qui a fini par gagner à une courte majorité… Mais je le répète, ce que j’ai toujours dans un coin de ma mémoire, ce sont les œuvres. Et je pourrais dire la même chose pour la Mostra de Venise 2019 sous la présidence de Guillermo del Toro avec la projection de Roma. Celle de Party Girl de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis quand, en 2014, j’ai été présidente du jury de la Caméra d’or à Cannes. Ou encore de ma découverte, éblouie, de Ryan Gosling dans Half Nelson de Ryan Fleck, en 2006, alors que je présidais le jury du Festival du cinéma américain de Deauville. La trace des films ne s’efface jamais.

Comment vous comportez-vous au sein d’un jury ? Vous prenez facilement la parole pour défendre vos goûts ?

Chaque jury est différent. Ainsi, Luc (Besson) était éminemment sympathique, mais aussi très expéditif. À l’inverse, Guillermo del Toro passait beaucoup de temps à écouter chacun. Il ne voulait surtout pas être accusé d’imposer quoi que ce soit, surtout Roma signé par son compatriote et ami Alfonso Cuarón. D’ailleurs, au moment des délibérations, quand toutes les mains sans exception se sont levées pour voter pour Roma, ce fut un instant d’exception. L’unanimité peut parfois avoir quelque chose d’émouvant. Alors que souvent, un jury est plutôt le lieu des discussions, des oppositions. D’ailleurs, dans tout cet exercice, choisir et classer n’est pas ce que je préfère. Même si évidemment on ne peut pas l’éviter, c’est le jeu… et la chance de celle ou celui qui va l’emporter et gagner en visibilité pour son film.

Pour moi, le meilleur moment reste vraiment le temps des projections et des surprises possibles même si elles sont rares. L’émergence d’un cinéaste ou d’un acteur. C’est ce que j’attends de vivre à Angoulême dans cette sélection concoctée par Dominique Besnehard et Marie-France Brière.