Richard Lecocq : « Pour Michael Jackson, ses clips étaient des courts métrages »

Richard Lecocq : « Pour Michael Jackson, ses clips étaient des courts métrages »

16 novembre 2018
Cinéma
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Michael Jackson dans This Is It
Michael Jackson dans This Is It Sony Pictures Releasing France

La nouvelle exposition du Grand Palais, "Michael Jackson : On the Wall" (23 novembre 2018 – 14 février 2019), met en avant la place de la pop star, décédée en 2009, dans l’art contemporain. Mais Michael Jackson n’a pas attendu Jeff Koons ou David LaChapelle pour devenir une icône visuelle. Richard Lecocq, spécialiste de Michael Jackson, rédacteur en chef de la revue JAM et président de l’association MJStreet, nous explique la relation que le King of Pop entretenait avec le cinéma.


Quel rapport entretenait Michael Jackson avec le cinéma ?
L’amour de Michael Jackson pour le cinéma remonte à l’enfance. Il découvre le monde d’Hollywood quand il arrive à Los Angeles, dans les années 1970, au moment où la Motown [NDLR : sa maison de disque, spécialisée dans la musique afro-américaine] produit des films mettant notamment en avant Diana Ross. Le cinéma devient rapidement une passion. Il a treize ans lorsqu’il enregistre "Ben", la chanson du film éponyme réalisé par Walter Scharf en 1972. Il a raconté qu’il allait au cinéma pour voir son nom apparaître à l’écran au moment du générique. Le cinéma le fascinait, alors qu’il avait déjà un immense succès avec ses frères, au sein des Jackson Five. Il est très attentif à son image, dès ses débuts à la télévision, à la fin des années 1960. La part accordée à l’image ne cessera de croître au fil de sa carrière.

Il voulait percer dans le cinéma mais n’a jamais réussi. Comment expliquer cet échec ?
Il y avait d’énormes enjeux économiques autour de Michael Jackson. Il pouvait difficilement sortir du schéma imposé par l’industrie musicale, selon lequel les artistes devaient enchaîner album, single et tournée. Malgré sa participation à quelques projets - The Wiz en 1978 et Moonwalker en 1988 - et sa relation avec Steven Spielberg, il n’a pas su ouvrir les portes du cinéma. Ses plans ont été contrariés, à chaque fois, par des jeux d’influence. Certaines personnes ont fait en sorte de le maintenir à l’écart du cinéma, car ils ont compris qu’il pouvait devenir encore plus puissant qu’il ne l’était déjà - il possédait le catalogue des Beatles à l’époque. Dans les années 1990, il a voulu racheter les droits de Spider-Man puis les studios Marvel, mais ça ne s’est pas fait. Il a dû faire seul ses derniers projets, comme Orson Welles à la fin de sa vie, finançant lui-même le moyen-métrage Ghost, quitte à perdre de l’argent. Son rêve de cinéma ne s’est malheureusement pas réalisé comme il l’aurait souhaité.

Ses clips étaient l’occasion de jouer au gangster, à l’homme de la rue, au monstre … Peut-on dire qu’il se servait de ses clips vidéos pour assouvir son désir de cinéma ?
J’ai toujours considéré ses clips comme faisant partie de sa filmographie. Pour Michael Jackson, ses clips étaient d’ailleurs des courts métrages. C’est en grande partie à lui que l’on doit l’introduction de la narration dans les clips. Les siens étaient innovants et surprenants. Il y incarnait toujours des êtres exceptionnels, au-dessus de tout, des personnages salvateurs et fascinants. Il se servait de ses clips pour se présenter comme un super-héros.

Et comme une figure engagée ?
Son engagement humanitaire naît au début des années 1970, lorsqu’il participe à un concert caritatif avec les Jackson Five, mais il n’écrit des chansons à message qu’à partir des années 1980. En 1985, il compose "We Are The World" avec Lionel Richie pour attirer l’attention des pays occidentaux sur la famine en Afrique. Il se met parfois en scène dans ses clips, comme dans "Earth Song", qui montre une planète ravagée par la guerre, la déforestation et le braconnage. Mais il n’hésite pas non plus à s’effacer derrière le propos de la chanson, comme dans le clip de "Man In The Mirror", où il n’apparaît que dans un seul plan, le reste de la vidéo étant constitué d’images d’archives. Michael Jackson a compris qu’il pouvait servir les causes qui lui tenaient à cœur sans pour autant mettre en avant son image de star.

Quel impact ont eu ses clips pensés comme des films sur le mythe Michael Jackson ?
L’image de Michael Jackson est indissociable de ses clips, qui étaient de véritables évènements à l’époque. Dès "Bille Jean" et "Beat It", il impose quelque chose de très fort visuellement. À tel point qu’il est très difficile d’écouter sa musique sans avoir en tête les images de ses chorégraphies. Le vidéo-clip lui a permis de se créer une image de marque. Des chorégraphies aux costumes, tous les éléments de ses clips ont contribué à la construction du mythe. Première star de la pop à avoir su s’emparer du médium vidéo, Michael Jackson est peut-être le premier artiste multimédia.

Le nouveau livre de Ricard Lecocq, Michael Jackson, La Totale : Les 263 chansons et 41 clips expliqués, coécrit avec François Allard, est paru le mois dernier aux Editions E/P/A.

L’exposition Michael Jackson : On the Wall est à visiter au Grand Palais du 23 novembre 2018 au 14 février 2019.