Thierry Blondeau : « Coin de Mire Cinéma se concentre sur les films qui n’ont jamais été édités en vidéo auparavant »

Thierry Blondeau : « Coin de Mire Cinéma se concentre sur les films qui n’ont jamais été édités en vidéo auparavant »

23 avril 2020
Cinéma
Porte des Lilas de René Clair
Porte des Lilas de René Clair Rizzoli Film - Filmsonor Marceau - Cinétel - Cinédis - DR - TCD
Depuis l’île Maurice où il réside, cet ancien entrepreneur du BTP passionné de cinéma s’est lancé dans la restauration et l’édition de films rares du patrimoine français. Sa société Coin de Mire Cinéma entend ainsi faire revivre un passé partiellement oublié.

Votre société Coin de Mire édite en vidéo des films français du répertoire, pour la plupart en copies restaurées. Comment cette passion pour le cinéma est-elle née ?

Elle date de mon enfance parisienne et l’ambiance des petits cinémas de quartier. J’ai tout de suite nourri un amour pour les « vieux » films français. Après l’achat de mon premier magnétoscope, j’ai commencé à me faire ma propre collection. Puis est venu le temps du DVD, puis du Blu-Ray. Malheureusement, un grand nombre de titres restaient et restent toujours curieusement absents des catalogues. Si jusqu’alors ma vie professionnelle m’avait tenu éloigné de cette passion, la vente de mon entreprise spécialisée dans la vente et la location de gros équipements à destination du BTP m’a incité à me lancer dans l’édition vidéo. Nous avons créé Coin de Mire Cinéma en 2017.

Comment passe-t-on du BTP au cinéma ?

Le hasard des rencontres. Tout s’est joué via une plateforme de financement participatif, Celluloid Angels, entièrement dédiée à la préservation et à la restauration des films du patrimoine. Grâce à eux, je suis entré en contact avec les principaux responsables des grandes maisons d’édition vidéo. Nous leur avons expliqué notre démarche : éditer en Haute Définition certains films de leur catalogue qu’ils n’exploitent pas. L’idée était également de s’occuper de films dont les ayants droit ne savaient pas trop quoi faire. Notre catalogue est aujourd’hui riche de 25 titres déjà disponibles dans une collection baptisée : La séance.

Quelle est la spécificité de cette collection ?

Faire revivre l’ambiance des cinémas de quartier en proposant une vraie séance de cinéma « à l’ancienne » avec : actualités, bande-annonce, réclames publicitaires et bien sûr le film dans une qualité optimale.

A cela s’ajoute la reproduction dans un magnifique coffret de l’affiche d’époque, de photos d’exploitation et de documents d’archives tels que des dossiers de presse, des manuels de publicité…

Comment travaillez-vous à la restauration des films depuis l'île Maurice où vous résidez ?

J’habite, en effet, avec ma famille, sur l'île Maurice depuis 10 ans mais notre société est basée à Paris. Nous nous y rendons deux à trois fois par an pour effectuer nos démarches. C’est à ces occasions que nous prenons les contacts et tentons de convaincre les ayants droit des titres que nous recherchons. Pour ce qui est de la restauration des films, plusieurs cas de figure existent. Soit le producteur dispose d’un master haute définition que nous vérifions préalablement avant validation, soit le master haute définition est inexistant ou de qualité insatisfaisante, et nous proposons à l’ayant droit de l’aider à trouver les financements pour réaliser une restauration. Il arrive dans certains cas que nous assurions entièrement la restauration. Il est certain que les aides du CNC dans le cadre de l’aide à l’édition sont primordiales.

Y a-t-il une forte communauté cinéphile à l’île Maurice ?

L’Ambassadeur de France sur place en est un lui-même. Il nous a d’ailleurs demandé d’imaginer des séances de projection au Centre culturel français de l’Ambassade, à destination des Mauriciens et des francophones vivant dans le pays.

Prenons, un titre phare comme La Vérité d’Henri-Georges Clouzot. Comment avez-vous assuré son édition et sa restauration ?

Son absence du coffret « intégrale » Clouzot paru il y a trois ans nous a intrigués. C’est un film qui n’avait étrangement jamais bénéficié d’une édition HD alors même qu’il existe un master 4K. Nous sommes entrés en contact avec Ghislaine Gracieux de Ciné Patrimoine Concept, responsable de la succession Clouzot. Avec son aide, nous avons réussi à convaincre Sony de nous confier ce titre exceptionnel et magnifiquement restauré par L’image retrouvée. Nous avons également édité Les Espions de Clouzot avec les équipes de TF1 Studio.

Comment choisissez-vous précisément les titres que vous éditez ?

Il faut d’abord que le film nous plaise évidement. Nous nous concentrons principalement sur les titres jamais édités en vidéo. Il arrive parfois que les démarches à effectuer pour retrouver les ayants droit et entamer une restauration prennent plusieurs années.

Selon quelles expertises validez-vous les restaurations que vous entreprenez ? Faites-vous appel à des techniciens ?

Nous vérifions toujours le master nous-même. Nous sommes attachés à ce que le grain de la pellicule soit parfaitement visible et en aucun cas lissé. Idem pour l’étalonnage. Nous sommes attentifs aux contrastes, à la profondeur des noirs. Il faut respecter l’origine de l’image argentique. La transformer en image numérique pure est une aberration. Pour le son, nous souhaitons la même qualité. Nous vérifions l’absence de souffle ou de craquement, tout en s’assurant qu’il n’y ait pas de saturations sur les voix, les bruitages ou les musiques. Une fois que nous validons les masters, ceux-ci sont transférés à notre partenaire L’atelier d’images qui, à son tour, vérifie le matériel.

De quels titres êtes-vous particulièrement fier ?

Difficile de répondre. Je vous citerai donc le premier film sur lequel nous avons travaillé, Porte des Lilas de René Clair qui date de 1957. La restauration est assez incroyable. On a l’impression que le film a été tourné aujourd’hui. Il y aussi Les Grandes Familles, second film de Denys de la Patellière sorti en 1958. L’exemple type d’un grand classique du patrimoine français qui n’a jamais connu de restauration.