VOD et confinement : "La force de LaCinetek, c'est notre valeur prescriptrice"

VOD et confinement : "La force de LaCinetek, c'est notre valeur prescriptrice"

14 avril 2020
Cinéma
LaCinetek
LaCinetek DR
Rencontre avec Jean-Baptiste Viaud, le délégué général de La Cinémathèque des Réalisateurs, qui nous raconte l'évolution de sa plateforme de VàD, LaCinetek, depuis sa création, en 2015 jusqu’à la période du confinement.

Comment est née LaCinetek ?

Notre site de VàD a été créé en novembre 2015 par trois réalisateurs, Pascale Ferran, Cédric Klapisch et Laurent Cantet, et par un producteur, Alain Rocca, qui opérait déjà la plateforme d’UniversCiné. Ensemble, ils ont pris conscience qu'en offre légale, il existait très peu de place faite au cinéma de patrimoine et aux films classiques. Ils ont surtout constaté qu'ils ne savaient pas comment revoir les films de leur enfance, tous ceux qui les avaient marqués dans leur jeunesse mais qui sont aujourd’hui peu montrés à la télévision - où les ciné-clubs et les émissions cinéphiles ont été réduits. Ils ont donc eu l'idée de demander à des réalisateurs du monde entier la liste de leurs 50 films préférés du XXe siècle. C'est l'addition de tous les longs métrages cités qui donne le catalogue de LaCinetek. On a agrégé à peu près 2 200 films cités et 1 400 sont disponibles à la location.

En plus de la location, vous avez également choisi d’éditorialiser votre offre

Oui et pour ce faire, on tourne des bonus exclusifs, des entretiens avec les cinéastes pour évoquer en détail certains de leurs coups de cœur. Pourquoi ont-ils été marqués à ce point par les œuvres qu’ils citent ? Ont-elles inspiré des scènes de leurs propres films ? On a aussi un partenariat avec l'INA qui nous offre l'accès à des archives. Toute cette partie là est gratuite ; ce qui est payant, c'est la location des films, à l'unité ou par abonnement.

Quel système avez-vous mis en place pour la location des films ?

Nous avons deux offres principales. La formule qui marche le mieux, c'est celle "à la carte" : la location à l'unité, à 2,99 euros. D'ordinaire, certaines œuvres sont proposées à 1 euro de plus en HD, mais pendant le confinement, tout le catalogue reste à prix fixe, sauf les courts métrages, qui sont moins chers, évidemment. Il y a aussi la sélection du mois : dix films qui illustrent une thématique et qui changent tous les 10 du mois, pour 2,99 euros par mois. Donc pour le prix d'une seule œuvre, on peut en voir dix. A l'année, cette formule s'élève à 30 euros. Enfin, l'abonnement annuel+ coûte 52 euros et comprend la sélection mensuelle de dix films, ainsi que douze œuvres supplémentaires à sélectionner dans l'ensemble du catalogue. Ça permet d'utiliser pleinement les deux modèles de la plateforme.

Concrètement comment fonctionne la sélection du mois ?

Si vous prenez celle du moment, elle s'intitule "Au cœur de la nuit" et propose des longs métrages éclectiques sur ce thème comme Le Dernier métro de François Truffaut, les Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau et de Werner Herzog (ce qui permet de comparer deux films sur le même sujet réalisés à deux époques différentes), Ma nuit chez Maud d'Eric Rohmer, Sourires d'une nuit d'été d'Ingmar Bergman ou encore Le Sixième sens de Michael Mann. Pour les locations à l'unité, la liste de 50 films de Jaco Van Dormael (Le Huitième jour, Le Nouveau Testament...) est mise en avant, et nous avons aussi des cycles - toujours à louer à l'unité. Le temps du confinement, on a fait une sélection intitulée "Un peu de réconfort", qui comprend des films qui remontent le moral comme Chantons sous la pluie, Peau d'âne ou Didier d'Alain Chabat. La thématique "Le Temps retrouvé" propose des œuvres de longue durée. On s'est dit que des cinéphiles pourraient avoir enfin le temps de les regarder ! Ils sont classés par durée : "3h devant soi" comprend par exemple Casino de Martin Scorsese, ou Barry Lyndon de Stanley Kubrick. "4h devant soi" met en avant La Belle Noiseuse, de Jacques Rivette ou A Brighter Summer Day d'Edward Yang, etc. Enfin, sous le label "Evasion", nous mettons en avant des films tournés dans des décors naturels grandioses, de Lawrence d'Arabie à Before Sunset en passant par L'Avventura. Quand on est confinés, ça permet de voir des grands espaces, d'oublier un peu les quatre murs dans lesquels on est enfermés.

LaCinetek DR/LaCinetek

Parmi tous ces films, y a-t-il aussi des inédits ?

Absolument ! On s'est rendu rapidement compte qu'avec la prescription des réalisateurs, on se retrouverait avec des pépites méconnues, alors on a cherché à en acquérir les droits. Bien sûr, ils citent des grands classiques comme La Prisonnière du désert ou Les Parapluies de Cherbourg, mais il y a également des œuvres plus confidentielles, qu'on est les seuls à proposer. Sur les 1 400 films disponibles sur LaCinetek, plus de 400 étaient inédits en VàD au moment de leur mise en ligne.

Vous évoquiez des sélections spéciales durant le temps du confinement, ainsi qu'un prix fixe pour la location à la carte. Avez-vous mis en place d'autres mesures ?

Comme je le disais, l'éditorialisation est très importante pour nous, et encore plus en ce moment : on a décidé de prendre les spectateurs par la main, de leur faire des propositions qui font sens, qui peuvent les réconforter, les aider ou simplement les intéresser. Pour cela, en plus d'une mise en page ludique sur le site, on communique beaucoup via les réseaux sociaux, et au sein d'une newsletter bien fournie, partant du principe que la force de LaCinetek, c'est notre valeur prescriptrice : encore une fois, tous les films proposés ont été choisis par des cinéastes qui les conseillent personnellement pour différentes raisons. Cela nous offre un catalogue particulièrement riche. D'ailleurs, le confinement nous a déjà profité : c'est une période propice à la vidéo à la demande. Avec LaCinetek, on propose une alternative aux grandes plateformes telles que Netflix, Amazon etc., et ça marche ! On a constaté une hausse de la fréquentation ces dernières semaines. En quinze jours, elle a été multipliée par quatre. Le nombre de visionnages et de souscriptions aux abonnements a augmenté en parallèle. C'est très enthousiasmant de voir les spectateurs se tourner ainsi vers les plus belles œuvres du cinéma du XXe siècle.