Quelle est l’origine de cette série télévisée, qui a connu cinq saisons entre 2005 et 2017 ?
A l’origine, c’est la société Storimages qui a approché les auteurs de la bande dessinée, Derib (dessinateur) et Job (scénariste). On m’a ensuite proposé de réaliser la série, ce que j’ai accepté avec enthousiasme - je suis un grand fan de la BD - mais aussi avec angoisse : je craignais de ne pas arriver à animer correctement certains animaux. On a donc commencé par faire des tests d’animation et de design qu’on a soumis aux auteurs. Ils ont été enchantés. Ça a été le début d’une longue aventure.
L’idée d’un long métrage vous trottait-elle dans la tête depuis longtemps ?
Dès la saison 2 ! (rires) Les grands espaces, la dimension humaniste et onirique, les animaux, l’éveil au monde d’un petit garçon... Il y avait évidemment la matière pour un film. A l’époque, c’était un rêve un peu fou que le succès de la série a progressivement rendu possible. Il faut savoir qu’elle n’a pas seulement marché en France et en Belgique mais aussi en Allemagne, notamment. L’idée d’une coproduction entre ces trois pays a fait lentement son chemin.
Le film est une “origin story”, librement inspirée du premier album, qui raconte la rencontre entre Yakari, son mentor spirituel Grand Aigle (qui lui donne le pouvoir de parler aux animaux) et le cheval sauvage, Petit Tonnerre.
Au début, il était question d’écrire une histoire totalement originale mais Derib et Job étaient très vigilants sur le respect de la BD et de leur message. Pas mal de scénaristes ont travaillé sur des idées mais elles ont toutes été écartées par la production et moi, parfois par Derib et Job. Les producteurs ont fini par me demander directement d’imaginer l’histoire en me suggérant de revenir aux origines du héros. J’ai notamment relu le premier album à partir duquel j’ai écrit un séquencier qu’on a présenté aux auteurs en leur précisant qu’il ne s’agissait que d’une structure de base. Pour le cinéma, il faut développer les interactions, rentrer dans les détails... On a par conséquent rajouté ensuite des tas de choses pour enrichir la dramaturgie.
Quel a été l’apport de l’Allemand Toby Genkel, crédité comme coscénariste et coréalisateur ?
L’apport de l’Allemagne dans la coproduction a été élevé (25%) et induisait un coréalisateur allemand. Toby a d’abord fait une proposition d’histoire qui n’a pas été retenue mais sa participation a été décisive au moment du story-board, exécuté en Allemagne. C’est un gagman, dont la culture est très proche de l’animation américaine ; il a imprimé sa touche comique ici et là. Il a également participé à l’élaboration des décors en noir et blanc, puis a supervisé, à la fin, le doublage de la version allemande.
Comment avez-vous conçu l’animation, ce rendu 2D sur fond de 3D ?
Artistiquement, on est repartis de zéro, sans faire référence à la série. Aucun dessin, aucun modèle n’a été repris. Avec les dessinateurs, je me suis appuyé sur les albums en “redesignant” les personnages, les objets, des séquences... Si vous comparez avec la série, le look et le rendu sont très différents. Nous avons utilisé un logiciel 3D connu, Maya, avec de nouveaux plug-ins développés exprès pour le film. Ce qui nous a permis d’affiner la lumière, le trait, les mouvements, les textures, les décors qui apportent un supplément d’âme au film. Tout est affaire de nuances. Pour les animaux, on ne souhaitait par exemple pas d’anthropomorphisme en dépit de leur dialogue constant avec Yakari. Petit Tonnerre reste un cheval avant tout. Il doit certes être attachant mais en conservant son côté animal.
La musique est également importante.
Guillaume Poyet a fait un travail extraordinaire. Comme tous les gens de talent, il est dans l’écoute et le partage. Sa bande originale immersive (on est dans la tête de Yakari), parfois lyrique, ne prend jamais le pas sur la narration.
Vous n’en avez pas fini avec Yakari dont vous avez écrit un album, qui sortira en octobre.
Vous êtes bien renseigné ! Le film n’était pas fini qu’on m’a appris que Derib et Job souhaitaient que j’écrive le 41ème album. La cerise sur le gâteau... J’ai demandé à l’éditeur (Editions Le Lombard) de m’envoyer des scénarios de BD pour voir comment c’était conçu - c’est très différent du cinéma ou de la télévision. J’ai feuilleté des scripts de Thorgal, de XIII, etc. Derib m’a aussitôt prévenu : “Tu ne me décris pas des plans, tu me rédiges simplement une histoire.” Je lui ai fait lire quelque chose comme seize pages, très denses, qu’après concertation, on a réduit à... trois ! J’étais alors en phase de post-production du film, j’avais un peu de temps, ce fut une parenthèse très enrichissante.
Si Yakari marche en salles, une suite est-elle envisageable ?
C’est encore trop tôt pour le dire. Nous aurions l’embarras du choix, l’univers de la BD est tellement vaste... Le rapport de l’homme à la nature est quelque chose de très actuel, surtout en ce moment. On voit, depuis le déconfinement, des citadins se tourner vers la campagne, observer de nouvelles règles, plus simples. Yakari parle d’harmonie entre l’homme et son environnement, on est pile là-dedans.
Yakari, qui sort ce mercredi 12 août, a reçu l’Aide à la création de musique de films, l’Aide à la création visuelle ou sonore et l’Aide à la coproduction franco-allemande du CNC.