Yves Robert, le cinéma sur tous les fronts

Yves Robert, le cinéma sur tous les fronts

19 juin 2020
Cinéma
La Guerre des boutons
La Guerre des boutons Les Productions de La Guéville - Zazi Films - DR - T.C.D
Voilà 100 ans, le 19 juin 1920, naissait Yves Robert. Acteur, scénariste, producteur, réalisateur, il a multiplié les expériences sur grand et petit écran.

Yves Robert, l’acteur : Le Cinéma de Papa de Claude Berri (1970)

Il fut tour à tour typographe, livreur, pâtissier et même modèle au Musée Grévin. Mais le destin d’Yves Robert bascule ce jour de 1943 où il quitte Paris pour Lyon et intègre la troupe Grenier-Hussenot. Il devient alors un comédien de théâtre remarqué puis primé lors de son retour à Paris en créant sur scène des pièces de Jean Anouilh (Colombe) ou Marcel Aymé (La Tête des autres). Assez vite, le cinéma l’emploie. Il débute dès 1948 avec un film sur le football, Les Dieux du dimanche de René Lucot avant que Marcel Carné ne le choisisse en 1950 pour Juliette ou la clé des songes. Yves Robert apparaîtra dans près de 60 longs métrages jusqu’à Disparus de Gilles Bourdos en 1998, et ce sous la direction de cinéastes aussi divers qu’Agnès Varda, Claude Lelouch, Claude Sautet, Marc Allégret, René Clair, Bertrand Tavernier…

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Mais c’est en 1970 qu’il trouve un de ses plus beaux rôles dans le très autobiographique Cinéma de Papa de Claude Berri. Ce dernier y rend hommage à sa famille et confie à Yves Robert le rôle de son père, artisan fourreur parisien d’origine polonaise. Le Cinéma de Papa débute là où Le Vieil homme et l’enfant s’était achevé, au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Et Berri en écrit le scénario avec l’aide de son père qu’il considère comme le vrai acteur de sa famille au point de vouloir le diriger. Henri Roger Langmann s’éteint avant la mise en route du tournage. Et Berri choisit donc Yves Robert pour l’incarner dans ce film qui sera loué à sa sortie par François Truffaut.

 

Yves Robert, le réalisateur : La Guerre des boutons (1962)

Au théâtre, Yves Robert était très vite passé en parallèle à la mise en scène. Il en va de même au cinéma où il réalise son premier court métrage, Les Bonnes manières dès 1951 avant de passer au format long sept ans plus tard avec Ni vu, ni connu qui marque l’une des premières apparitions de Louis de Funès devant une caméra. Yves Robert signera 21 films jusqu’à Montparnasse-Pondichéry en 1993. On se souvient de Bébert et l’omnibus, Alexandre le bienheureux, Le Grand blond avec une chaussure noire et les deux diptyques Un éléphant, ça trompe énormément/Nous irons tous au Paradis et La Gloire de mon père/Le Château de ma mère. Mais son plus gros succès – 10 millions d’entrées - remonte à 1962 avec La Guerre des boutons que seul Le Jour le plus long dépassa cette année. La Guerre des boutons raconte l’affrontement entre les écoliers de deux communes voisines, Longeverne et Velrans, où l’arrachement des boutons aux gamins faits prisonniers relève de l’humiliation suprême. Ce roman écrit par Louis Pergaud en 1912 avait déjà été l’objet d’une adaptation en 1936 par Jacques Daroy et Eugène Deslaw avec La Guerre des gosses. Mais Yves Robert le revisite en y adjoignant les souvenirs de sa propre enfance et en déplaçant le temps du récit, de la fin du XIXème siècle à la France de De Gaulle, avec l’aide de François Boyer (Jeux interdits). Comme personne ne veut de ce scénario, Yves Robert produit le film lui-même et va faire appel à la Warner Bros pour le distribuer. Comme la major américaine n’a alors aucun réseau en France, La Guerre des boutons ne sort que dans 4 salles avant que le bouche-à-oreille ne change la donne.

 

 

 

Yves Robert, le scénariste : Bonjour sourire de Claude Sautet (1956)

Scénariste de ses propres films, Yves Robert a aussi par trois fois écrit pour les autres : L’Homme à la chaussure rouge (remake américain de son Grand blond avec une chaussure noire réalisé par Stan Dragoti en 1985), Les Malheurs d’Alfred de Pierre Richard (dont il est aussi l’un des interprètes) en 1972, mais sa toute première expérience de scénariste remonte à 1956 avec Bonjour sourire de Claude Sautet. Les deux hommes se connaissent bien. Cinq ans auparavant, Sautet fut l’assistant d’Yves Robert sur le tournage de son premier court métrage Les Bonnes Manières. Plus tard, en 1980, Sautet lui demandera de jouer le père de Patrick Dewaere dans Un mauvais fils. Pour son premier long métrage, le futur réalisateur des Choses de la vie aborde un genre qu’il ne revisitera plus jamais par la suite : la comédie. On y suit les aventures du premier ministre de la principauté de Monte-Marino qui va tout mettre en œuvre pour redonner à l’héritière du trône le sourire qu’elle a perdu. Son objectif : l’épouser et devenir roi. Et pour cela, cet ambitieux va convoquer quelques-uns des comiques de l’époque, Annie Cordy et Henri Salvador en tête. Bonjour sourire va réunir plus d’1,2 million d’entrées mais Sautet le reniera et changera totalement de cap quatre ans plus tard avec Classe tous risques.

 

Yves Robert, le producteur : La Chinoise de Jean-Luc Godard (1967)

C’est un peu contraint et forcé – personne ne voulant financer sa Guerre des boutons – qu’Yves Robert a créé avec son épouse Les Productions de la Guéville, du nom d’une petite rivière prenant sa source dans le parc du château de Rambouillet, où vit le couple. Avec cette société, il produira ses propres films mais aussi ceux des autres : Jacques Doillon (La Femme qui pleure, La Drôlesse), Bertrand Tavernier (Que la fête commence), Elie Chouraqui (Qu’est-ce qui fait courir David ?), Jacques Perrin (Le Peuple migrateur) mais aussi un certain Jean-Luc Godard pour La Chinoise. Cette année-là, Yves Robert met en effet en scène Alexandre le bienheureux tout en cofinançant ce qui sera un film prophétique des événements de mai 68 à travers l’histoire d’une jeune révolutionnaire marxiste-léniniste, leader d’une bande ambitionnant l’assassinat d’une personnalité. Godard connaît bien ces milieux-là car il fréquente alors depuis peu Anne Wiazemsky qui, tout juste bachelière, a entamé des études de philo à la fac de Nanterre. La Chinoise prolonge son Masculin féminin, tourné un an plus tôt, notamment dans sa forme où Godard utilise de nouveau les codes du reportage journalistique (à commencer par les interviews face caméra…) à l’intérieur de sa fiction. Il y retrouve aussi son interprète, Jean-Pierre Léaud, entouré cette fois-ci de Juliet Berto et… d’Anne Wiazemsky. Seuls 330 390 spectateurs iront le découvrir mais La Chinoise sera récompensé du Prix du Jury à Venise.

 

Yves Robert, l’homme de télé : L’Eté 36 (1986)

Au cœur des années 80, après le mauvais accueil critique de son Jumeau (1,7 million d’entrées malgré tout) et avant de retrouver le chemin du triomphe avec La Gloire de mon père, Yves Robert passe pour la première fois de sa carrière par la case petit écran. Dans ce téléfilm en deux parties racontant le temps des premiers congés payés au cœur de la Bretagne, il adapte, avec son auteur, un roman de Bertrand Poirot-Delpech paru deux ans plus tôt. Il réunit devant sa caméra un casting de tout premier plan : Christian Clavier, Marie-Christine Barrault, Jean Carmet, Jean-Pierre Cassel, Fernando Rey, l’acteur-fétiche de Luis Buñuel ou encore un quasi-débutant nommé Jacques Gamblin. Une large partie de la critique salue alors l’ambition de L’Eté 36 tant dans son écriture, qui s’inscrit dans les pas d’un Julien Duvivier (on pense à La Belle équipe), que dans les moyens mis dans sa fabrication dignes du grand écran. Cette commémoration des 50 ans du Front Populaire restera cependant la seule aventure à la télévision d’Yves Robert.