French Immersive Studios : une vitrine pour le contenu immersif français

French Immersive Studios : une vitrine pour le contenu immersif français

30 novembre 2020
Création numérique
Notes on Blindness : Into Darkness écrit et réalisé par Peter Middleton et James Spinney
"Notes on Blindness : Into Darkness" écrit et réalisé par Peter Middleton et James Spinney Ex Nihilo, ARTE France, Archer’s Mark, Novelab, Atlas V

Six studios français spécialisés dans le contenu immersif – Novelab, Albyon, BackLight, Emissive, Innerspace et Small – viennent de se regrouper sous le label French Immersive Studios. Paul Mezier, producteur chez Novelab, ainsi que Voyelle Acker et Vincent Guttmann, de Small, nous éclairent sur les enjeux de cette association.


Comment a été créé French Immersive Studios ?

Paul Mezier : L’initiative est née au printemps 2020. Il fallait faire quelque chose pour fédérer et structurer l’industrie de l’immersif français. La France est reconnue dans le monde entier pour la qualité de ses productions. Aujourd’hui, dans n’importe quel festival, que ce soit Venise, Sundance, Tribeca ou autre, environ 50 % des titres sélectionnés viennent de France. On a eu envie de capitaliser sur cette lancée. L’un des objectifs de French Immersive Studios, c’est de mettre en avant le savoir-faire français. Notez bien que c’est un regroupement de studios de fabrication, et non de producteurs. Nous avons évidemment notre réseau de producteurs, mais nous voulons vraiment nous présenter comme une usine qui peut fabriquer des objets immersifs, et les fabriquer bien. À nous six, nous embrassons tous les métiers que comportent les œuvres immersives : virtual production, motion capture, facial capture, capture volumétrique d’objets, VR (réalité virtuelle), AR (réalité augmentée)… Parmi les œuvres emblématiques de ces six studios, il y a Spheres, Notes on Blindness : Into Darkness, Battlescar, A Fisherman’s Tale… On veut revendiquer notre savoir-faire et être un pôle d’attractivité mondial dans l’immersif.

Voyelle Acker : Pour prendre un exemple, chez Small, qui est un laboratoire au sein d’une plus grande structure [le studio d’animation Mac Guff, NDLR], nous développons depuis cinq ans de nouvelles écritures, de nouveaux outils, de nouvelles technologies, au service de ces narrations immersives. Jusqu’à présent, le studio agissait dans une position de prestataire. Mais la notion de prestataire dans le domaine de la création d’œuvres immersives n’existe pas vraiment. En réalité, le studio assume aussi le risque et la tâche de la R&D (recherche et développement) du projet. L’industrie n’est pas mature, que ce soit en termes de conception, de fabrication, de financement, de distribution ou d’exploitation des projets. Tout est à inventer – c’est ce qui est excitant – mais les frontières sont un peu floues. Nous souhaitons mettre en avant les problématiques des studios. Si on veut que les studios soient forts, qu’ils fabriquent à des prix compétitifs pour les producteurs, il faut qu’on puisse les nourrir avec des commandes. L’objectif de French Immersive Studios est très simple : c’est une plateforme de studios français qui fabriquent pour les autres. Ce qui nous intéresse, c’est de capter de la commande de projets à l’étranger.

Pour ce faire, vous mettez en avant le Crédit d’impôt international…

Voyelle Acker : C’est un outil formidable dont on dispose en France et qui permet de rester extrêmement compétitif.

Paul Mezier : Aujourd’hui, on peut avoir 30 % de crédit d’impôt à partir de 250 000 euros de dépenses faites en France. Et jusqu’à 40 % à partir de deux millions d’euros. Ça nous rend vraiment compétitifs au niveau mondial.

Si Marvel, par exemple, veut faire un jeu vidéo aujourd’hui, la France est une destination idéale.

Une autre de nos ambitions, c’est justement de mener une discussion sur le crédit d’impôt, qui n’est appliqué qu’au cas par cas sur certaines productions immersives. On aimerait qu’il soit élargi à toutes les productions.

Concrètement, comment vous organisez-vous ?

Vincent Guttmann : Nous discutons, nous échangeons, ce qui est déjà beaucoup. Avant, les studios ne se parlaient pas. Nous préférons communiquer plutôt que d’être dans une compétition stérile. Notre économie étant limitée, nous voulons mutualiser le savoir-faire. Afin que lorsque de gros projets arrivent, nous soyons capables de les répartir sur plusieurs studios. Un seul studio ne doit pas prendre tous les risques. Ce modèle existe dans les VFX (effets spéciaux) depuis plus de vingt ans en Angleterre. C’est comme ça qu’ils arrivent à fabriquer d’énormes blockbusters : parce qu’il y a plusieurs studios plutôt qu’un seul. French Immersive Studios est né de la même réflexion.

Voyelle Acker : On veut aussi qu’il y ait des passerelles entre les studios en termes de ressources humaines. Si un studio a besoin d’un développeur, un autre studio peut le lui prêter.

Quels sont les autres enjeux ?

Voyelle Acker : Nous devons démontrer qu’à un moment, il y aura un public, de la même manière qu’au cinéma, pour les expériences immersives. Difficile de dire quand. Mais il faut tenir jusque-là. Il y a des artistes, des auteurs, des envies… On raconte des histoires, sur des supports et des contextes différents. Il faut tenir jusqu’à ce que l’écosystème soit autofinancé. Les studios doivent vivre d’autres choses que des productions maison. Capter de la richesse à l’étranger est une des solutions.

Paul Mezier : Nous avons vocation à représenter l’industrie. French Immersive Studios est un groupe d’intérêt industriel, qui peut informer les organismes privés et publics qui nous aident sur la structure de nos devis, comment chiffrer les choses, etc. Nous ambitionnons aussi de renforcer la filière pour attirer les talents. Pour qu’un jeune qui sort d’école d’ingénieur, de modeleur ou d’artiste 3D, se dise qu’il va faire du jeu vidéo ou de l’immersif en France.

L’idée est de faire comprendre aux gens que l’immersif est aujourd’hui un fleuron de l’industrie française.
French Immersive Studios DR