Nadja Anane : « Zérostérone n’est pas une série revendicatrice »

Nadja Anane : « Zérostérone n’est pas une série revendicatrice »

27 novembre 2018
Création numérique
Nadja Anane sur le tournage de Zérostérone
Nadja Anane sur le tournage de Zérostérone Elliot

Un monde sans les hommes. C’est ce qu’ont imaginé Eléonore Costes, Sandy Lobry, Marion Seclin et Nadja Anane dans Zérostérone, une websérie produite par La Dame de Cœur pour Studio 4, la plateforme de France Télévisions Nouvelles Ecritures. Quelques jours après la fin du tournage, Nadja Anane est revenue pour le CNC sur la naissance de cette fiction d’anticipation.


Comment est née l’idée de Zérostérone ?
Il y a d’abord eu une envie de se rassembler à plusieurs. Après avoir fait beaucoup de sketchs et de programmes courts, nous avions envie de développer un projet plus long. Nous nous sommes donc retrouvées pour évoquer ce que l’on pourrait faire ensemble. L’idée de la série est née d’un brainstorming il y a deux ans.  Nous avons rapidement écrit le postulat puis nous sommes passées à autre chose, car nous avions toutes beaucoup de travail. Nous ne pouvions pas consacrer deux ans à ce projet. Mais le travail a véritablement recommencé en janvier ou février de l’année dernière, lorsque France Télévisions a accepté de partir en développement avec nous. Le projet et les personnages leur plaisaient.

Les séries d’anticipation sont plutôt rares en France. Etait-ce difficile d’avoir le feu vert d’un diffuseur ?
C’est justement parce que ce genre est difficile que nous voulions absolument le faire. Nous avions envie de nous amuser, de créer des univers un peu différents. Nous avons toutes réalisé des projets télévisés et nous étions conscientes que le web était la meilleure solution pour avoir la liberté que nous cherchions. Nous étions également conscientes que ça impliquerait un budget minime. Avec France Télévisions Nouvelles Ecritures, nous sommes tombées sur des gens qui avaient envie de tester des choses pas aussi évidentes qu’en télévision.

Zérostérone est une série faite par des femmes, avec des héroïnes féminines qui évoluent dans un monde de femmes. La série est-elle née d’une visée féministe ?
Evidement il y a un discours féministe, mais ce n’est pas une série revendicatrice. L’idée était de créer un monde, de faire un road movie avec des scènes d’aventure, de faire rencontrer les personnages, de les faire évoluer… A partir du moment où le concept est « un monde où il n’y a que des femmes », il y a forcément une réflexion derrière. Mais nous n’éprouvons pas le besoin de prouver quoi que ce soit avec cette série, de montrer que les femmes peuvent tout faire. Ça, nous le savons. Quand nous avons commencé à travailler, il n’y avait pas eu tout ce mouvement #MeToo. Nous avions envie de dire : « Evidemment les femmes sont capables de tout, mais nous aimerions un monde où les hommes et femmes cohabitent librement ». Nous n’avions pas envie de mettre en avant le fait que nous ne sommes que des femmes avec une série de femmes. Je ne mets surtout pas de côté la question féministe de la série. Elle est là. Mais je n’ai pas envie que l’ensemble de notre travail soit réduit à une revendication qui pourrait faire en sorte que les gens ne laissent pas une chance à la série et ne la regardent pas.

Vous parliez du mouvement #MeToo. A-t-il eu des conséquences sur le développement de la série ?
Ça n’a rien changé pour nous, car nous l’avions écrit avant. Je ne pense pas non plus qu’il y ait eu des conséquences pour France Télévisions. Notre série a été achetée après l’émergence de ce mouvement. Est-ce un hasard ou dû à #MeToo ? Je ne sais pas. Après ce mouvement, il y a eu une sorte de ras-le-bol. C’est peut-être le « discours d’après », celui d’apaisement, de relativisation, que nous avions envie d’apporter. Dans Zérostérone, le discours féministe n’est pas mis de côté, mais nous n’avons pas voulu opposer un point de vue. Nous sommes quatre auteurs avec quatre visions différentes du féminisme. La série n’est donc pas un pamphlet mais une aventure. Nous avions envie d’attirer un public large et ne pas seulement parler aux gens convaincus de la même chose que nous.

La série est-elle née également d’une volonté d’offrir des personnages féminins différents de ce qu’on peut voir habituellement sur le petit écran ?
C’est effectivement l’une des choses les plus intéressantes sur Zérostérone. En tant qu’auteur, je pense que nous avons toutes du mal à écrire des personnages féminins. Dans les films et livres qui nous ont nourris, les hommes étaient construits comme des vrais personnages avec plusieurs facettes alors que les femmes étaient faites comme des personnages secondaires avec une seule caractéristique forte : la mère, l’infirmière, etc... Dans la série, les héroïnes sont des femmes, donc nous ne pouvions évidemment pas nous contenter de ce genre de clichés. Mais très vite dans l’écriture, nous avons oublié qu’il s’agissait de femmes. Elles sont devenues des êtres humains. Avant même d’écrire l’histoire, nous avons imaginé les personnages, leurs caractéristiques, leur évolution…  Nous sommes tellement rentrées dans leur psychologie que le genre est devenu secondaire.

Quelle vision du monde souhaitiez-vous montrer dans cette websérie ?
Nous avions envie de montrer que même sans homme, le monde n’est pas parfait. Même s’il n’y a plus de sexisme, il y a d’autres problèmes. Les défauts sont dans l’être humain, dans le pouvoir. Ce monde sans homme est finalement plutôt proche du nôtre. Rien n’a vraiment changé.

a la recherche du dernier homme survivant

Zérostérone rassemble à l’écran Marion Seclin, Eléonore Costes, Sandy Lobry, Shirley Souagnon et Barbara Bolotner. Produite par La Dame de Cœur pour Studio 4, la série narre les aventures de plusieurs femmes qui vivent 108 ans après la disparition du dernier homme suite à une guerre chimique. Pour espérer procréer, les femmes doivent se faire inséminer dans une banque de sperme. Lorsque Charlie accompagne sa sœur Lucie à sa Journée d’Appel et de Préparation à la Procréation, elles rencontrent Gabrielle qui les entraîne à la recherche du dernier homme survivant.

Cette série a bénéficié de l’aide sélective à la production audiovisuelle du CNC.